À l’assaut du mont Everest pour la cause de la santé mentale

Alpinisme et ski extrêmes

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Jean-François Dupras sur une paroi d’escalade au pied de sa ville, Canmore, lors du tournage d’EXPAT spécial Canada sur la chaine CASA.
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Publié 13/02/2021 par Arnaud Barbet

Passionné de montagne, l’alpiniste Jean-François Dupras espère hisser sur le toit du monde la cause de la santé mentale canadienne, tandis que Meaghan Carney, psychothérapeute et skieuse de l’extrême, éveille les consciences.

Alors que la plupart d’entre nous restons au chaud pendant l’hiver canadien, Jean-François Dupras, lui, continue son entraînement à Canmore, au pied des Rocheuses. «Ces premiers mois d’hiver, je me suis laissé aller, mais depuis janvier, c’est parti!»

Au programme, quatre séances d’entraînement (musculation, étirement, yoga, méditation) et 700 m de dénivelé hebdomadaire pour atteindre le sommet de l’Everest l’année prochaine et récolter de nouveau des fonds pour appuyer des organismes pour la santé mentale.

7 km en 55 minutes

Ha-ling peak, un sentier de 7 km, ce n’est pas le toit du monde, mais c’est pour lui une ascension parfaite pour débuter.

«Même en hiver, il y a peu de risques, je fais cela en 55 minutes, et je me concentre sur ma respiration», admet-il en souriant. Il ajoute que d’ici l’été, il devra effectuer 24h de randonnée sans arrêt, «l’équivalent d’une ascension du sommet [de l’Everest] depuis le dernier camp de base et le retour le plus bas possible».

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Le logo du prochain défi de Jean-François Dupras, Everest 2022.

Dépression et dépendance

Si aujourd’hui, Jean-François à un moral d’acier, cela n’a pas été toujours le cas.

«J’ai vécu des moments difficiles dans ma vie. J’ai connu la dépression, la dépendance, et finalement découvert une passion. J’espère aujourd’hui, grâce à mes aventures, sensibiliser la population et notamment les jeunes, aux risques liés à la santé mentale. »

Il espère donc gravir la face nord, «moins dangereuse, moins achalandée, moins abrupte, mais beaucoup plus technique».

29 030 $

Il souligne aussi les risques d’avalanches, l’incertitude à la frontière chinoise… et les 65 000 $ qui lui manquent pour partir.

«Mais pourquoi y penser?» Lui préfère se concentrer sur ses capacités, son enthousiasme, ses forces, «le reste suivra, c’est certain!»

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Il espère d’ailleurs très prochainement collaborer avec un organisme en santé mentale, et s’engage à lui verser 29 030 $, soit la somme en argent correspondant à l’altitude en pieds du mont Everest.

Ski extrême

Si la psychothérapeute Meaghan Carey ne connaît pas la face nord de l’Everest, elle se souvient de ses déboires sur la face sud.

«Neuf semaines sur la montagne, une météo exécrable, des vents violents. Il était impossible pour moi d’aller skier le sommet. Nous avons dû abandonner. J’étais dévastée», raconte cette championne du monde de ski extrême des années 2000.

Cela n’empêche pas cette francophile, originaire de Seattle, de comprendre les désirs «fous» de Jean-François, son voisin de terrain de jeu. «La déception vous l’oubliez très vite. L’expérience est bien plus enrichissante que l’accomplissement», explique-t-elle.

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Meaghan Carney entre deux descentes vertigineuses à Chamonix (France). Photo : Xandi Kreusder

Rencontre avec soi-même

Pour elle, la montagne c’est d’abord une rencontre avec soi-même, une connexion essentielle. Elle nourrit l’âme et créer des liens avec les gens que vous rencontrez, «et finalement, à votre retour vous enrichissez votre communauté, vos proches».

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Une connexion avec la nature, avec soi et les autres qu’elle voit disparaître inexorablement dans notre société, laissant place à toujours plus de troubles du comportement, de crises anxiogènes et de dépendances. Elle signale d’ailleurs que Canmore n’est pas une exception à la règle malgré son paysage idyllique.

Un état des lieux compliqué

«La population souffre comme partout au Canada», indique-t-elle tout en indiquant qu’elle et ses collègues sont submergés.

Une situation covid qui, paradoxalement, la rassure. «On sait aujourd’hui sur quoi on a besoin de travailler. Avant la pandémie, tout était dans le noir, aujourd’hui la lumière est là sur tous les maux. C’est impossible de ne pas le voir, ne pas en parler.»

Et pourtant, au quotidien, la psychothérapeute n’est pas dupe. «Des postes liés à la santé mentale disparaissent dans les milieux scolaires, dans les hôpitaux de la région, et nous avons droit à une « petite semaine » annuelle de la santé mentale», dit-elle avec une pointe d’ironie, tout en félicitant le travail de l’alpiniste.

