Dites-le avec… des expressions!

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Publié 27/01/2009 par Martin Francoeur

Il y avait longtemps que je n’avais pas pris la peine de feuilleter cet ouvrage que j’affectionne tant. Je me suis souvent surpris à passer plusieurs longues minutes alors que l’aventure dans ses pages ne devait être qu’une affaire de secondes. Les consultations devenaient souvent des lectures qui se prolongeaient, à mon grand bonheur.

L’ouvrage en question, c’est Le Bouquet des expressions imagées, de Claude Duneton. On dit que c’est l’«encyclopédie thématique des expressions imagées de la langue française». Et je crois que c’est tout à fait approprié de le décrire ainsi.

Il y a quelques jours, je suis donc replongé dans ces pages attirantes, en quête d’une expression pour enrichir un de mes textes. J’y ai, une fois de plus, fait des découvertes fortes intéressantes. Je suis un fervent partisan de l’emploi d’expressions imagées. Elles donnent beaucoup de couleur à des textes. Elles sont souvent des clins d’oeil à l’histoire, des allusions anecdotiques.

Je suis tombé sur le tout petit chapitre consacré au «désaccord et aux disputes». On connaît bien le champ lexical associé à ces thèmes: se disputer, une querelle, un conflit, hausser la voix, rechigner, vilipender, des propos belliqueux, etc. Déjà, on peut utiliser des verbes et des expressions riches. Et si on veut pousser l’exercice plus loin, on feuillettera Duneton.

L’ouvrage nous apprend que l’expression «tenir tête», qui signifie «disputer contre une personne avec opiniâtreté», date du seizième siècle. On peut aussi employer des expressions comme «chercher noise» ou «chercher querelle», ou encore «avoir maille à partir». Celle-ci est d’ailleurs particulièrement intéressante sur le plan étymologique. La maille n’a rien à voir avec un tricot ou avec une armure de chevalier. Il s’agit ici d’une petite monnaie de cuivre valant la moitié d’un denier. Et le verbe «partir», ici, signifie «partager». L’expression «avoir maille à partir» fait donc référence à un partage difficile, voire impossible, à faire.

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On découvre aussi qu’au milieu du dix-septième siècle, on employait l’expression «nous n’avons garde de nous mordre», qui signifie «nous sommes fort éloignés de nous accorder». On peut aussi «se bander contre quelqu’un» ou «ne pas chausser son point». On peut même chercher à «se manger le blanc des yeux».

Quand on tient tête à quelqu’un, dans des disputes, on peut dire qu’on lui «prête le collet». Dans bien des cas, le désaccord vient du fait que deux parties opposées ont des visions différentes. On peut alors dire que «l’un veut du mou, l’autre veut du dur».

Du côté des expressions plus connues ou encore en usage de nos jours, on trouvera «laver son linge sale en famille». On dit d’ailleurs que Napoléon en avait fait une devise pour régler les problèmes courants. On peut aussi dire que «le torchon brûle» et dans ce cas, le mot «torchon» réfère à la violence, tandis que le verbe «brûler» signifie «être tout près, être imminent». La «prise de bec» est une autre expression courante pour dire que deux personnes s’interpellent sur fond de querelle.

De même, si on cherche querelle à quelqu’un, on peut dire qu’on «lui marche sur le pied» ou qu’ «on a des petits pois à écosser avec lui». Dans ce cas, il est fréquent qu’ «il y a de l’orage dans l’air» ou qu’ «il y a de l’oignon». Et au lieu de dire qu’on «cherche querelle», on entend parfois qu’on «cherche des crosses». Il n’est pas rare qu’on finisse par «s’engueuler comme du poisson pourri» ou qu’on «fasse des étincelles»… Et bien souvent, ça «tourne au vinaigre».

Une «bordée d’injures» et une «volée de bois vert» sont des synonymes pouvant décrire les invectives qu’on peut lancer à quelqu’un dans un cas de dispute.

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Sur une note plus contemporaine, si on sent qu’une querelle va éclater, on peut dire que «ça va chier des bulles» ou qu’ «il y a de l’eau dans le gaz». Cette dernière expression fait référence au système de distribution du gaz des villes. Duneton rapporte qu’elle tire son origine d’un incident qui survint lorsque le gaz de houille utilisé dans les années 20 était chargé d’une forte quantité de vapeur d’eau. La condensation créait des poches d’eau qui obstruaient fréquemment les canalisations en plomb. L’irrégularité dans l’arrivée du gaz aux réchauds des ménagères se traduisait par une flamme orangée, annonciatrice de coupures inopinées. Quand il y «avait de l’eau dans le gaz», c’était inévitablement une source de mauvaise humeur ou de disputes dans les ménages, puisque le repas ne pouvait être préparé à temps.

N’est-ce pas fascinant de découvrir ainsi les origines d’expressions parfois oubliées, parfois méconnues? Une chose est sûre: elles mettent beaucoup de couleur dans un discours… À condition d’en connaître le sens exact!

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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