Fascinant paradoxe que celui de la musique de film: complément essentiel aux images projetées à l’écran, langage émotionnel sans lequel l’intention du cinéaste resterait souvent ambiguë, elle serait faite pour être sentie plutôt qu’écoutée activement. Et pourtant, combien de fois est-il arrivé qu’un thème musical quitte son cadre de celluloïde pour nous imprégner la mémoire, devenant, par un imperceptible processus d’appropriation, la trame sonore de nos propres faits et gestes – et, bien sûr, l’écho de nos émotions.
Lui-même compositeur pour le Septième Art (Un héros très discret, Regarde les hommes tomber), Alexandre Desplat maîtrise les rouages de ce puissant mécanisme psychologique.
Travaillant étroitement avec le Traffic Quintet – un quatuor à cordes augmenté d’une contrebasse, en l’occurrence – Desplat revisite sur Nouvelles vagues, de Godard à Audiard (Naïve) quelques-uns de plus brillants moments de cette symbiose son-image auquel le cinéma français a donné lieu, rendant hommage au génie de George Delerue (Pierrot le fou, Jules et Jim, Le mépris), mais aussi de Gato Barbieri, dont les mélodies obsédantes sont indispensables au huis clos érotique du Dernier tango à Paris.
Mais le second coup de génie de cet album tient au travail de transposition, pour une configuration instrumentale somme toute modeste, de musiques qui exploitaient une palette de couleurs aussi vaste que variée, sans qu’on aie jamais l’impression que l’intention du compositeur – ou du cinéaste – aient été trahies.
Sous les doigts du quintette français, le climat propre à chaque film nous est fidèlement restitué, et pourtant, ces 20 vignettes traduisent une remarquable cohésion.