Un grand nom de la musique du XXe siècle

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Publié 09/12/2008 par Gabriel Racle

Cette année 2008 nous vaut de commémorer l’anniversaire l’un du décès, l’autre de la naissance de deux grands compositeurs, séparés dans le temps, 100 années entre le décès de l’un et la naissance de l’autre, et dans l’espace, l’un était en Russie et l’autre en France: Rimski-Korsakov est le premier et Olivier Messiaen le deuxième.

C’est aussi l’occasion de faire plus ample connaissance avec ces musiciens de renom, aidé par deux ouvrages remarquables: Nicolaï Rimski-Korsakov, Chronique de ma vie musicale et Peter Hill et Nigel Simeone, Olivier Messiaen, Éditions Fayard pour ces ouvrages, parus tous deux dans la prestigieuse collection consacrée aux musiciens de cet éditeur. Dans sa Chronique, dont c’est la première traduction française, Rimski-Korsakov relate son parcours, de ses premiers souvenirs d’enfance jusque deux ans avant sa mort (voir L’Express du 2 juillet 2008).

Et c’est le parcours singulier lui aussi d’Olivier Messiaen que nous racontent les auteurs de sa biographie, la première du genre en français, en le suivant pas à pas, de l’enfance jusqu’à sa mort, en nous faisant connaître l’homme, sa vie parfois mouvementée, et sa prodigieuse création musicale. Qui veut découvrir ce musicien moderne prendra goût à la lecture de cet ouvrage d’un grand intérêt, fort bien documenté et nécessaire pour connaître ce compositeur.

Car, contrairement à Rimski-Korsakov, qui nous a laissé ses mémoires, Messiaen était très secret, à tel point que même sa deuxième épouse «n’a découvert l’existence de son œuvre ultime, Concert à quatre, qu’en retrouvant le manuscrit dans ses papiers. Il y avait pourtant travaillé pendant plus d’un an». Mais il a pourtant un point commun avec le compositeur russe, une caractéristique fondamentale de son langage musical, «le mode alternant des demi-tons et tons prisé notamment par Rimski-Korsakov, Ravel et Stravinsky». (p. 37 de sa biographie) Et si Rimski-Korsakov avait publié un Traité d’harmonie (1884) et des Éléments d’orchestration (1913), Messiaen fera paraitre Technique de mon lamage musical, (1942) pour s’expliquer sur sa musique, et Traité de rythme, de couleur et d’ornithologie (7 volumes, édition posthume, 1994-2002)

Pour situer Messiaen en quelques mots, il faut parler d’un compositeur, interprète, théoricien, pédagogue voire même ornithologue, qui est aujourd’hui «une figure incontestée de la musique du XXe siècle». Né le 10 décembre 1908, à Avignon, dans le sud de la France, il est le fils d’un professeur d’anglais, traducteur de Shakespeare, et d’une mère qui s’adonne à la poésie et publie plusieurs poèmes. Elle exercera une grande influence sur son fils, qui avouera même qu’après la mort de celle-ci survenue en 1927, «elle avait continué à veiller sur lui à la manière d’un ange gardien».

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Suite à la nomination de son père dans un lycée de Paris, après un passage dans la ville de Nantes, Olivier Messiaen entre au Conservatoire de musique en 1910. Il avait suivi des cours de musique à Nantes et s’était déjà adonné à la composition. Bien qu’élevé dans une famille de non-croyants, il avait manifesté des dispositions religieuses catholiques, ce qui marquera toute sa vie musicale.

Dès lors s’ouvre la carrière artistique de Messiaen, riche en compositions diverses marquées par un style musical original, «novateur au niveau de la mélodie, du rythme, de la couleur et de l’orchestration». Pendant plus de 50 ans, il sera l’organiste d’une église de Paris, l’église de la Trinité. Son œuvre porte la marque de son attachement à la religion catholique, mais d’une manière originale, qui n’a rien à voir avec la musique sacrée traditionnelle. Sa contribution «à l’art religieux prend le contre-pied de la piété étriquée de certaine musique dite sacrée… Pour Messiaen il n’y avait pas de différence entre la musique traduisant l’amour humain et l’amour divin, la passion érotique de Turabgalila et l’extase mystique des Vingt Regards – entre le sommeil magique de “jardin du soleil d’amour” et le paisible repos chrétien de “Je dors mais mon cœur veille” des Vingt Regards». (p. 482) D’ailleurs il n’hésite pas à s’inspirer de cultures non européennes, comme des rythmes hindous ou balinais.

Mais une des parties des plus novatrices de son œuvre est celle qu’il consacre aux chants d’oiseaux. En 1952, Messiaen se rend dans le sud de la France pour prendre des leçons d’ornithologie auprès d’un spécialiste. «C’est lui qui m’a appris à reconnaître un oiseau à son chant, sans voir son plumage, ni la forme de son bec ni son vol, à ne plus prendre une fauvette à tête noire pour un pinson… », écrit-il.

Après cette visite, Messiaen note scrupuleusement des chants d’oiseaux dans de petits carnets: «les oiseaux sont les plus grands musiciens qui existent sur notre planète» disait-il. Il se rend dans une forêt proche de Paris et note les chants de grives, de merles, de verdiers, de fauvette, de loriots. Mais il s’intéresse à bien d’autres oiseaux en divers endroits et il sortira de ce travail de notation Le réveil des oiseaux, pour piano solo et petit orchestre (1953), Oiseaux exotiques, pour piano solo et petit orchestre, Catalogue des oiseaux, qui présente une douzaine d’oiseaux dans leur habitat, leur paysage et les chants des autres oiseaux de la même région, d’une durée de 155 minutes (1956-58).

Mais les couleurs influencent tout autant son inspiration. Ainsi, pour composer Des canyons aux étoiles, il s’imprègne des paysages de l’Utah, des «formidables rochers de Bryce Canyon, teintés de toutes les nuances possibles de rouge, d’orange et de violet, ces formes étonnantes provoquées par l’érosion, formes de châteaux, de tours, de ponts, de fenêtres, de colonnes» d’où, ajoute-t-il, il tire une œuvre géologique, ornithologique et astronomique, «avant tout religieuse, faite de contemplation».

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L’œuvre de Messiaen est considérable. La simple énumération des titres occupe neuf pages de sa biographie. Elle est diversifiée, comprenant des partitions pour orgue, de grands cycles pour piano, des œuvres instrumentales faisant la part belle aux vents et aux percussions, un opéra (Saint François d’Assise). Le caractère novateur de ses œuvres lui valut des sarcasmes, des insultes, des sifflets lors de l’exécution de certaines compositions. Mais il est «désormais célébré à travers le monde et, phénomène plus rare encore, écouté avec passion par de très larges auditoires». (Claude Samuel, Permanences d’Olivier Messiaen. Dialogues et Commentaires, Actes Sud,) Et un dernier chef-d’œuvre orchestral couronne le courage de ce compositeur fidèle à lui-même, décédé le 27 avril 1992: Éclairs sur l’Au-delà. Au moins 600 concerts dans 147 villes de 27 pays (dont Toronto, Ottawa, Montréal, Winnipeg, Calgary, Vancouver) ont marqué ou marquent son anniversaire.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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