Les agacements de l’oral

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Publié 08/11/2011 par Martin Francoeur

Ça fait longtemps que je me dis que j’allais aborder avec vous un sujet qui n’est pourtant pas facile à aborder dans une chronique écrite. Pas facile parce qu’il concerne le français parlé. Ce n’est certes pas facile de décrire des phénomènes liés à l’oral dans une chronique écrite. Mais voyons si je peux me faire comprendre…


Il y a dans le français parlé des trucs qui agacent l’oreille. Ou alors des trucs qui, sans agacer l’oreille parce qu’ils se sont répandus subtilement dans l’usage oral, demeurent carrément fautifs.


L’exemple le plus frappant de ces défauts du français parlé demeure sans doute l’affrication – aussi appelée assibilation – des consonnes «d» et «t».


Je m’avoue même coupable de faire comme une majorité de francophones québécois ou canadiens et de prononcer trop souvent ces consonnes «ts» et «dz» dans des mots où elles se retrouvent devant les voyelles «u», «i» et «y».


S’il fallait prononcer correctement les «d» et les «t», de nombreux Québécois ou francophones d’ailleurs au Canada passeraient pour des personnes qui veulent «trop bien parler».


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Combien de francophones – non européens – prennent soin de prononcer un «d» ou un «t» de façon uniforme (sans affrication) dans le parler courant? Dites un peu à voix haute des mots comme «tituber», «vendredi», «étudier» ou encore une phrase complète comme «Je ne comprends pas ce que tu dis».


Il y a de fortes chances que vous prononciez «tsitsuber», «vendredzi», «étsudzier» ou encore «Je ne comprends pas ce que tsu dzis». Peut-être pas en mettant autant d’emphase sur les petits sons «s» ou «z» qui s’insèrent inutilement après les consonnes «t» et «d» mais quand même…


Si vous prononcer les «t» de «tituber» de la même façon que vous prononcez les «t» de «totalité», alors bravo! Mais chez nous, on tombe généralement dans l’affrication. Certains avancent même que de nos jours, l’affrication ou l’assibilation fait partie de l’usage neutre au Québec.


Dans une chronique publiée sur le site web du Trésor de la langue française au Québec, on explique que le phénomène entourant cette prononciation a été évoqué pour la première fois dans les années 1870 par le journaliste et lexicographe canadien Oscar Dunn.


Dans son Glossaire franco-canadien, paru en 1880, il écrivait à propos de la lettre «d», que «bien peu de personnes au Canada prononcent correctement le verbe dire.


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Nous prononçons dzire. Cet accent passe inaperçu chez nous, mais écorche l’oreille de l’étranger. C’est dans les écoles primaires qu’il nous faut commencer à le combattre.»


Mais même les professeurs aujourd’hui ne prononcent pas les «t» et les «d» précédant les «i» et les «u» de façon aussi pure qu’ils le font lorsque ces consonnes se trouvent devant les autres voyelles.


L’autre phénomène agaçant est plus récent et on ne trouve toujours pas d’explication. Il s’agit surtout d’un phénomène que l’on observe dans les médias. Dans la façon de parler des journalistes et des présentateurs de la télévision, plus particulièrement.


Ceux-ci ont une fâcheuse tendance à ajouter un sifflement inutile à la fin d’un mot ou d’une phrase qui se termine par le son «i» ou «u».


Par exemple, après un entretien en direct avec un journaliste, une lectrice de nouvelles dira «Emmanuelle Latraverse, je vous remercie» en étirant le «ie» de «remercie» et en lui ajoutant une sorte de bref sifflement.


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De la même façon qu’on entend parfois: «Après la pause, les prévisions météo pour demain et samedi», avec encore le sifflement qui marque en quelque sorte que c’est la fin de la phrase, comme si on voulait l’étirer.


Le phénomène est difficile à expliquer à l’écrit parce que cette espèce de sifflement ne se transpose pas à l’écrit. Il faut vraiment que vous fassiez l’exercice d’écouter des bulletins de nouvelles, par exemple, pour bien comprendre ce dont il est question.


Portez attention à des phrases qui marquent la fin d’un «chapitre» du bulletin de nouvelles: «On se retrouve demain; bonne fin d’après-midi», ou «Il faudra maintenant attendre la décision du ministère du Revenu», ou encore «Rappelons que le premier ministre Harper doit se rendre prochainement aux États-Unis».


Il y a de fortes chances, si ces phrases terminent un segment du bulletin, pour que vous entendiez ce sifflement inutile et inexplicable…


À la longue, ça agace.

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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