Giacometti fasciné par les Étrusques

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Publié 24/01/2012 par Gabriel Racle

Giacometti fasciné par les Étrusques

Gabriel Racle

De prime abord, il peut sembler étrange, sinon paradoxal, d’associer un sculpteur de notre époque, de renommée mondiale, et une civilisation d’un autre âge, surtout connue dans les cercles restreints d’historiens et de spécialistes des cultures préromaines. Un tel écart temporel les sépare que tout lien entre eux semble exclu.

Ce rapprochement, un véritable défi, la Pinacothèque de Paris l’a fait, en le relevant par une exposition, achevée, et par un livre d’art et d’histoire dans lequel se rencontrent à merveille deux mondes si différents: une occasion unique de les découvrir dans un contexte enrichissant des plus agréables.

Cette «confrontation» s’explique, comme l’indique l’historien A. Furiesi au début de l’ouvrage Giacometti et les Étrusques: «Parmi tous les peuples qui ont habité au bord de la Méditerranée au cours des siècles, la civilisation étrusque est probablement celle qui a exercé la plus grande fascination.»
Fascination, le mot est à retenir, pour comprendre plus tard l’itinéraire de Giacometti.

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Origine incertaine

Cette région de l’Italie, l’Étrurie, était peuplée depuis très longtemps par des populations dont on ignore l’origine exacte, autochtone ou migrante. Elle offrait à ses habitants de riches ressources agricoles et minérales, fer, cuivre, argent, plomb et mercure, qui contribueront à leur évolution économique, culturelle et artistique.

On distingue quatre périodes dans l’histoire étrusque et son déploiement artistique. La période des IXe-VIIIe siècles avant notre ère – ou protohistorique – voit une évolution culturelle gagner les populations locales sous l’influence de peuples voisins et d’échanges «commerciaux».

Il en résulte la période orientalisante (720-580 av. n.-è.), qui marque le passage à l’histoire, et l’apparition des «princes», des aristocrates étrusques, l’adoption de l’alphabet grec et de l’écriture dans certains milieux. L’orfèvrerie se développe, avec des bijoux en or, des vases en argent montrant des techniques raffinées.

Suit la période archaïque et classique (580-340 av. n.-è.) qui voit au VIe siècle l’apogée de la puissance étrusque, tant militaire que politique. Au cours de cette période apparaissent des chefs-d’œuvre artistiques en bronze, en terre cuite ou en céramique, que l’on admire toujours.

La période hellénistique (340 – fin du Ier siècle av. n.-è.) est marquée par la conquête romaine de l’Étrurie. La romanisation de cette région va se faire, la langue étrusque est encore utilisée quelque temps et la production artistique reste importante avec des bronzes comme la très célèbre statue L’Ombre du Soir (350-300).

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Sculpteur suisse

Giacometti (1901-1966) est ce sculpteur suisse qui s’est rendu célèbre notamment par ses sculptures filiformes.

Orienté vers l’art par son père, peintre, il commence par la peinture de portraits, puis il poursuit sa formation à l’École dès beaux-arts de Genève avant de gagner Paris en janvier 1922, où il fréquente l’atelier du sculpteur Antoine Bourdelle – dont on célébrait le 30 octobre 2011 le 150e anniversaire de naissance.

Pour se perfectionner, il se rend chaque dimanche au Musée du Louvre. Et lorsqu’en 1955, celui-ci organise l’exposition L’Art et la civilisation des Étrusques, Giacometti est fasciné par ce qu’il découvre, particulièrement ces sculptures fines et allongées.

Pour approfondir ses connaissances, il se rend en Italie, au pays des Étrusques, en Toscane. Il passe sans doute à Florence, au Musée archéologique, puis plus tard à Volterra, près de Pise. Il y voit alors la «Mona Lisa étrusque», cette figure emblématique du monde étrusque, L’Ombre du Soir.

Il est difficile d’imaginer les œuvres de l’artiste sans songer à cette figure filiforme, qui a certainement donné un souffle inspiré à son art, attiré qu’il était déjà par des figures filiformes dans la série des Femmes de Venise, dans L’Homme qui marche, ou Grande femme.

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200 pages d’illustrations

L’ouvrage publié par la Pinacothèque, Giacometti et les Étrusques (24,5 x 26 cm, relié, 336 pages), est conçu pour donner le maximum d’information visuelle, avec quelques 200 pages d’illustrations concernant largement l’art étrusque et une trentaine d’œuvres de Giacometti.

Une cinquantaine de pages servent d’introduction en offrant un raccourci de l’histoire du peuple étrusque et de son art. Ces pages sont fort utiles pour se plonger ensuite dans le bain étrusque.

La partie catalogue est organisée selon les quatre phases que nous avons mentionnées, avec un descriptif et des reproductions des pièces étrusques.

Et dans les pages consacrées à «La rencontre de deux mondes. Giacometti et les Étrusques», l’art de Giacometti et l’art étrusque s’entrelacent pour le plus grand plaisir du lecteur, qui peut ainsi voir les résultats de cette rencontre. C’est un ouvrage unique.

La Pinacothèque

La Pinacothèque est un musée, situé derrière la célèbre église de la Madeleine, que tout amateur d’art de passage à Paris inscrira dans ses visites pour profiter de ses collections permanentes et de ses expositions originales.

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En 2012, une exposition sera consacrée aux masques de jade mayas et nous en présenterons le catalogue, s’il nous parvient rapidement, pour combler nos lecteurs amateurs d’art autochtone.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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