Comme chaque année, avec le printemps et l’été, l’air se remplit des chants, des cris, des piaillements, des sifflements et d’autres sons tout aussi diversifiés de la gent ailée de nos régions. Et, si l’on n’est pas un expert, il n’est pas facile de savoir à qui appartiennent trilles ou roucoulades, d’autant que certains, comme les sansonnets, semblent prendre un malin plaisir à en imiter d’autres.
Nous aurons peut-être plus de chance avec la couleur des plumages, dont la gamme est beaucoup plus brillante et diversifiée sur le continent américain, et pour ce qui nous concerne en Amérique du Nord, plus qu’en Europe. Ainsi, le merle européen est noir, alors que notre merle d’Amérique est brun avec une poitrine orangée. Et nous avons le cardinal au plumage rouge étincelant surtout en période hivernale, le geai bleu au cri strident, le chardonneret jaune, le roselin pourpré que l’on croirait trempé dans du jus de groseilles, l’oriole au dessous orangé, le tangara vermillon ou le passerin indigo, sans oublier notre colibri à gorge rubis ou le merle bleu, pour ne citer que quelques exemples.
Mais d’où viennent les noms de ces oiseaux, que signifient-ils en dehors de la mention de leur couleur, ont-ils une histoire? C’est pour répondre à ces questions que les éditions Robert Laffont ont récemment publié un livre fort intéressant, non seulement pour celles et ceux que passionne l’ornithologie, mais aussi pour les amoureux de la langue française et de l’origine des mots, bon nombre de lecteurs donc.
Dans La mystérieuse histoire des noms d’oiseaux, Robert Laffont, 375 pages, les auteurs, Henriette Walter et Pierre Avenas, étudient 262 noms d’oiseaux, «en cherchant à retrouver leur histoire qui peut remonter à des langues anciennes» (latin, grec ou autres), ou qui «décrivent les oiseaux visuellement ou imitent leurs productions sonores… évoquent leur comportement ou représentent des métaphores». Et certains noms ont une origine encore inconnue. Toutes ces catégories représentent autant de chapitres, ce qui permet d’aborder l’ouvrage au gré de sa fantaisie, de sa curiosité ou de ses recherches.
Comme le font remarquer les auteurs, le mot oiseau est par lui-même intéressant. Détail amusant, il contient, en désordre, toutes les voyelles, mais c’est aussi un diminutif puisque le mot oiseau lui-même est une dérivation populaire remontant au plus ancien Moyen-Âge du latin avicellus, petit oiseau. On aura le féminin oiselle, femelle d’un oiseau, qui a pris ensuite le sens de jeune fille naïve, une oie blanche. Le mot oiseau entre au sens figuré dans de nombreuses expressions françaises: un oiseau de malheur, un sale oiseau, un oiseau rare, ou agonit quelqu’un d’injures en lui donnant des noms d’oiseaux, les pauvres: bécasse, butor, autruche, grue, vieille chouette, etc.
Et pourtant ces noms, comme d’autres, ont une signification bien particulière et ne déshonorent pas les oiseaux qui les portent. Si la chouette tire son nom du chuintement des cris de l’oiseau qui résonnent dans la nuit, on n’oubliera pas que chez les Grecs, elle était l’animal préféré de la déesse Athéna, déesse de la sagesse, des sciences et des arts. Le butor, un oiseau qui s’apparente au héron, tire directement son nom du latin. «Selon Pline, le cri du butor imite le mugissement des bœufs, d’où son nom latin de buto», qui finira par donner butor en français. Déjà chez Molière, notent les auteurs, dans L’école des femmes, butor désigne un personnage grossier et peu intelligent. Buffon défendra l’oiseau: «Malgré l’espèce d’insulte attachée à son nom, le butor est moins stupide que le héron…»