400 enfants de la rue devenus photographes à la Galerie Glendon

Le Sud s’expose au Nord

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Publié 22/02/2011 par Annik Chalifour

La Galerie Glendon propose une rétrospective des photographies grand format du couple d’artistes photographes québécois Miki Gingras et Patrick Dionne, intitulée Humanidad – les enfants travailleurs, jusqu’au 24 mars. L’exposition illustre l’exploitation économique des enfants travailleurs en Amérique latine, dans un corpus d’œuvres photographiques créées et remodelées par le biais de dispositifs numériques. Un ouvrage exceptionnel, où les enfants de la rue, devenus à la fois sujets des photographies et photographes, ont emprunté une démarche artistique intuitive par l’entremise de caméras obscura.

Humanidad est un projet artistique qui a été initié en 2004, à la suite d’une réflexion des deux artistes sur la perception des gens face à leur milieu de vie et aux conséquences de la mondialisation sur celui-ci.

Ils ont parcouru le Mexique, le Guatemala et le Nicaragua, vivant dans une camionnette, installant des chambres noires de fortune et enregistrant les images qui sont à la base de cette exposition.

En Amérique latine, beaucoup d’enfants doivent travailler pour assurer la survie économique et alimentaire de leur famille. La situation très complexe de ces jeunes, liée à un contexte économique et politique perturbé, forme le thème central de l’œuvre sociale des deux photographes.

Choix politique et esthétique

Miki Gingras et Patrick Dionne ont ainsi observé, lors de leurs multiples voyages par la route, depuis Montréal jusqu’au Nicaragua, les occupations journalières de ces enfants pour la survie dans les espaces délabrés, les décharges publiques et dans les marchés de victuailles et de volailles.

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Au cours de leurs périples, les artistes ont fait appel à 400 jeunes à qui ils ont fait découvrir le pouvoir des images de la chambre noire: «Intégrer les jeunes travailleurs ou jeunes de la rue est un choix politique et esthétique», affirmait Patrick lors du vernissage, mardi 15 février.

«Cette exposition est le fruit d’une recherche artistique contemporaine qui se veut le témoignage de notre engagement politique à l’égard de la réalité néfaste du travail des enfants sud-américains, qui dérive d’inégalités économiques.»

Anthropologues visuels

Outre une trentaine de grandes photographies exclusives, l’exposition inclut une vidéo, dont les images inédites prises au cours des cinq années de randonnée des deux photographes à travers le Nicaragua, sont accompagnées par de courtes phrases écrites par les jeunes enfants travailleurs sur leur situation et leur vision de la vie.

Depuis 12 ans, Miki Gingras et Patrick Dionne créent des œuvres et montages photographiques qui interrogent les problématiques politiques, sociales et culturelles de la mondialisation économique et de ses répercussions souvent dévastatrices sur le milieu de vie des individus.

«Comme des anthropologues visuels, nous explorons la relation de l’individu avec son milieu de vie. Ces problématiques sont abordées visuellement à partir d’une réflexion plastique et esthétique basée sur une exploration de la lumière et du temps», d’expliquer Miki.

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Le couple a comme éthique de travail de mettre en commun leurs idéaux et savoir-faire respectifs. «L’acte créateur devient un échange, car en intégrant le sujet à la création, cela offre l’opportunité à une collectivité de prendre la parole. Et pour nous les artistes de prendre part à leur intimité, d’être les témoins privilégiés de leur réalité et de leurs rêves», a réitéré Patrick.

La participation du sujet peut se manifester de différentes façons comme par des mises en scène, des témoignages ou par la prise d’images. Les thèmes s’imposent d’eux-mêmes en vertu de la relation que les artistes établissent avec les sujets.

Au gré de l’intuition

Ils utilisent différents types d’appareils, du sténopé au numérique en mettant de côté la technologie propre à l’appareil photographique pour laisser place à l’intuition, au hasard et à l’accident.

Par la suite, ils sélectionnent des images afin de créer une allégorie à partir de la thématique et de l’expérience qu’ils ont vécue lors de la prise de vue. Cette sélection est retravaillée et manipulée en utilisant les différentes possibilités de l’informatique.

Le résultat photographique étonnant devient une œuvre dont ils sont les seuls à connaître le passage entre ce qu’ils ont vécu et comment ils l’ont interprété et divulgué. Une exposition à voir absolument!

Auteur

  • Annik Chalifour

    Chroniqueuse et journaliste à l-express.ca depuis 2008. Plusieurs reportages réalisés en Haïti sur le tourisme solidaire en appui à l’économie locale durable. Plus de 20 ans d'œuvre humanitaire. Formation de juriste.

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