Aurélie Resch originale dans la forme et le traitement

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Publié 14/06/2011 par Paul-François Sylvestre

En quelques mois, Aurélie Resch a publié un recueil de nouvelles, La dernière allumette, et un recueil de poésie, Cendres de lune. Dans ces deux ouvrages, elle s’intéresse tout particulièrement à l’exil et à la quête d’identité. Ses nombreux voyages semblent souvent devenir source d’inspiration.

La dernière allumette renferme une dizaine de nouvelles, dont cinq ont le mot «dernier» ou «dernière» dans le titre. Certains textes prennent parfois la forme d’une réflexion personnelle. C’est le cas de «La dernière séance» où la relation père-fille est abordée avec beaucoup de tendresse.

Comme Aurélie Resch voyage beaucoup, il ne faut pas être surpris de voir l’action se dérouler à des endroits comme Juarez ou New York. La nouvelle intitulée «La dernière minute» met en scène une New Yorkaise qui abuse «de caféine, de nicotine et d’anti-anxiolytiques» pour répondre aux aboiements de son chef de bureau. Cette nouvelle adopte le format classique en offrant un point de chute complètement inattendu.

Je ne sais pas si l’auteure a déjà gagné un forfait voyage au Mexique, mais toujours est-il qu’elle nous lance un «Bye Bye Toronto, me voy a Los Cabos!». Bien que l’endroit ressemble à un Club Med avec ses gentils organisateurs aux silhouettes musculeuses, le récit nous plonge loin des plages, plutôt dans une rue de Prague, dans un champ en Afrique, à Ground Zero et au Caire. Tout cela est rendu possible grâce à des photos, dont l’une a valu à la narratrice un voyage gratuit à Los Cabos.

«Dans les cordes» est une nouvelle où l’auteure se met dans la peau d’un boxeur qui ne connaît rien au milieu de la politique ou des arts. Il sait juste que le milieu du sport «est corrompu et pourri jusqu’à la moelle. Là où le fric coule à flot et peut être blanchi sans effort, [là où] il y a danger.»

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C’est dans ce texte que j’ai remarqué une comparaison assez originale: il y a un monsieur bien mis, «à la respectabilité aussi longue et prestigieuse que l’Ancien Testament». Belle trouvaille!

Les textes de La dernière allumette sont sombres, sérieux, parfois tristes. La nouvelle «Larmes de vie» annonce déjà, par son titre, une histoire tragique. Un enfant cherche de l’eau dans le désert et c’est auprès d’une femme qui tient son bébé mort dans les bras qu’il trouve une source: «Je voudrais récupérer vos larmes dans mon vase pour faire boire ma mère. Si je ne lui rapporte pas de quoi boire ce soir, elle mourra elle aussi.»

Tel que mentionné au tout début, Aurélie Resch s’intéresse à l’exil et à la quête d’identité. Dans «Le dernier jour d’école», elle met en scène deux garçons qui ne se rencontrent jamais, mais qui rêve chacun de connaître l’autre, peut-être à la rentrée. L’un d’eux est un réfugié iranien qui se sent défini par sa tragédie et sa solitude, deux réalités qui «nous éloignent bien plus qu’elles nous rassemblent».

La dernière allumette propose des histoires singulières et touchantes, qui rappellent la fragilité de la destinée humaine. Les personnages se retrouvent souvent en équilibre sur le mince fil du présent, prêts à basculer dans le vide.

Avec Cendres de lune, Aurélie Resch signe son premier recueil de poésie. Les courts textes de ces quelque 50 pages ressemblent souvent à des nouvelles ou récits; ils sont tous écrits en prose… poétique et nous invitent à explorer le monde après le crépuscule.

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Le poème «Migrations» offre un bel exemple où prose et poésie se conjuguent dans une même envolée: «Pour [les gitans], manouches des temps modernes, d’une époque sacrée et du présent en devenir, le monde est une ligne fuyante. Un éternel horizon au rougeoiement salvateur.»

Ce recueil se loge de toute évidence à l’enseigne de l’ombre, celle qui se referme sur les peurs ancestrales et sur les drames les plus secrets. Parfois le voile nocturne est discrètement soulevé pour révéler l’étrange système d’une vie sans aube. Ailleurs, c’est l’ombre d’un peuple hanté par ses démons, poussé par l’avant par ses défis, ses lois tribales et ses crimes.

Les deux ouvrages d’Aurélie Resch sont une preuve que notre écrivaine torontoise sait faire preuve d’originalité dans la forme et le traitement.

Aurélie Resch, La dernière allumette, nouvelles, Ottawa, Éditions David, coll. Voix narratives, 2011, 98 pages; Cendres de lune, poésie, Paris, Éditions de l’Harmattan, 2010, 54 pages.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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