Mendelssohn: un compositeur oublié

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Publié 17/02/2009 par Gabriel Racle

«Félix Mendelssohn, ce maître alcyonien, qui dû à son âme plus légère [que celle de Wagner], plus pure et plus heureuse d’être vite admiré, puis vite oublié, fut le bel incident de la musique allemande.»

C’est par cette citation de F. Nietzsche que s’ouvre le Félix Mendelssohn de Jérôme Bastianelli, Actes Sud, 2008, 150p. Nietzsche faisait ce commentaire en 1886, 39 ans seulement après le décès de Mendelssohn. C’est assez dire que l’oubli est vite retombé sur ce compositeur, pourtant brillant, mort à 37 ans, et que J. Bastianelli nous présente dans un élégant petit livre, publié pour marquer le 200e anniversaire de la naissance du musicien.

Félix Mendelssohn est né le 3 février 1809 à Hambourg, dans une famille juive aisée, très cultivée. Son père était banquier, sa mère musicienne et son grand-père un célèbre philosophe, Moses Mendelssohn. La famille se convertira au protestantisme, comme de nombreuses autres d’ailleurs, dans un but d’intégration et de germanisation, lors de relents d’antisémitisme. Les enfants sont baptisés par un pasteur en 1816, les parents se convertissent en 1822 et ajoutent à leur nom celui d’une terre familiale, Bartholdy. Félix ne l’utilisera guère.

En 1811, la famille déménage à Berlin, et en 1825, s’installe dans une somptueuse résidence, comportant une orangerie, qui sera transformée en salle de concerts privés, et un immense parc où les enfants Mendelssohn et leurs amis s’ébattront à leur aise. Est-ce là que naîtra le goût romantique de Félix pour la nature, qu’il traduira dans certaines de ses œuvres?

Ses premiers pas

Léa, leur mère, donne à Félix et à sa sœur aînée Fanny leurs premières leçons de piano. Ils bénéficient aussi des meilleurs professeurs de musique et montrent très vite un réel talent dans cet art, mais aussi, chez Félix, en dessin et en peinture. Un de ses maîtres lui fait apprécier Bach et Haendel, qui influenceront ses compositions, sans oublier Beethoven, toujours vivant, dont le compositeur Weber lui fait découvrir les dernières œuvres, qui l’enchantent.

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Durant sa formation musicale, Mendelssohn compose plusieurs œuvres de musique instrumentale, trois Quatuors pour piano et cordes, un Octuor à cordes, une Sonate en fa mineur pour piano et violon, et la célèbre ouverture de concert, Le songe d’une nuit d’été, qui connaîtra un réel succès. On lui doit cet oratorio à la découverte de Shakespeare qui dans le «cadre idyllique» de leur résidence berlinoise, a suscité un «véritable embrasement» (J. Bastianelli) chez les jeunes Mendelssohn. «À 17 ans, [Félix] avait déjà écrit deux de ses plus grands chefs-d’œuvre, l’Octuor à cordes et l’ouverture du Songe d’une nuit d’été», (id.) que Schumann décrit comme un «ruissellement de jeunesse».

«En 1826, le garçon a tous les atouts en main pour aboutir au chef-d’œuvre», écrit Brigitte François-Sappey, Félix Mendelssohn. La lumière de son temps, Paris, Fayard, 20008, 300 p. Mendelssohn est désormais reconnu comme compositeur, pianiste, organiste et chef d’orchestre. C’est ainsi que le 11 mars 1829, il fait renaître la Passion selon Saint Mathieu de J.-S. Bach, qui dormait depuis un siècle. Grâce à quelques judicieuses adaptations, la prestation est triomphale, qui remet à l’honneur les œuvres de ce maître. «Les admirateurs de Bach n’oublieront pas qu’ils doivent à Félix Mendelssohn d’avoir donné une vitalité nouvelle au plus profond des compositeurs», écrit l’un d’eux. Et Berlioz ajoutera: «Il n’y a d’autre Dieu que Bach et Mendelssohn est son prophète.»

Mendelssohn part ensuite en voyage. Il se rend en Angleterre et en Écosse, qui lui inspireront Les Hébrides et la Symphonie écossaise. Il gagne l’Italie, d’où il tirera la Symphonie italienne. Il passe par Paris, qu’il détestera toujours, et y rencontre Chopin. De retour en Allemagne, il se consacre à la musique de son pays, comme chef d’orchestre, qui met dans ses programmes Mozart, Bach, Beethoven, Weber et remet à l’honneur l’oratorio, et comme compositeur.

Un auteur prolifique

Dans les années qui suivent jusqu’à son décès le 4 novembre 1847, à Leipzig, quelques mois après celui de Fanny qui le plongea dans l’affliction la plus profonde, Mendelssohn fait preuve d’un travail acharné, qui finira par l’épuiser. Il dirige, compose, forme; il crée un conservatoire de musique à Leipzig, il se passionne pour la musique ancienne. Il s’est marié en 1837 avec Cécile Jeanrenaud, fille d’un pasteur émigré, dont il aura cinq enfants.

Musique de chambre, musique symphonique, musique concertante et vocale, musique sacrée protestante ou catholique, Mendelssohn compose dans tous les genres. La liste de ses œuvres compte des pièces pour piano, pour orgue, de la musique de chambre, des concertos, des symphonies, des ouvertures de concert, des cantates, de petits opéras, des oratorios, des lieder, de la musique sacrée.

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«Mendelssohn est un grand compositeur, laissant derrière lui des œuvres qui bouleversèrent la musique…Il y eut un avant Mendelssohn et il y eut un après. En cela, Mendelssohn est un romantique.» (Ars-classical) Comme une comète, il a fait une brillante apparition dans le ciel de la musique, pour disparaître ensuite. Des sites Internet consacrés aux célébrités ou aux compositeurs allemands ne mentionnent même pas son nom. Mais ce 200e anniversaire devrait le faire revenir en pleine lumière.

Pour faire connaissance avec Mendelssohn, rien de mieux que l’ouvrage de J. Bastianelli, qui suit Mendelssohn à grands pas, dans son environnement physique ou sentimental, d’où jaillissent ses diverses compositions, en relation avec ses maîtres à composer. L’auteur a adopté une approche romantique, qui rend passionnante la découverte du compositeur.

On pourra ensuite aborder, ou le faire si l’on a déjà une certaine connaissance de Mendelssohn, le livre de B. François-Sappey. C’est un ouvrage impressionnant par sa qualité, les détails concernant la vie du musicien, aussi bien que l’analyse de ses œuvres, avec explications et transcriptions musicales. On n’ignore pratiquement plus rien du compositeur après la lecture de ce texte remarquable.

Et il serait bon de se familiariser ainsi avec Mendelssohn, puisque Toronto peut se glorifier du Toronto Mendelssohn Choir, qui présentera Elijah (Elias) le 9 mai prochain, un oratorio qui a connu un succès phénoménal lors de sa première interprétation en 1846, à Birmingham. Et les 29 avril et 1er mai, le Toronto Symphony Orchestra jouera le Concerto pour piano no 1.

«J’ai vu ici (à Rome) Mendelssohn, ah mon Dieu, quel talent!»
– Berlioz

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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