Une vie d’amour destinée à un autre

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Publié 24/04/2012 par Paul-François Sylvestre

Je vous le dis tout de go. Le roman Un amour dérobé, de Mackenzie Ford, sera un de mes coups de cœur en 2012. Le nom de l’auteur ne vous dira pas grand-chose, car il s’agit du pseudonyme de Peter Watson, journaliste et historien anglais réputé. Il a écrit une histoire d’amour aussi fascinante que singulière.

Cette histoire se déroule entre 1914 et 1919, donc durant la Première Guerre mondiale. Tout commence durant «la trêve de Noël 1914». Je ne connaissais pas cet arrêt des hostilités pendant quelques heures, l’espace d’une fraternité au lendemain inouï.

Ce jour de Noël 1914, le soldat britannique Hal fait connaissance avec le lieutenant allemand Wilhelm. Ce dernier est amoureux d’une Anglaise, Sam, et il glisse dans la main de Hal une photographie… S’il survit à la guerre, Hal promet d’aller trouver Sam pour lui remettre de la part de Wilhelm ce gage d’affection.

Peu de temps après la trêve, Hal Montgomery est atteint d’une balle qui lui fracture le pelvis et détruit sa glande prostatique, ce qui l’empêchera d’avoir des enfants. Rapatrié, il part à la recherche de Sam Ross…

Mais dès l’instant où il la voit, son émoi est tel qu’il cache la photo de Wilhelm, «prêt à assumer n’importe quel mensonge ou dissimulation pour qu’elle m’ait à la bonne».

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Comme dans toute intrigue bien tissée, Un amour dérobé regorge de rebondissements inattendus. Hal apprend d’abord que Sam a eu un enfant et que Wilhelm ne sait pas qu’il en est le père. Les sœurs de Sam ne ménagent pas leurs remarques contre les Boches, ce qui brouille les relations au sein de la famille Ross.

Du côté de la famille Montgomery, l’auteur décrit les aventures de la sœur d’Hal, Izzy, qui devient infirmière et qui se rend au front pour faire des transfusions sanguines. Elle écrit régulièrement à son frère et lui sert de conseillère en amour, qu’il le veuille ou non. Izzy sait qu’Hal «n’a d’autre choix que de vivre dans le mensonge qu’il a fabriqué».

Ford/Watson émaille son texte de réflexions ou de remarques d’une grande justesse. Il écrit qu’«une famille de filles, ce n’est pas toujours une réussite. C’est parfois un vrai nid de vipères, avec des tas de petites rivalités et des mesquineries.»

Au sujet de l’issue de cette Première Guerre mondiale, le romancier historien «ignore les conditions dans lesquelles nous allons gagner la guerre, mais ce qui est sûr, c’est que nous ne voulons pas perdre la paix.»

Le style de Ford-Watson se veut allègre sans jamais devenir trop brusque. Lorsqu’une femme doit tendre un piège à un homme soupçonné de trahison, elle accepte d’abord de prendre un verre avec lui. L’auteur écrit que «le verre se transforma en déjeuner, et le déjeuner en une invitation à dîner pour le surlendemain. Le poisson avait été bien ferré.»

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L’auteur décrit très bien comment, en temps de guerre, il est faux de croire qu’il y a un bon et un mauvais côté, l’un blanc, l’autre noir. «La guerre regorge de situations troubles.» Et les mots gardent souvent un caractère ambigu. Ils sont malléables à merci, surtout les mots «justice», «Dieu» et «amour».

Parlant d’amour, la mère d’Hal dit que son fils n’a pas besoin qu’on l’aime. «Il est surtout doué pour aimer. Il ne connaîtra jamais ni les affres du désespoir ni le comble du bonheur.» Elle ignore que son fils connaîtra une situation encore plus trouble, car il sera pris au piège qu’il a lui-même dressé…

Hal Montgomery a-t-il agi par malhonnêteté, par tromperie, par traîtrise? A-t-il sciemment tracé le chemin qui l’a conduit à un amour dérobé? A-t-il dupé Wilhelm, Sam ou lui-même? Je vous laisse deviner la réponse et le dénouement de cette histoire admirablement architecturée et racontée.

Mackenzie Ford, Un amour dérobé, roman traduit de l’anglais par Valérie Rosier, Paris, Éditions JC Lattès, 2011, 444 pages, 34,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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