Décidément, la tendance vers les albums de duos rétrospectifs n’est pas près de se résorber: Après les grands rassemblements autour de Delpech et d’Aznavour, voilà que Salvatore Adamo s’y met. Sûr, il s’en trouvera pour dire que cette prédisposition à la nostalgie a quelque chose de malsain, mais quand on se trouve face à une perle comme Le bal des gens bien (Universal), il serait carrément idiot de bouder son plaisir. Surtout que le plaisir en question – celui d’écouter Adamo partager ses plus beaux refrains avec une poignée d’interprètes de la nouvelle scène française – est riche en moments de pure magie.
La soixantaine bien entamée, Adamo avait donné un avant-goût de cette aventure l’an dernier, en signant l’irrésistible Ce George, dans lequel sa partenaire Olivia Ruiz mordit à belles dents. Cette histoire de cinéphilie et de jalousie (le George en question n’est pas Brassens, mais Clooney) confirmaient que les ans n’ont en rien affaibli la capacité d’Adamo à faire mouche sur tous les registres de l’émotion, de l’humour à la mélancolie en passant par un émerveillement enfantin des plus salutaires.
D’entrée de jeu, son duo avec Bénabar sur Vous permettez monsieur établit un son tonique et qui se veut résolument actuel. Tout au long de ces 18 rencontres, les arrangements d’Alain Cluzeau et de Fabrice Ravel-Chapuis dépoussièrent vigoureusement ces chansons qui, même si elles remontent pour la plupart aux années 60 et 70, donnent l’impression d’avoir été écrites hier.
Contrairement à Aznavour, dont le récent album Duos trahissait un refus de laisser le style de ses interlocuteurs influencer les résultats de leurs rencontres, Adamo a eu le courage d’aller retrouver ses invités sur leur propre terrain stylistique, qu’il s’agisse de Renan Luce (J’avais oublié que les roses sont roses, joliment rehaussé de guitare bottleneck), de Juliette (magistrale dans le registre traditionnel italien sur Un air en fa mineur) ou encore l’ami Souchon (qui se trouve parfaitement chez lui parmi Les filles du bord de mer). Quant au mot de la fin, il donne lieu à un duo 100% belge, où Maurane prête à Tant d’amour qui se perd l’émouvante sobriété qui nous la rend indispensable.
Et si la force des grandes chansons tient à leur pertinence, il suffira d’écouter Calogero et Adamo pour s’en convaincre, alors qu’ils reprennent Inch’Allah, un véritable cri du cœur («Dieu de l’Enfer ou Dieu du Ciel/Toi qui te trouves où bon te semble/En Palestine, en Israël/Il y a des enfants qui tremblent»), dont on a peine à croire qu’il fut poussé en…1965.