Jeudi dernier, Amélie Nothomb, la fameuse écrivaine belge au grand chapeau, était de passage à Toronto, pour présenter ses deux derniers livres, Ni d’Ève ni d’Adam, traduit en anglais et Le fait du prince. À 15h, à peine sortie de l’aéroport, escortée de sa cour, elle rend visite aux élèves du Lycée français de Toronto. Après un saut dans des studios de télé, elle rejoint les 150 aficionados amassés, tant bien que mal, dans les locaux de l’Alliance française de Toronto.
Au Lycée français, vers 15h passées de quelques minutes, Marie-Christine Masson, l’une des organisatrices de la visite s’exclame tout à coup, sans quitter une seconde des yeux la porte principale: «Oh, la voilà, je la reconnais avec son chapeau!» Elle ne s’était pas trompée. Le proviseur, M. Duthel, aux aguets lui aussi, accueille l’invitée littéraire et la dirige rapidement à la bibliothèque où l’attendaient les élèves des classes de 9e, 10e, 11e et 12e de plus en plus impatients. À peine assise sur sa chaise, les questions se mettent à pleuvoir à la grande joie d’Amélie. Celle-ci commence par exprimer son sentiment d’effroi à l’idée de savoir ses romans intégrés dans le programme scolaire. «C’est un drôle d’effet.» Pour se rassurer de l’idée d’être devenue l’ennemie des générations qui succéderont dans cet établissement, elle ajoute: «Mes livres sont courts et ne vous occuperont pas trop longtemps.»
C’est alors que le déluge d’interrogations se déverse. «Non, je n’ai rien inventé dans Stupeur et tremblements. J’ai même atténué certains passages», répond-t-elle à la grande question qui habite tous les lecteurs de cette rocambolesque autobiographie. Dans ce livre, l’auteure raconte sa pénible expérience au sein d’une entreprise japonaise où elle fit une descente fulgurante, passant du poste de traductrice à celui de «Madame pipi».
Une descente aux enfers et une humiliation qui donneront, par la suite, le courage à cette personne pudique de montrer ses manuscrits. «Je me suis dit: Cela fait six ans que tu écris dans ton coin et si tu essayais d’être écrivain?» Cela valait bien la peine de tenter le coup puisque aujourd’hui ses romans sont traduits dans 41 langues.
À la question depuis quand elle écrit, elle raconte: «J’ai commencé l’écriture à l’âge de 17 ans sans savoir le moins du monde que c’était pour être écrivain. J’étais mal dans ma peau et c’était comme du mal qui sortait de moi. Je me sens habitée par quelque chose et le besoin de l’exprimer est une nécessité absolue.»