L’échapper belle

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Publié 14/06/2011 par Martin Francoeur

La langue française regorge d’expressions qui nous font parfois hésiter lorsque vient le temps de les écrire. On doit alors chercher un peu et puis on trouve généralement réponse à nos interrogations. Mais certaines de ces expressions sont aussi obscures en ce qui a trait à leur origine. On les utilise fréquemment, sans trop savoir d’où elles viennent.

C’est le cas de l’expression «l’échapper belle», que l’on utilise le plus souvent conjuguée à un temps composé. Comme dans «il l’a échappé belle» ou «je l’avais échappé belle». Remarquez que dans le cas de cette expression, la question de l’accord du participe passé se pose tout autant que la question quant à l’origine.

Réglons d’abord l’accord. Les ouvrages de référence qui font mention de cette expression indiquent que de nos jours, le participe passé du verbe «échapper» demeure ici invariable.

Pour ce qui est de l’origine, ça se complique. On a droit à des explications qui diffèrent. La Banque de dépannage linguistique de l’Office québécois de la langue française nous apprend que l’expression viendrait du jeu de paume, l’ancêtre du tennis. Elle signifiait : «manquer une balle qu’on aurait pu frapper, c’est-à-dire une belle balle».

Le pronom «l’» représentait donc le mot balle, qui était sous-entendu, et l’adjectif belle était au féminin parce qu’il se rapportait à ce nom.

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Le petit article consacré à cette expression nous confirme que le sens de la locution a aujourd’hui bien changé. Elle signifie, comme on le sait : «éviter de justesse un danger». «Étant donné ce glissement de sens, ni le féminin de belle ni le sens du l’ ne sont plus sentis.

L’échapper belle est donc maintenant une expression figée et, pour cette raison, lorsqu’on l’emploie à un temps composé, le participe passé d’échapper est invariable», peut-on lire.

Le site web de Larousse confirme cette explication.

Mais en fouillant un peu dans des dictionnaires historiques et étymologiques, on trouve une autre explication. Certaines sources mentionnent que l’expression telle qu’on la connaît aujourd’hui daterait du dix-septième siècle. Mais on la retrouve sous une forme différente (qui belle l’eschappa) dès le quinzième siècle. Et ici, on ne fait pas de référence spécifique au jeu de paume.

Le mot belle aurait ici le sens de «bien», avec un sous-entendu de soulagement dû à la proximité du danger évité de justesse.

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Le site web expressio.fr nous indique par ailleurs que l’expression contient un des sens anciens de l’adjectif «beau» ou «belle». Il signifie ici «opportun» ou «qui convient parfaitement». On le retrouve dans d’autres locutions comme «au beau milieu» ou «bailler belle». Ce sens «ancien» de beau ou belle s’est perdu depuis longtemps mais les locutions, nous dit-on, sont restées.

Piégé à mon propre jeu

Vous êtes quelques-uns à m’avoir indiqué, par courriel, que vous aviez apprécié le petit jeu des vingt erreurs que je vous proposais il y a quelques semaines. Vous m’en voyez ravi. Je reproduisais dans ces pages le texte d’une dictée que j’ai concoctée pour un événement à saveur littéraire.

Puisque je ne pouvais vous faire subir l’épreuve de la dictée verbalement, je l’ai retranscrite en y ajoutant volontairement vingt fautes, histoire de vous permettre de jouer.

Mais voilà, en vous faisant part du corrigé, dans la dernière chronique, je me suis moi-même emberlificoté dans mes erreurs. Une lectrice l’a d’ailleurs relevé sur le blogue En bon français, sur le site web de L’Express. Merci à vous, Danielle, pour votre vigilance.

Je vous indiquais, à tort, que le participe passé «ballottés» était écrit incorrectement dans la phrase suivante: «Il faut parfois déjouer l’orthographe de certains adjectifs frappés d’obsolescence. Il faut savoir conjuguer des verbes, continûment ballottés à tous les modes et à tous les temps.»

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Dans le corrigé, je vous indiquais même que le mot ne s’écrivait qu’avec un seul «t». Et c’est faux. Les dictionnaires l’écrivent avec deux «t».

En fait, j’aurais dû l’écrire avec un seul «t» pour constituer la vingtième erreur de ce texte volontairement trafiqué. Mais je ne l’ai pas fait. L’ai-je échappé belle?

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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