Plus facile à écrire qu’à prononcer

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Publié 09/05/2006 par Martin Francoeur

Pelleter ne fait pas que causer des maux de dos. Ça cause aussi des maux de tête. Surtout quand vient le temps de le prononcer…

Il y a deux semaines, j’abordais dans ces pages la question des hésitations liées à la prononciation de certains mots. En fouillant dans certains outils de référence, j’ai trouvé le verbe qui, probablement, remporte la palme des difficultés reliées à la façon de le dire. Surtout lorsqu’on le conjugue.

Il s’agit du verbe «pelleter». De prime abord, tout va bien. On prononce «pel-ter» pour la simple et bonne raison qu’il en a toujours été ainsi. Mais selon les règles de la conjugaison, le verbe «pelleter» se conjugue comme le verbe «jeter»: je pellette, tu pellettes, il pellette, nous pelletons, vous pelletez, ils pellettent. La consonne finale est doublée.

Normalement, ces formes devraient se prononcer exactement comme on le fait pour le verbe «jeter». On dit «je jette» comme on devrait dire «je pellette». Au son, cela donnerait quelque chose comme: «je pe-lett». Comme «palette» mais avec un «e» à la place du «a».

Mais de ce côté-ci de l’Atlantique, où on est particulièrement habitués de pelleter, on prononce «pelt». En une seule syllabe. L’Office québécois de la langue française nous indique que ce trait ne nous est pas propre. «Il s’agit là d’une tendance bien attestée en français, qui consiste à uniformiser la conjugaison des verbes qui ont un radical qui change à l’oral», peut-on lire dans la Banque de dépannage linguistique de l’organisme.

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En fait, on prononce la conjugaison à la première personne du singulier de l’indicatif présent de la même façon qu’on prononce l’infinitif. La forme «pelt» est tout à fait semblable à la sonorité «pel-ter» ou aux conjugaisons comme «nous pelletons», «je pelletais», «j’ai pelleté», qui se prononcent respectivement «nous pel-tons», «je pel-tais» et «j’ai pel-té».

De la même façon, l’usage l’a emporté et la prononciation des formes du futur et du conditionnel, qui présentent la même particularité que l’indicatif présent, suit la règle de contraction du radical en une seule syllabe. On dira donc «je pelletterai» en le prononçant «je pel-tré» plutôt que «je pe-lè-tré». Suivant cette logique, on prononcera «nous pel-tri-on» la forme qu’on écrit pourtant «nous pelletterions».

Différents ouvrages font état de cette particularité. Il s’agit d’un bel exemple d’une prononciation à ce point ancrée dans le langage parlé qu’on a dû la reconnaître et l’attester. Même si la prononciation apparentée aux autres verbes en «-eter» comme «rejeter» ou «crocheter» devrait logiquement être retenue, on ne peut que constater qu’elle ne passe pas dans l’usage. Elle ne sera pas fautive, mais sonnera terriblement faux.

Fait intéressant à noter, le verbe «pelleter» n’est pas le seul à voir ainsi son radical faire l’objet d’un tel changement à l’oral. C’est aussi le cas pour «paqueter», qui se prononce souvent «pakt» et donc «pak-tré», «pak-té», «pak-tri-on» selon les différentes formes de la conjugaison.

Une autre difficulté de taille se pose pour ces verbes en «-eter», tout comme ceux en «-eler», d’ailleurs. Il faut en effet savoir si lorsqu’on les conjugue, la consonne finale se redouble ou non. Dans le cas de pelleter, on double le «t»: «je pellette», «ils pellettent». Cette forme est différente de celle du verbe «acheter», par exemple, qui donne: «j’achète», «ils achètent».

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De la même façon, il sera légitime d’hésiter devant un verbe en –
«-eler», puisqu’on retrouve aussi bien des formes comme «j’appelle» ou «je pèle».

Les fameuses rectifications orthographiques, dont il a été question à quelques reprises dans cette chronique, proposent d’uniformiser la conjugaison des verbes en «-eter» et en «-eler» en ne doublant pas la consonne aux modes et aux temps qui le requièrent actuellement. On pourrait donc écrire: «j’appèlerai» ou «je pellète». Mais ces rectifications sont accueillies sans enthousiasme et n’ont toujours pas trouvé leur place dans l’usage.

Bon nombre d’entre nous sursauterions sans doute devant une telle conjugaison dans un journal, même si certains ont déjà commencé à les intégrer. Le débat sur les rectifications orthographiques est comme un volcan qui entre sporadiquement en éruption…

Et jusqu’à maintenant, il n’a pas trop causé de dégâts.

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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