Inoubliable Louis Riel

La COC revisite un chapitre controversé de l’histoire du Canada

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Publié 18/04/2017 par Janine Messadié

La Canadian Opera Company (COC), en coproduction avec le Centre national des arts à Ottawa, revisite un chapitre important et controversé de l’histoire du Canada avec Louis Riel, l’opéra en trois actes du compositeur canadien Harry Somers (1925-1999), dont les livrets anglais et français sont respectivement attribuables à Mavor Moore et Jacques Languirand.

Cet opéra épique sera à Toronto à compter de ce mercredi 20 avril au Four Seasons Centre for the Performing Arts.

Crée en 1967 dans les cadre des célébrations du Centenaire de la fédération canadienne, Louis Riel compte 18 scènes et couvre 16 années de la vie de cet enseignant manitobain, héros métis de deux mouvements de résistance, d’abord à la rivière Rouge (futur Manitoba) en 1869-1870, puis à Batoche (Saskatchewan) entre 1884 et 1885,  jusqu’à son procès et sa mise à mort par pendaison, en 1885, à Régina. L’opéra offre aussi une dramatisation des machinations politiques d’Ottawa qui ont mené aux actions de Louis Riel, et à nombre de confrontations entre lui, ses ennemis, ses amis et sa famille.

50 ans plus tard, pour souligner le 150e, et alors que le pays vit une période importante de Vérité et de Réconciliation avec les peuples des Premières Nations, le directeur artistique de la COC, Peter Hinton, veut mettre en lumière le chemin parcouru dans les relations entre le Canada et les communautés autochtones, et celui qui reste encore à parcourir.

Choeur autochtone

Pour recréer l’histoire sans en occulter les faits, Hinton a choisi de créer un chœur silencieux, constitué d’hommes et de femmes autochtones, pour représenter l’Assemblée de la Terre (Land Assembly). Ce chœur sans voix se déplace et se modifie en réponse à l’action sur scène et symbolise la nation autochtone directement touchée par les victoires et les défaites de Louis Riel. À la tête de cette assemblée et jouant le rôle d’un activiste, on retrouvera le célèbre acteur, homme de théâtre et directeur artistique Cole Alvis, un Métis-Irlandais des monts Turtle au Manitoba.

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Outre l’Assemblée de la Terre, 35 membres du chœur de la COC, dont cinq issus de la Nation Métis, représenteront cette fois le Chœur parlementaire : un groupe de colons, hommes et femmes immigrés qui ne participe pas à l’action physique du récit, mais qui chantent pour commenter et débattre de l’action qui se déroule devant nos yeux. Créé à l’image d’un chœur grec moderne, il symbolise les fonctions des députés qui légifèrent et valident les luttes de tous les Canadiens à Ottawa.

Avec la présence de 150 artistes sur scène, 30 solistes ­interprétant 39 rôles, 40 choristes, 20 figurants et 67 musiciens de ­l’Orchestre de la COC, sous la direction du chef Johannes Debus, Louis Riel sera chanté en anglais, en français, en cri et en métchif (la langue mixte à base du cri et du français), avec des surtitres français et anglais.

Distribution entièrement canadienne

Quelques-unes des plus grandes voix du pays sont réunies sur scène pour interpréter les chants de Louis Riel. Parmi elles, Jean-Philippe Fortier-Lazure, Allyson McHardy,  Simone Osborne, James Westman et l’un des chanteurs lyriques les plus dynamiques de sa génération: Alain Coulombe.

Il incarne Alexandre-Antonin Taché, prêtre oblat et missionnaire, devenu évêque et dont la carrière fut remarquable, tant sur le plan ecclésiastique que sur le plan politique. C’est Taché qui a servi d’intermédiaire entre le gouvernement provisoire de Riel et le cabinet de Sir John A. Macdonald, afin que le leader métis soit gracié, mais sans succès.

