Albert Millaire fête ses 50 ans de carrière au TfT

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Publié 09/02/2006 par Marta Dolecki

Quand Albert Millaire montera sur les planches du Théâtre français de Toronto (TfT) cette semaine, sa performance dans la peau de M. Green viendra souligner ses 50 ans de carrière. Une belle coïncidence. Mais, pour l’illustre figure du théâtre québécois, la ressemblance entre lui et son personnage s’arrête-là.

«J’ai déjà 70 ans moi-même. Je n’ai pas encore l’air d’un vieillard», lance avec humour Albert Millaire à l’autre bout du fil. «Le monsieur que j’interprète dans la pièce en a 86. C’est avant tout un magnifique rôle de composition», dit l’acteur, alors que la pièce Visites à Monsieur Green, de Jeff Baron, dans une traduction de Michel Tremblay, poursuit sa tournée pancanadienne avant de s’arrêter à Toronto à compter du 19 octobre prochain.

Originellement créée en 1997 à New York, Visites à Monsieur Green (Visiting Mr. Green, en anglais) y a tenu l’affiche pendant un an. La pièce a depuis été jouée 200 fois dans 14 langues différentes. Au TfT, dans une mise en scène de Jacques Rossi, Visites à Monsieur Green repose sur le tête-à-tête, parfois conflictuel, entre un jeune cadre et le vieillard de 86 ans qu’il a renversé en voiture.

Condamné à une peine de travaux communautaires, Russ Gardiner (Louis-Olivier Mauffette) doit rendre visite une fois par semaine à M. Green (Albert Millaire), un vieil homme d’un abord grincheux et abrupt qui vient juste de perdre sa femme et vit prisonnier de ses souvenirs. L’arrangement ne fait l’affaire ni de l’un, ni de l’autre, mais peu à peu, les choses vont changer.

Albert Millaire a approché ce rôle d’octogénaire avec passion et enthousiasme. «C’est un personnage qui, au départ, est assez fermé, raconte-t-il. Il a des principes et fait beaucoup d’erreurs. Et puis, c’est aussi quelqu’un de très âgé. Quand on avance en âge, on redevient un peu plus spontané, un peu comme un enfant. M. Green est drôle et sympathique, malgré sa dureté. C’est assez formidable de jouer des rôles aussi complexes», laisse échapper Albert Millaire.

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En neuf tableaux, la pièce relate le face-à-face de deux générations qui ne se comprennent pas toujours. Neuf tableaux, neuf états d’âme différents. «Vous mettez alors vos sentiments au service du personnage. C’est comme si vous le viviez. C’est ça la vérité», commente le comédien qui va chercher dans ses expériences les plus intimes les émotions de ses personnages.

«La pièce est construite autour d’un dialogue moderne, on se parle brièvement, il y a très peu de monologues. Il y a une dynamique qui nous pousse là-dedans. Je trouve cette pièce très agréable de jouer, c’est comme une partie de tennis», poursuit-il.

Bien qu’assez sombre au demeurant, le ton de la pièce Visites à Monsieur Green, demeure entrecoupé d’éclats de rire qui viennent puiser leurs sources dans le comique de situation. Au final, la pièce comporte un beau message sur l’acceptation et la tolérance, mais chut! Il ne faut pas trop en dire au spectateur, avertit le comédien, prenant soin de ne pas dévoiler tous les rouages de l’intrigue.

Une carrière fulgurante

Pour Albert Millaire, le rôle de M. Green vient s’ajouter à un carnet de route déjà bien rempli. Un demi-siècle à jouer sur scène laisse forcément des traces, mais surtout, de beaux souvenirs. Au fil de sa carrière, le comédien a endossé les rôles éponymes de Don Juan, de Lorenzaccio, et d’Oedipe, pour ne citer qu’eux.

«J’ai toujours été gâté. Je n’ai jamais joué des rôles que je n’aimais pas», affirme le principal intéressé, revenant sur son passé de comédien. «Je me considère avant tout un homme de scène, mais j’ai aussi fait de très belles séries pour Radio-Canada. J’ai joué Wilfrid Laurier, le premier ministre du Canada, alors toute ma carrière est un souvenir magnifique et je continue», lance-t-il avec verve.

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Aujourd’hui, Albert Millaire aime à comparer les carrières fulgurantes et durables comme la sienne aux trajectoires des avions qui prennent leur envol pour ensuite atteindre leur vitesse de croisière dans les airs. «Si vous regardez un avion sur la piste, il est d’abord immobile. Il va ensuite monter pendant une demi-heure, avant de trouver son équilibre. Les gaz fonctionnent alors à plein régime. Moi, il a fallu que je mette beaucoup les feux pour arriver à une vitesse de croisière, confie l’acteur. J’ai travaillé sept jours par semaine, je n’ai pas vu mes enfants aussi souvent que j’aurais voulu.»

«J’ai dû sacrifier des choses, c’est évident. Je suis content que la vie m’ait gardé assez longtemps, parce que ça me permet de profiter davantage de mes proches, de ma vie privée», dit l’acteur.

À chacun sa route

L’envol d’Albert Millaire correspond à sa rencontre avec le monde du théâtre, un univers qui allait à jamais changer le cours de son existence. Ce fameux tournant, l’acteur l’a amorcé alors qu’il avait 17 ans. «J’ai commencé à faire du théâtre ans au cours classique et à partir de là, j’ai su que ça allait être ma vie. Dans mon temps, les fils d’ouvriers n’avaient pas le droit à des études prolongées. On finissait l’école en septième année. J’ai eu la chance de faire ce cours-là», se rappelle l’homme de théâtre.

Ses 50 ans de scène sont en réalité un peu plus, car M. Millaire compte les années du temps où il était étudiant, quand il débutait dans un métier qu’il décrit aujourd’hui comme «difficile» mais ô combien «gratifiant».

«On travaille constamment sur un filet, comme des trapézistes suspendus dans les airs. D’être ainsi exposé directement au public, c’est prendre une grande chance. D’où le trac, la peur. Quand vous réussissez, c’est comme une grande descente de ski, l’adrénaline est là. On peut toujours la sentir et la joie éclate ensuite à l’arrivée.»

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Son plus bel accomplissement à ce jour ? «J’avais été élevé seul par une veuve et je rêvais toujours d’avoir des enfants. C’est ce qui est arrivé. Je pense que c’est une de mes grandes joies dans la vie, estime Albert Millaire. Maintenant au niveau professionnel, ma plus grande satisfaction, c’est mon métier.»

Et avec le feu sacré et la passion qui caractérisent sa présence sur scène, ainsi que la vigueur avec laquelle il défend ses personnages, on peut affirmer sans se tromper que le comédien a encore de beaux jours devant lui.

Visites à Monsieur Green, du 19 au 30 octobre, Théâtre français de Toronto, 26 rue Berkeley, salle «Upstairs.», Tél: 416-534-6604.

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