Adamo, plus jeune que jamais

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Publié 20/01/2009 par Dominique Denis

Décidément, la tendance vers les albums de duos rétrospectifs n’est pas près de se résorber: Après les grands rassemblements autour de Delpech et d’Aznavour, voilà que Salvatore Adamo s’y met. Sûr, il s’en trouvera pour dire que cette prédisposition à la nostalgie a quelque chose de malsain, mais quand on se trouve face à une perle comme Le bal des gens bien (Universal), il serait carrément idiot de bouder son plaisir. Surtout que le plaisir en question – celui d’écouter Adamo partager ses plus beaux refrains avec une poignée d’interprètes de la nouvelle scène française – est riche en moments de pure magie.

La soixantaine bien entamée, Adamo avait donné un avant-goût de cette aventure l’an dernier, en signant l’irrésistible Ce George, dans lequel sa partenaire Olivia Ruiz mordit à belles dents. Cette histoire de cinéphilie et de jalousie (le George en question n’est pas Brassens, mais Clooney) confirmaient que les ans n’ont en rien affaibli la capacité d’Adamo à faire mouche sur tous les registres de l’émotion, de l’humour à la mélancolie en passant par un émerveillement enfantin des plus salutaires.

D’entrée de jeu, son duo avec Bénabar sur Vous permettez monsieur établit un son tonique et qui se veut résolument actuel. Tout au long de ces 18 rencontres, les arrangements d’Alain Cluzeau et de Fabrice Ravel-Chapuis dépoussièrent vigoureusement ces chansons qui, même si elles remontent pour la plupart aux années 60 et 70, donnent l’impression d’avoir été écrites hier.

Contrairement à Aznavour, dont le récent album Duos trahissait un refus de laisser le style de ses interlocuteurs influencer les résultats de leurs rencontres, Adamo a eu le courage d’aller retrouver ses invités sur leur propre terrain stylistique, qu’il s’agisse de Renan Luce (J’avais oublié que les roses sont roses, joliment rehaussé de guitare bottleneck), de Juliette (magistrale dans le registre traditionnel italien sur Un air en fa mineur) ou encore l’ami Souchon (qui se trouve parfaitement chez lui parmi Les filles du bord de mer). Quant au mot de la fin, il donne lieu à un duo 100% belge, où Maurane prête à Tant d’amour qui se perd l’émouvante sobriété qui nous la rend indispensable.

Et si la force des grandes chansons tient à leur pertinence, il suffira d’écouter Calogero et Adamo pour s’en convaincre, alors qu’ils reprennent Inch’Allah, un véritable cri du cœur («Dieu de l’Enfer ou Dieu du Ciel/Toi qui te trouves où bon te semble/En Palestine, en Israël/Il y a des enfants qui tremblent»), dont on a peine à croire qu’il fut poussé en…1965.

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Un Rivard symphonique

Hormis les collections de duos et les disques unplugged, la formule qui revient le plus souvent, quand il s’agit de remonter les chemins de la chanson, c’est celle des versions symphoniques. Mais vu les coûts, on comprendra que l’entreprise n’est pas à la portée de toutes les bourses. Et c’est tant mieux, car ce n’est pas non plus approprié à tous les répertoires.

A priori, j’aurais eu certains doutes face à l’idée de passer l’œuvre de Michel Rivard dans le colimateur symphonique, sans doute parce que je l’associe à sa guitare acoustique, mais aussi parce parce que ses chansons gagnent à être livrées sur le ton de la confidence (comme en témoigne le superbe coffret Bonjour, mon nom est toujours Michel Rivard…, paru en 2005), et que cette intimité risquait d’être dénaturée, voire oblitérée, par de grands déploiements orchestraux.

Et il n’était pas question, sur Rivière (Spectra Musique) d’embaucher l’OSM (augmenté d’un chœur) et l’arrangeur Blair Thomson pour simplement badigeonner quelques couleurs orchestrales sur un répertoire familier. La voix de Rivard s’intègre complètement à cette opulente palette, comme sont appelés à le faire les interprètes de lieder symphoniques de Richard Strauss ou Gustav Mahler. À la première écoute, la fusion a quelque chose de dérangeant, mais pour peu qu’on s’habitue l’oreille, ces chansons nous apparaissent sous un jour qui complémente nos repères familiers.

Quant aux orchestrations, elles oscillent entre l’impressionnisme de Debussy (sur Maudit Bonheur et, logiquement, Je voudrais voir la mer) et le jazz cinématographico-symphonique de John Barry (Le privé y reçoit un écrin «film noir» absolument parfait). Qu’il s’agisse des réminiscences de La lune d’automne ou de l’univers fantasque de Un trou dans les nuages, Blair Thomson a su trouver l’adéquation entre le propos, la mélodie et ses propres couleurs. Du coup, il offre à Michel Rivard l’occasion de nous rappeler – si c’était encore nécessaire – qu’on tient en lui le plus grand auteur-compositeur de sa génération.

À la recherche du groove original

Ah! Les vraies batteries, les salves de cuivres, l’orgue Hammond, les percussions, bref, le groove original et analogique, le pont incontournable entre la pulsion africaine et le funk made in USA, érigé à cette épique époque où la musique du monde se résumait, dans l’esprit de bien des gens, à une poignée de noms: Myriam Makeba, Bob Marley et… Manu Dibango, l’auteur des 17 tranches de soul instrumentale gravées entre Paris et New York, entre 1971 et 1975 (l’âge d’or, quoi!), et qui dormaient sur les tablettes du principal intéressé jusqu’à ce que la maison Frémeaux et Associés ait l’excellente idée de les rendre disponibles sous le titre African Woodoo.

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Le plus curieux, dans cette histoire, c’est que la plupart de ces thèmes n’étaient aucunement destinés à une existence discographique, ayant été composés tantôt pour des émissions de télé, tantôt pour des publicités. Mais qu’importe, au fond, puisque la preuve est dans le groove, et que le groove est carrément irrésistible: plus relax que les exercices de James Brown, empruntant à parts égales dans la musique latino-américaine de l’époque (le boogaloo de ses copains les Fania All-Stars) et, pourquoi pas, les lascives mais diablement efficaces bandes-son des pornos de l’époque. Et partout, on retrouve des échos de son fameux Soul Makossa, qui ferait de lui une star internationale en 1973, c’est-à-dire en plein cœur de cette période faste.

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