Entre effervescence et réflexion au 63e festival du film de Cannes

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 01/06/2010 par Aurélie Resch

Le temps de la Croisette en ébullition et du fameux tapis rouge est revenu. Pour les passionnés du cinéma, rien ne saura les détourner de cette 63e édition du Festival du Film de Cannes. Ni la tempête qui a fait entrer la mer dans la ville et qui à détruit une bonne partie des infrastructures du festival, ni le volcan et ses capricieuses fumées qui perturbent sans relâche le trafic aérien, ni le temps plutôt frais pour les normales saisonnières. Professionnels de l’industrie, journalistes et inconditionnels du film, tous se sont donnés rendez-vous à Cannes pour se plonger pendant dix jours dans l’univers du cinéma. Je ne déroge pas à la règle, et coiffée des multiples casquettes de réalisatrice, journaliste et passionnée de cinéma, je me joins à la foule. Dix jours frénétiques, happée dans le tourbillon de folie du marché du film et des projections, poussée, tirée, piétinée par les fans hystériques à l’extérieur, occupant rues, trottoirs, hôtels et bord de mer.

Une jungle féroce

Certes, le pouls est élevé et le cinéma est au cœur des débats et de l’action. Il s’agit de vendre, d’acheter. De se faire connaître ou représenter. De critiquer, d’interviewer, de signer, de photographier, et pour d’autres, d’apercevoir, d’obtenir une dédicace, un sourire, un signe de la main.

Beaucoup d’animation donc. D’agitation. De compétition. De brutalité. Dans le ventre du Grand Palais des festivals, les acteurs de l’industrie ne sourient pas et ne se regardent pas: ils se concentrent sur les badges portés par tout un chacun autour du cou, essayant d’identifier l’acheteur, le distributeur ou le programmateur sur lequel bondir pour «vendre» son produit, son service ou son talent.

Des hordes de cinéastes, comédiens et producteurs attaquent à tout bout de champ avec leurs mini-affiches et leur «screeners», tandis que des présidents de sociétés de films, des responsables d’achat se protègent derrière des lunettes noires (en sous-sol!) et un Blackberry pour fuir les assaillants.

Les journalistes se précipitent dans leurs salles de projection pour visionner les films et oublient que dehors, le soleil brille et la vie bat son plein. Les rencontres petits-déjeuners organisés par les différents intervenants du festival tournent au cauchemar et à l’émeute lorsque vient le temps des rencontres et entrevues, alors que les soirées ou cocktails «privés» rivalisent de superficialité et de vulgarité, abandonnant l’amour du 7e Art au vestiaire.

Publicité

Le temps et rien d’autre

Le temps est compté. Celui des uns, celui des autres. Celui qu’on veut nôtre, comme dirait Charles Aznavour.

On a trois minutes pour se présenter et parler de son projet. 30 secondes pour convaincre dans un ascenseur. Une poignée de mains pour inciter la personne à venir assister à une projection spéciale. En marge. Une heure butoir pour retirer son invitation à une Première. Un horaire précis et restreint pour visionner un maximum de films dans des salles réservées.

Tout un agenda de ministre à gérer, modifier, gonfler… Autour du film! La vie passe vite. Au festival de Cannes, elle prend le Concorde. Je cherche l’étincelle dans les yeux cernés de mes confrères, le verbe haut dans les silences butés et le geste passionné dans ce ballet de mains superficiel.

En vain. Cannes est un marché du film. Non une agora où se rencontrent et s’échangent la culture et les passions.

Réflexion sur le cinéma et le monde des festivals

Cannes fait écho à d’autres expériences dans des festivals de films d’envergure. Trop de monde. Trop d’enjeux. Trop d’argent. Pas assez de temps et peu d’espace pour la découverte, la discussion et l’imprévisible.

Publicité

Souvent les journalistes y affichent une mine blasée, les producteurs sont pressés et les réalisateurs sont trop centrés sur eux pour apprécier ce que tant leur envient. Le cinéma est cette industrie unique qui a connu autant de succès sans faiblir dans le temps et qui continue d’enrichir l’économie et l’imaginaire du monde entier.

Pour nous qui avons la chance d’appartenir à cet univers fascinant et qui exerçons un métier qui nous associe à la création et à la diffusion de films qui font réfléchir, agir, rêver et rire, ne devrions-nous pas en jouir davantage?

Pourquoi alors jouer le bel indifférent ou l’important quand l’occasion nous est donnée de prendre le temps d’échanger, de s’émerveiller et de se laisser surprendre par ce que le cinéma et ses différents acteurs internationaux ont à nous offrir?

Tout espace est lieu de rencontre

Au Festival de Cannes, les occasions sont pourtant nombreuses de s’arrêter et de savourer le cinéma, notre travail, notre industrie.

En salle de cinéma avant que la lumière de tombe, autour d’un café (on en boit tellement dans les festivals!), en arpentant le palais ou les tentes du Village International, dans une file d’attente ou en assistant à un séminaire, ou une rencontre, comme en proposent un trop petit nombre des groupes ou jeunes associations.

Publicité

Dans cette Babylone du celluloïd, j’ai quand même pu voler ces quelques instants qui me réjouissent de faire partie de l’événement.

Je pense, entre autres, à une conférence organisée par Cinéma du Monde et co-animée par l’actrice française Sandrine Bonnaire et le réalisateur franco-cambodgien Rithy Pann sur le cinéma et la diversité, et des discussions passionnantes sur le court-métrage et les festivals intimes, originaux ou peu connus à travers le monde qui en font la promotion avec Patrice Carré, programmateur à Cinécourt et Gay Decker, programmatrice du Festival International du Film Féminin à Terre Neuve.

Des moments savoureux, intelligents et drôles qui devraient se multiplier à l’infini et se décliner dans toutes les langues pour marquer les temps forts de ce 63e festival de Cannes. Amis de l’industrie, acheter, vendre, promouvoir et collaborer ne sont pas antinomiques de plaisir, culture, passion et échanges.

Prenez donc le temps d’apprécier l’envergure de l’événement auquel vous participez, le monde auquel vous appartenez et le talent de ceux avec qui vous collaborez et faites de votre travail un lieu de rencontre.

Auteur

  • Aurélie Resch

    Chroniqueuse voyages. Écrivaine, journaliste, scénariste. Collabore à diverses revues culturelles. Réalise des documentaires pour des télévisions francophones. Anime des ateliers d’écriture dans les écoles, les salons du livre et les centres culturels.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur