C’est désormais indéniable, le hip hop est fermement ancré dans le paysage musical franco-ontarien, occupant la même place stratégique – et symbolique – qui était naguère réservée au folk. Après Afro Connexion et autre Shah Loskar, c’est au tour de 71M VWA (lire «septième voie») d’émerger de l’axe 819-613 (lire «Outaouais»), pour faire rimer les espoirs et frustrations de cette génération qui a troqué les guitares pour les platines.
Autant le dire tout de suite: il ne se trouve rien, sur Coup d’état, qui risque de donner lieu à la révolution annoncée par le titre, rien qui soit susceptible d’oxygéner un genre défini à 90% par un petit noyau de clichés et de croyances (l’appartenance à son clan – ou sa posse, si vous préférez, l’incompréhension des «autres», le salut par l’écriture, le tout épicé d’une pincée de provoc macho). Pourtant, R. Léo et Patchostars, les deux voix et plumes du collectif, ont du talent à la mesure de leurs convictions, et possèdent assez de vocabulaire pour cultiver une imagerie parfois étonnante («Je suis le bouquet de ronces qui entrave les pieds du chasseur», lancent-t-ils dans l’ébouriffant Je suis…, sans doute le meilleur morceau de l’album.)
71M VWA aurait sans doute dû solliciter l’oreille critique d’une tierce partie, question d’éviter quelques dérapages (une pénible ode à notre capitale nationale!), et de tempérer sa volubilité naturelle. Il eût été préférable, en effet, de condenser une douzaine de temps forts en une heure ou moins, plutôt que de nous étaler 19 titres sur 75 mi-nutes, un parcours de beats et de rimes que même les inconditionnels risquent de trouver épuisant. Car en matière de rap comme ailleurs, il est bon d’oser, à condition de savoir doser.
Stéréotaxi…dermie?
Vous pensiez que la récente rencontre entre Offenbach et Martin Deschamps visait à nous faire croire en la réincarnation de Gerry Boulet? Alors, que penser de Stéréotaxie: avec son premier cd éponyme (Elgro Disques), paru il y a quelques mois, l’ensemble québécois renouvelle le bail des Colocs dans notre conscience collective, avec une poignée d’anciens membres et encore plus de nouveaux, parmi lesquels on retrouve Joël Poliquin dans le rôle de Dédé Fortin, un rôle pour lequel il possède à s’y méprendre la voix, la verve et le vocabulaire.
La musique, d’abord: tant pour sa bonne humeur parfois décapante que pour la confluence de styles abordés (funk néo-orléanais ou façon JB’s, ska, reggae, blues, voire bluegrass, le tout servi à grands renforts de cuivres), Stéréotaxie reste fidèle à l’œcuménisme qui fit naguère la gloire de la bande à Dédé.