«La musique ancienne est une musique très proche du cœur, très proche des émotions. À l’instar de la musique populaire, elle a été écrite pour toucher les gens.» Quand la soprano d’origine acadienne Suzie Leblanc entame des airs des XVIIe et XVIIIe siècles, sa voix délicate, d’une grande clarté, témoigne de cette joie extrême de chanter. Et l’interprète de préciser qu’elle souhaite surtout briser les stéréotypes associant la musique ancienne à un répertoire austère et difficile d’accès.
Loin de l’image de la diva froide et capricieuse, Suzie Leblanc est d’un naturel calme et avenant. Au téléphone, sa conversation se déroule naturellement, sans fard, sereine et conviviale. À 10h passées, en cette matinée de février, elle reconnaît, de son propre aveu, ne pas être pas une personne du matin. Néanmoins, elle accepte de se prêter gracieusement au jeu de questions-réponses de L’Express, fin prête pour cette première leçon de musique.
Au fond, la musique ancienne, dit-elle, c’est un peu comme le jazz. Dans les deux cas, les interprètes se promènent autour d’accords assez simples pour les embellir, y ajouter leur touche propre. «On regarde ce qui est écrit, puis, tout comme en jazz, on trouve des façons d’improviser, d’ornementer la musique pour créer quelque chose de spontané qui se détache de la page musicale», d’affirmer la soprano, spécialisée dans les répertoires des XVIIe et XVIIIe -siècles.
Comme elle le dit elle-même: «Il faut simplement y aller», se lancer, tout en respectant les données formelles de la partition d’origine. «Les représentations du XVIIe, du XVIIIe étaient loin d’être figées, explique-t-elle. Elles comportaient beaucoup d’aspects festifs et théâtraux. Quand on a découvert la musique ancienne, on s’est beaucoup soucié de son authenticité, des traités, des recherches académiques, au détriment d’autres aspects. L’improvisation, quant à elle, est un art qui s’est peu à peu perdu», raconte Suzie Leblanc.
Les 3 et 4 mars prochains à Toronto, c’est justement avec cette théâtralité, cette vie intrinsèque de la musique ancienne que Suzie Leblanc tentera de renouer. Dans les deux oratorios auxquels elle prend part, Jephte et Jonah, du compositeur italien Giacomo Carissimi, Suzie Leblanc se soucie moins de trouver la note juste que de restituer ses rôles avec toute l’intensité dramatique nécessaire, de manière à pouvoir toucher le spectateur contemporain, souvent «habitué à voir beaucoup d’horreurs à la télévision», dit-elle.