La nouvelle vague de designers français jette l’ancre à Harbourfront

La théorie de l’évolution des objets

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Publié 09/10/2012 par Guillaume Garcia

Susciter l’interrogation, l’étonnement, voilà ce qui motive Pierre Favresse et Jean-Christophe Orthlieb. Leur métier? Créer les objets du futur. Pas forcément des objets futuristes pour de nouveaux besoins, juste le futur des objets. Bref leur métier c’est de participer à l’évolution de ce qu’ils dessinent.

Les deux designers français étaient à Toronto fin septembre pour le lancement de l’exposition Nouvelle Vague: le nouveau paysage domestique français, jusqu’au 23 décembre 2012 au centre Harbourfront. Cette exposition met en lumière le renouveau du design français et des jeunes artisans de l’hexagone.

Mettre la jeunesse en avant

Dans l’ombre de grands designers, comme Philippe Starck, la relève du design français tente de faire reconnaître son travail, avec une certaine réussite, comme en témoigne par exemple l’entrée en fonction de Pierre Favresse au poste de directeur artistique chez Habitat, fin 2011.

Pour faire connaître le travail de ses jeunes designers, il faut que les anciens les mettent dans la lumière. C’est ce qu’a fait Cédric Morisset, journaliste, consultant en design et commissaire d’exposition indépendant, qui travaille en permanence à l’émergence de nouveaux talents et de nouveaux projets pour des clients français et internationaux du luxe et des médias. Il contribue également de manière régulière au journal Le Figaro et aux magazines A.D. et Mixte.

Présentée au Salon du meuble de Milan (2011) puis a été accueillie par le Design Museum Holon en Israël, le Bon Marché à Paris et le Wanted Design Event à New York lors de l’International Contemporary Furniture Fair (ICFF), c’est au tour de Toronto de découvrir le talent des studios A+A Cooren, Studio Nocc (dont fait partie Jean-Christophe Orthlieb), Pool et de Pierre Favresse et Ionna Vautrin.

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«La France connaît une véritable fièvre entrepreneuriale en matière de design contemporain. En à peine trois ans, il s’est créé plus de maisons d’édition spécialisées et de galeries à Paris que durant les dix dernières années. Radicalement différents les uns des autres, mais unis dans un esprit de complicité et de solidarité, ces designers valorisent le nouveau paysage domestique français. Leurs créations forment un manifeste pour la liberté d’expression», indique Cédric Morisset, commissaire de l’exposition.

Renouveler la manière de penser

Pierre Favresse Diplômé de l’École Nationale Supérieure des Arts décoratifs (ENSAD) de Paris en 2003 a fondé son studio en 2010, après avoir collaboré cinq années avec Mathieu Lehanneur, créateur et designer français. «L’exposition de Milan ça a été un gros investissement. Cédric Morisset ne voulait que des nouvelles pièces. C’était pour montrer ce qu’on savait faire. À cinq, il y a une vraie osmose, une émulsion qui s’est créée, les pièces fonctionnent bien ensemble. »

Les amateurs torontois de design peuvent découvrir une demi-douzaine de pièces de Pierre Favresse au Harbourfront Centre. Tout d’abord, il y a eu une série de plusieurs chaises, une liseuse, une chaise berçante et une chaise normale. En discutant avec les deux designers sur leur travail, on peut comprendre ce qui les motive réellement.

Une chaise, ce n’est pas compliqué. C’est quatre pieds, un dossier et une assise! Et c’est pourtant le plus dur à dessiner pour un designer (avec un vase paraît-il), justement parce que ça a été fait des millions de fois. «Il faut penser, comment mieux concevoir, avoir moins d’impact sur l’environnement. Une chaise c’est cher, je voulais faire une chaise pas chère», explique Pierre Favresse.

Ses chaises sont donc découpées à plat, dans du bois et assemblées ensuite. Grâce à ce procédé de fabrication, le coût est limité, car le matériel nécessaire à la découpe reste simple. «Tout peut voyager à plat aussi, ça ne prend pas de place. Il faut penser au contexte aussi. Pourquoi ce produit répond mieux que les autres? »

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Fabriquer mieux, et moins cher

Pour la question du prix, ce n’est pas Jean-Christophe Orthlieb qui va le contredire. Une partie de la série d’objets qu’il présente, à travers le studio Nocc veut montrer comment, si les ménages y étaient prêts, les meubles pourraient être vendus pré-montés, à un prix relativement pas pour une bonne qualité.

Les exemples pris sont justement des vases, de la collection «Object of Sound», dont la forme est générée en transposant en 3D l’onde sonore du mot «vase» dans différentes langues. À petite échelle la fabrication des vases revient cher, mais à grande échelle le prix de revient se trouve largement diminué. Une étagère composée deux planches de bois et de panneaux métalliques prédécoupés servant de support entre les planches participe elle aussi à la démonstration du Studio Nocc. Les panneaux métalliques coûtent trois fois rien. Il faut ensuite deux planches et quelques vis pour finaliser l’étagère. «Pour le moment seules les galeries sont intéressées», ajoute Jean-Christophe Orthlieb.

Studio NOCC a été fondé par Juan Pablo Naranjo et Jean-Christophe Orthlieb, rapprochés par leur goût commun pour les sciences.

Des objets mutants

Leur collaboration s’appuie sur un dialogue permanent guidé par un esprit scientifique partage et une vision conceptuelle. Une autre collection présentée à Toronto montre des objets «mutants». «On réfléchissait sur la théorie de l’évolution de Darwin en se demandant si cela pouvait s’appliquer aux objets. Cela fonctionne plutôt bien! », s’amuse Jean-Christophe Orthlieb. L’idée étant aussi de développer de nouvelles pratiques à partir de cette mutation. Vous serez stupéfait de voir une chaise, dont l’accoudoir a grandi, pour s’ancrer dans le sol en avant de la chaise. L’extension permet par exemple de poser son journal. La mutation des objets transforme leur utilisation. Voilà ce que voulaient démontrer les deux gars du Studio Nocc. C’est assez réussi.

L’exposition présente, il faut le souligner, le travail de plusieurs autres designers qui n’étaient pas présents lors du vernissage, mais dont les créations sont toutes autant novatrices et étonnantes. Mais on vous laisse les découvrir vous-même dans la galerie du Centre Harbourfront. Vous ne pouvez pas les manquer. On parle ici d’objets de la vie courante, mais qui ont ce petit quelque chose en plus qui attire le regard.

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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