Qui diable pourrait avoir un quelconque intérêt à pirater un site de communiqués de presse? Scientifiques, de surcroît?
C’est la question qui intrigue le milieu scientifique depuis que le site américain Eurekalert a annoncé, dans la soirée du mardi 13 septembre, qu’il fermait temporairement ses portes, jusqu’à ce qu’ait été trouvée une mystérieuse faille de sécurité apparemment utilisée par un hacker pendant quatre jours.
Or, Eurekalert est un guichet unique pour les communiqués de presse des universités, organismes et autres institutions de science.
C’est un outil pratique pour les journalistes scientifiques, mais qui possède une particularité méconnue du grand public: l’embargo. Un journaliste «accrédité» par Eurekalert peut obtenir certains communiqués avec quelques jours d’avance, ce qui lui donne le temps de préparer son reportage, pourvu qu’il s’engage à ne pas le publier avant la date officielle.
La légitimité de cette vieille pratique, à l’heure de «l’accès libre» à l’information scientifique, est souvent débattue, au point que certains ont suggéré que ce soit ce que voulait dénoncer le pirate informatique. Mais si tel était le cas, il a très peu profité de ses quatre jours: selon la porte-parole de l’AAAS (Association américaine pour l’avancement des sciences), il n’a mis en ligne que deux communiqués sous embargo, dont un de l’Université de Montréal.
Il a également prévenu au moins un journaliste, qui a alerté Eurekalert. Et même ce journaliste, Philipp Hummel, du magazine allemand Die Welt, admet entretenir des doutes sur la légitimité de l’embargo.
«Le plus gros problème pour moi», écrit Hummel, «est qu’il s’agit d’une assiette où l’on vous présente toute cette jolie science préarrangée — des découvertes et autres — et vous n’avez pas vraiment à faire de vrai reportage et de vraies recherches. Je pense que ça cause du tort au journalisme scientifique… J’espère que cela va déclencher un débat sur les embargos et tout le processus par lequel les journaux scientifiques comme Science, Nature et les gros influencent le reportage en science. Cette situation a montré combien nous [journalistes scientifiques] sommes très dépendants d’EurekAlert.»