L’écriture et l’image

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Publié 10/07/2012 par Gabriel Racle

L’écriture! S’il est un outil de communication essentiel dans les sociétés modernes, c’est bien l’écriture, que les enfants apprennent à déchiffrer et à re3produire à l’école. Mais d’où nous vient ce mode de communication, diversifié, que l’on ne déchiffre pas s’il ne nous est pas familier, comme le bulgare à Sofia ou le japonais à Nagoya?

Rendre visible l’invisible

Il en va de l’histoire de l’écriture comme de celle de l’évolution humaine, une succession de transformations à partir d’un ou de plusieurs points de départ, dont au fil du temps les résultats sont ceux que nous connaissons aujourd’hui.

Et la grande invention de l’écriture, c’est de rendre visible ce qui ne l’est pas, de rendre visible la parole.

En faisant la transposition nécessaire, une initiative toute récente nous offre un exemple.

Il s’agit du travail d’un graphiste portugais de Porto, qui, après des années de recherche et d’essais, a mis au point un code géométrique qui traduit les couleurs pour les personnes souffrant de daltonisme.

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Cette anomalie, une dyschromatopsie d’origine génétique, entraîne le plus souvent la confusion du vert et du rouge, plus rarement du jaune et du bleu.

Le code inventé par Miguel Neiva permet de faire les distinctions ou les associations nécessaires.

En quelque sorte, la création de l’écriture procède d’une démarche semblable, qui porte sur la parole, traduite par un code de plus en plus perfectionné et qui rend ainsi compte de ce qui se dit et donc des sons et pas seulement des «choses».

Tout un art

Le peintre suisse Paul Klee (1879-1840) a écrit cette phrase très célèbre, qui sert souvent de sujet de dissertation philosophique dans des examens: «L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible».

Cet aphorisme s’applique fort bien à notre sujet. On peut prendre un exemple classique, celui des vitraux des cathédrales du Moyen Âge.

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Loin d’être uniquement des éléments décoratifs, ces vitraux constituaient un véritable livre que les fidèles qui ne savaient pas lire déchiffraient cependant facilement, car les vitraillistes utilisaient un code qu’ils connaissaient: couleurs, gestes, positions, statures.

De nos jours, il est difficile de lire ces codes, cette.écriture donc, si on ne les connaît pas. L’art rendait visibles des messages chrétiens invisibles.

Les hiéroglyphes

C’est ce qui se passait avec l’ancienne écriture égyptienne constituée de hiéroglyphes, des petites figures gravées, des pictogrammes, longtemps incompréhensibles, illisibles, parce que l’on ne connaissait pas leur codification.

Champollion (1790-1832) commence à déchiffrer les premiers hiéroglyphes à partir de 1821, grâce à la pierre de Rosette, un fragment de stèle comportant une inscription en hiéroglyphes, en écriture égyptienne démotique (ou populaire) et en alphabet grec.

Il se rend alors compte que les figurines représentent un système phonétique: «C’est un système complexe, une écriture tout à la fois figurative, symbolique et phonétique, dans un même texte, une même phrase, je dirais presque dans un même mot.»

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La démonstration était faite que l’image rendait visible l’invisible, même si à l’époque cette évidence est passée inaperçue ou presque, l’accent étant plutôt mis sur l’objet signifiant.

Toute une histoire

Comment en est-on arrivé, à partir des premières formes d’écriture, aux raffinements de l’écriture alphabétique actuelle? C’est toute une histoire, c’est une longue histoire, c’est une histoire culturelle passionnante, on le devine par les exemples brièvement mentionnés, qui nous concerne tous, qui concerne tous les humains, quel que soit leur mode d’expression écrite.

C’est cette histoire que raconte un récent ouvrage: Histoire de l’écriture.

De l’idéogramme au multimédia, Flammarion, 2012, 22,5×25,5×3 cm, 414 p., abondamment illustré. L’ouvrage est divisé en trois parties. La première, Origines et réinventions, est consacrée aux plus anciens systèmes d’écriture et à leurs adaptations selon les langues et les cultures des civilisations.

Des spécialistes passent en revue des écritures asiatiques, chinoise, japonaise, indienne, sud-américaines, maya, péruvienne, sans oublier l’écriture mésopotamienne cunéiforme, reproduite dans notre article du 25 octobre 2011, ni l’écriture rongo-rongo des tablettes de l’île de Pâques, toujours indéchiffrée, et dont parle notre article du 15 mai dernier.

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La deuxième partie, Alphabets et écritures dérivées, se concentre sur les alphabets, leur histoire et leur diffusion. Sont abordés, entre autres, l’écriture arabe, les alphabets grecs, l’écriture runique, l’écriture cyrillique, celle de l’Italie antique.

L’écrit et la modernité

La troisième partie, L’image dans l’écriture de l’Occident, montre comment l’alphabet occidental est parvenu à réintégrer l’image dans son système à travers ses incarnations successives, manuscrites, imprimées et informatisées.

Le livre s’achève par cette formule: «Bref, le destin de l’écriture reste énigmatique, vivant et imprévisible.» Il en ira probablement de l’écriture comme de l’art.

Celui-ci évolue sans cesse et nous conte une histoire à la fois ancienne et nouvelle. L’écriture, fille de l’art, en fera sans doute autant, en continuant de produire ces écrits tout aussi indispensables que les productions picturales et imagées. Ce livre bien documenté en est une preuve.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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