Rencontré par L’Express, Alain Coulombe confie avec passion le bonheur que lui procure ce rôle qui, dit-il, lui était destiné.

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«Lorsque Harry Somers a créé le rôle de Monseigneur Taché dans les années 60, il avait en tête le chanteur basse Joseph Rouleau, qui tout comme moi est originaire de Matane. Joseph Rouleau a aussi été mon professeur, c’est donc pour moi un bel héritage que d’une génération à l’autre deux matanais – chanteurs d’opéra à la voix basse – incarnent le rôle de ce grand personnage qui a été un homme politique important et le père spirituel de Louis Riel. C’est vraiment un très grand honneur… je crois que ce rôle m’était destiné.»

Prêtre et politicien

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Alain Coulombe

C’est en plongeant dans l’Histoire qu’Alain Coulombe s’est familiarisé avec Alexandre-Antonin Taché, un homme dont la carrière politique et l’œuvre missionnaire l’ont beaucoup touché.

«J’ai beaucoup lu sur le projet de vie de Monseigneur Taché et je me suis inspiré de ses écrits, mais aussi des thèses écrites à son sujet. C’était passionnant de lire sur la vie de cet homme, à la fois politicien, homme d’affaires, prêtre missionnaire et grand spirituel, qui a travaillé sans cesse afin de faire valoir les droits des populations métisse et francophone dans la province du Manitoba. Il a toujours été au côté de Riel, de son enfance à l’âge adulte, proche de sa famille aussi.»

«Toutes ces lectures m’ont permis de connaître les qualités de l’homme, ses défauts, ses ambitions, sa grandeur d’âme, son humanisme, et d’incarner le rôle de manière plus authentique, plus organique – avec passion et compassion. Je joue un Taché jeune et vieux car l’action se déroule sur 16 ans, et le dernier chapitre est très émouvant, c’est un moment très fort car Taché ne pouvant sauver Riel de la mort, un homme qu’il aimait profondément comme s’il était son fils, s’en remet à Dieu. C’est comme si l’homme politique s’efface pour laisser toute la place au prêtre et à sa force spirituelle.»

C’est le baryton canadien de renommée internationale Russell Braun, célèbre pour ses prouesses vocales et dramatiques, qui incarne Louis Riel. Un artiste au sommet de son art, confirme Alain Coulombe.

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«J’ai partagé la scène avec Russell Braun au cours des vingt dernières années et c’est toujours un plaisir de le retrouver. Il est superbe dans ce rôle, qu’il incarne avec force et puissance et toute son expérience. C’est un artiste au summum de sa carrière… simplement WOW!»

Injustices

«En fait,  toute la production et la mise en scène de Peter Hinton est formidable. Il y a beaucoup de contrastes dans cet opéra et beaucoup de variété dans les orchestrations, c’est-à-dire des ambiances à la fois intimistes et d’autres très vivantes, survoltées, parce qu’on est dans l’action et on y parle de résistance, de droits des autochtones qui ont perdu leur pays, leur terre, leur culture, leur religion. C’est vraiment une belle réussite.»

«Hinton a fait un travail de fond, il a été à la source. Il ne pouvait pas revisiter Louis Riel sans mettre en lumière tout ce que les Autochtones ont pu subir comme injustices à l’époque, ayant été victimes de racisme et de discrimination.»

Quelque 130 ans après son exécution à l’issue d’un procès qui divise aujourd’hui encore les historiens, Louis Riel demeure une figure emblématique et historique incontournable du Canada, un héros légendaire, un chef Métis inoubliable.

Russel Braun lors de la répétition de Louis Riel. (Photo: Michael Cooper)
Russel Braun lors de la répétition de Louis Riel. (Photo: Sam Gaetz)

Auteur

  • Janine Messadié

    Communicatrice d'une grande polyvalence. 30 ans de journalisme et de présence sur les ondes de Radio-Canada et diverses stations privées de radio et de télévision du Québec et de l’Ontario français. Écrit depuis toujours...

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