Un Carnet de bord pour tous les élèves

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 26/01/2010 par Paul-François Sylvestre

En 2007, Hélène Koscielniak a publié le roman Marraine que j’ai particulièrement aimé. Je me souviens avoir écrit dans L’Express du 12 juin 2007: «J’espère qu’elle songe déjà à écrire un autre roman, peut-être une suite puisque la dernière phrase de Marraine ouvre déjà la porte…» Carnet de bord n’est pas une suite, mais il s’agit d’un puissant roman à mettre dans les mains de tous les élèves de nos écoles secondaires.

L’action de Carnet de bord se déroule principalement à Kapuskasing, dans le Nord de l’Ontario, et met en scène une institutrice d’école secondaire, Jocelyne Pelletier, dont la vie bascule lorsqu’elle reçoit un appel d’un ancien étudiant.

Pourquoi Steve Peterson, maintenant à l’emploi de la GRC, tient-il absolument à la voir après tant d’années? La clef de l’énigme réside-t-elle dans le carnet de bord de l’adolescent, carnet qui a été écrit à l’instigation de Jocelyne, prof de français?

Jocelyne Pelletier est aussi mère de famille, grand-mère et veuve. Le lecteur la suit dans ces divers rôles et découvre qu’«un homme et une femme ne peuvent être égaux en tout dans un couple, sinon il faudrait deux êtres identiques.» La clé réside dans la complémentarité. Les relations humaines – parents, enfants, amis, couples – sont au cœur de ce roman pour qui sait lire «entre les lignes» et «derrière les lignes».

Le Steve Peterson de cette intrigue est omniprésent même s’il n’entre en scène que brièvement au cours des 250 pages du roman. C’est là un tour de force très réussi de la part de Hélène Koscielniak.

Publicité

Son plus grand mérite réside cependant dans ce qu’on pourrait appeler «le sens inné de l’intrigue bien ficelée et des personnages bien campés» qui caractérise ce roman passionnant. Loin de moi l’idée de vous révéler le dénouement de Carnet de bord. Qu’il me suffise de vous dire que les rebondissements sont de taille!

Un des personnages du roman aime bien ponctuer ses phrases de sacres. Cela donne des répliques telles que: «J’voulais voir du pays, viarge! C’est pas la vie ça, astie! J’te l’ai dit, baptême, c’est l’cul qui mène le monde.» Puisqu’il est question de langue, je ne peux m’empêcher de signaler une remarque assez étonnante sur la langue parlée par les francophones du Nord de l’Ontario.

Un personnage «détestait le français bâtard, parsemé d’anglicismes de son entourage. Il déplorait cette ambivalence dans laquelle baignaient les gens, coincés entre deux langues mal connues et mal parlées, mal à l’aise dans l’une comme dans l’autre, gênés, complexés, handicapés par une communication boiteuse.»

À un moment donné, Carnet de bord fait référence au roman La Vengeance de l’orignal, de Doric Germain, et rend hommage à cet auteur franco-ontarien qui a donné le goût de la lecture à des milliers de jeunes en leur racontant une histoire intéressante qui se passait en Ontario.

Ce roman figure au programme du cours de français dans presque toutes les 9e années. Je souhaite que Carnet de bord reçoive le même accueil. Il mérite d’être lu par tous les élèves de nos écoles secondaires.

Publicité

Mon souhait risque peut-être de ne pas se réaliser puisque Carnet de bord aborde brièvement le thème de l’homosexualité. Steve Peterson a eu un père qui l’a constamment traité «de pissou, de petit écœurant et de tapette», au point où il est devenu hanté par cette idée. Est-il gai? Non, loin de là. Un autre personnage, assez secondaire, cache son homosexualité parce que cela crée un malaise, «un sentiment d’inconvenance». L’auteure s’est bien documentée et dissipe tout malaise entourant l’homosexualité.

Peu importe l’auteur, un roman fait toujours l’objet d’une relecture, voire d’une révision. C’est là que l’éditeur doit faire preuve de rigueur. L’Interligne a malheureusement laissé glisser quelques fautes de français ou de mise en page, voire une inexactitude surprenante. Il est question d’une manifestation sur «la colline parlementaire [sic] de Queen’s Park», ce qui est évidemment impossible puisque cette colline se trouve à Ottawa.

J’attribue néanmoins 4 étoiles et demie sur 5 à ce second roman de Hélène Koscielniak.

Hélène Koscielniak, Carnet de bord, roman, Ottawa, Éditions L’Interligne, coll. Vertiges, 2009, 250 pages, 19,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur