Notre avenir

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Publié 02/10/2012 par Gabriel Racle

Quelle conception les humains se font-ils de leur avenir? Étrange question.

En effet, depuis qu’ils existent sur notre planète, il y a quelques milliers d’années – l’homme actuel (l’homo sapiens) serait apparu il y a environ 200 000 ans – les humains ne cessent de prospérer et de développer des moyens d’existence de plus en plus perfectionnés. Les progrès qu’ils réalisent ne leur garantissent-ils pas un avenir assuré?

Le problème

«Un malaise persistant traverse la culture de notre époque. Si certains font preuve d’un enthousiasme apparemment illimité devant l’accroissement de notre puissance technique et la promesse de plaisirs toujours plus nombreux, d’autres, en revanche montrent un effroi grandissant devant les désastres suscités par notre volonté de maîtrise et les infortunes qui jalonnent la quête d’authenticité des modernes.»

C’est en ces termes que s’ouvre un livre impressionnant qui aborde donc cette question, peut-être fondamentale: notre monde, trop technologique, trop abreuvé d’information, trop dévoué à l’économique, devient-il démesuré pour les humains, dépasserait-il La mesure de l’Homme? C’est le titre de cet ouvrage de Daniel Jacques (Boréal, 2012, 720 p.).

L’étude

Le problème ainsi soulevé par Daniel Jacques n’est pas tout à fait nouveau. Ian Pearson, Chris Winter et Peter Cochrane l’ont déjà considéré en 1995, dans un article intitulé The Future Evolution of Man, dans lequel ils voient surgit en face de l’Homo sapiens, l’Homo sapiens Ludditus (qui s’oppose aux machines), l’Homo Cyberneticus, l’Homo Hybridus et l’Homo Machinus.

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Leur conclusion se situe dans la droite ligne de l’étude que va entreprendrais Daniel Jacques: «Pensant d’une nouvelle manière et possédant de nouvelles capacités, nous verrons nos possibilités et notre imagination s’accroitre. La question est: pouvons-nous surmonter notre blocage mental par une symbiose avec la machine, ou allons-nous nous épuiser en combattant et finir par disparaître?» (traduction libre)

D’une façon différente de ces auteurs, Daniel Jacques étudie ce problème sous un angle historico-philosophique, en abordant l’humanisme. À la question qu’il pose, «Qu’est-ce que l’humanisme?», il ne donne pas comme réponse une définition, mais invite plutôt à le suivre dans le parcours qu’il trace à travers le temps et l’histoire, ce qui donne la structure de son ouvrage.

Une enquête

Daniel Jacques s’engage donc dans une enquête portant sur cette question: «En quoi consiste l’humanité de l’homme?» Pour ce faire, l’auteur structure son ouvrage en deux parties, de longueur différente. L’humanisme classique ou antique, gréco-romain (l’auteur néglige les sources mésopotamiennes), de la première partie se distingue de l’humanisme moderne de la deuxième partie.

Deux figures qui s’opposent caractérisent l’humanisme classique. L’une consiste «à rejeter tout humanisme comme étant l’expression de la vanité et de la déraison de l’homme», l’autre, à l’opposé, veut «rejeter, au nom de l’homme, toute soumission à une loi extérieure». C’est l’opposition entre philosophie et religion, «catholique notamment».

L’humanisme moderne, que Daniel Jacques étudiée longuement, est à la fois une renaissance et une révolution, résultant d’une nouvelle prise de conscience de la spécificité des humains. «Les modernes ont inventé une manière originale de s’envisager, mi-anges, mi-bêtes, tout à la fois compatissants et cruels.»

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Il donne des exemples de cette évolution, comme les combats de gladiateurs qui divertissaient les Romains, sans susciter de critiques, et qui nous paraissent aujourd’hui d’une cruauté insupportable.

L’antihumanisme

Une troisième partie fait suite à celle-ci, dont le lecteur intéressé prendra connaissance par lui-même, car il serait trop long de la résumer, après en avoir entrouvert la porte. Dans cette dernière partie, l’auteur passe en revue différentes questions qui remettent en cause, apparemment, le concept de l’humanisme.

«Évolution et humanisme» pose la question «de la nature de l’humanisme qui, selon plusieurs, décline à notre époque». Grave question s’il en est. Peut-on, par exemple, «résoudre tous les problèmes que pose l’existence humaine par le moyen de la science»? «Cybernétique et humanisme» aborde «Le paradigme cybernétique» et «La pensée machine», évoqués plus haut.

D’autres chapitres traitent d’Humanisme et utopie, du Retournement de l’humanisme, de L’humanisme domestique et de L’amour de la vie. «On peut se demanderai si ce monde, en raison même du sentiment de démesure qui le caractérise n’ouvre pas la voie à un renouveau de l’humanisme».

Créations et disparitions

On pourrait clore ce résumé schématique de cet ouvrage politico-philosophique en reprenant quelques lignes optimistes d’Andreu Solé, dans Créateurs de mondes (Éditions du Rocher): «L’histoire de l’humanité se présente comme une succession – un processus sans fin et sans finalité – de créations et de disparitions de mondes…»

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«L’exploration de l’histoire humaine nous apprend que les humains ne sont pas prisonniers d’un monde (de certaines croyances, d’un certain type d’organisation politique ou économique, d’une certaine esthétique, d’un certain rapport au temps ou encore à l’au-delà, etc.). L’Homme est un animal «ouvert», c’est-à-dire doté d’une «capacité créatrice de monde», infinie», et donc d’un nouvel humanisme.»

En dépit de toutes les turbulences de l’heure, cette vision optimiste va-t-elle prévaloir?

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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