«On en est là! Des individus qui à eux seuls soulèvent des montagnes pour faire reconnaître l’existence de la maladie mentale. Si encore, le gouvernement les indemnisait pour l’immense service qu’ils rendent à la communauté», sermonne-t-elle.

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Meaghan Carney dévale les pistes du Brevant à Chamonix (France). Photo : Christoffer Sjöström

Conscient des risques

Cette visibilité si importante, Jean-François Dupras espère la promouvoir à chaque ascension, chaque rêve qu’il réalise. Le toit du monde n’est d’ailleurs qu’une étape, mais peut-être l’une des plus complexes.

«Je suis conscient des risques. J’ai tout lu, tout visionné!» Après le mont Denali (É.-U.), le Kilimandjaro (Tanzanie), l’Elbrouz (Russie) et L’Aconcagua (Argentine), l’alpiniste connaît ses limites.

La peur

Lorsque l’on évoque la peur, il sourit.

«La peur, je l’aurais certainement sur les pentes. Elle est importante, elle permet de prendre les bonnes décisions. Si elle me prend au ventre à cent mètres du sommet, je n’aurais peut-être pas le choix que de faire demi-tour, accepte-t-il en ajoutant, en montagne, on apprend l’humilité.»

Il insiste d’ailleurs sur cette nécessité à tout âge d’écouter et d’accepter ses émotions, de pouvoir les partager, de demander de l’aide au besoin. «La dépression rôde. Je suis stressé, j’ai peur, je me sens un moins que rien, il est temps d’aller chercher de l’aide», explique-t-il.

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Vue depuis le sommet de l’Aconcagua (Argentine – 6962 m), le 20 janvier 2020, ascension en solo. Photo: Jean-Francois Dupras

Accepter de ne pas être parfait

Jean-François Dupras est allé voir des professionnels de la santé mentale, s’est lancé dans sa passion sans filet, juste quelques mousquetons. Il vit le moment présent du mieux qu’il peut, en toute simplicité.

Si, comme tout le monde, il lui arrive d’avoir des moments où il se sent moins bien, il part marcher quelques minutes ou plusieurs heures, pour se reconnecter avec la nature, avec lui-même.

Aujourd’hui, il en est sûr, «nous devons accepter de ne pas être parfaits!»

Une nature qui a son rôle à jouer

Pour Meaghan Carey, comme pour Jean-François Dupras, il faut se retrouver soi-même. Alors que la première signale la nécessité de limiter les écrans et les réseaux sociaux, l’autre a choisi de ne plus écouter les médias pour cause de négativisme.

L’alpiniste continue, «aujourd’hui, on a tous reçu une claque dans la face qui dit: Réveillez-vous! Vivez votre vie maintenant, avec votre famille, dans le respect de la nature et l’opportunité de se retrouver».

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Il en profite d’ailleurs pour remercier cette famille qui l’a toujours accompagné dans cette mission de bienveillance.

Défis personnels raisonnables

Une quête du bonheur et du bien-être soutenue par la thérapeute. «Adultes ou enfants, tout le monde peut se donner des défis personnels et raisonnables pour être heureux», explique-t-elle.

Mais elle le sait, cela va prendre de la discipline, «nous avons aujourd’hui tous besoin de nourrir notre âme, cela doit prendre quelques minutes au quotidien».

Les enfants ont besoin de jouer dehors

Finalement, elle conseille une petite marche dehors, en nature ou dans un parc, quelques instants de méditation, des exercices de respiration et insiste sur la notion de jeu à l’extérieur pour les plus jeunes.

«Les enfants ont besoin de cette connexion avec la forêt, la montagne, le grand air. Pour gravir des montagnes ou simplement s’arrêter sur le bord d’un chemin et jouer avec ce qu’ils trouvent.»

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Des enfants qui sont, pour Jean-François Dupras, la clé d’une société plus respectueuse, plus inclusive, moins stigmatisante. À chaque déplacement, chaque visioconférence qu’il a pu faire dans les écoles, il espère avoir libéré la parole des jeunes, leur envie d’aller de l’avant, de croire en eux, tout en faisant un pied de nez à la maladie mentale.

Les sept sommets

À ce jour, il reste encore trois grands sommets à atteindre pour que Jean-François Dupras concrétise son défi, avoir gravi les sept sommets les plus élevés de chacun des sept continents. L’Everest en mai 2022, puis le Vinson en Antarctique, et le Cartensz en Nouvelle-Guinée.

Auteur

  • Arnaud Barbet

    L’Initiative de journalisme local est financée par le gouvernement du Canada et gérée par l'Association de la presse francophone.

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