La mystérieuse histoire des noms d’oiseaux

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Publié 05/08/2008 par Gabriel Racle

Comme chaque année, avec le printemps et l’été, l’air se remplit des chants, des cris, des piaillements, des sifflements et d’autres sons tout aussi diversifiés de la gent ailée de nos régions. Et, si l’on n’est pas un expert, il n’est pas facile de savoir à qui appartiennent trilles ou roucoulades, d’autant que certains, comme les sansonnets, semblent prendre un malin plaisir à en imiter d’autres.

Nous aurons peut-être plus de chance avec la couleur des plumages, dont la gamme est beaucoup plus brillante et diversifiée sur le continent américain, et pour ce qui nous concerne en Amérique du Nord, plus qu’en Europe. Ainsi, le merle européen est noir, alors que notre merle d’Amérique est brun avec une poitrine orangée. Et nous avons le cardinal au plumage rouge étincelant surtout en période hivernale, le geai bleu au cri strident, le chardonneret jaune, le roselin pourpré que l’on croirait trempé dans du jus de groseilles, l’oriole au dessous orangé, le tangara vermillon ou le passerin indigo, sans oublier notre colibri à gorge rubis ou le merle bleu, pour ne citer que quelques exemples.

Mais d’où viennent les noms de ces oiseaux, que signifient-ils en dehors de la mention de leur couleur, ont-ils une histoire? C’est pour répondre à ces questions que les éditions Robert Laffont ont récemment publié un livre fort intéressant, non seulement pour celles et ceux que passionne l’ornithologie, mais aussi pour les amoureux de la langue française et de l’origine des mots, bon nombre de lecteurs donc.

Dans La mystérieuse histoire des noms d’oiseaux, Robert Laffont, 375 pages, les auteurs, Henriette Walter et Pierre Avenas, étudient 262 noms d’oiseaux, «en cherchant à retrouver leur histoire qui peut remonter à des langues anciennes» (latin, grec ou autres), ou qui «décrivent les oiseaux visuellement ou imitent leurs productions sonores… évoquent leur comportement ou représentent des métaphores». Et certains noms ont une origine encore inconnue. Toutes ces catégories représentent autant de chapitres, ce qui permet d’aborder l’ouvrage au gré de sa fantaisie, de sa curiosité ou de ses recherches.

Comme le font remarquer les auteurs, le mot oiseau est par lui-même intéressant. Détail amusant, il contient, en désordre, toutes les voyelles, mais c’est aussi un diminutif puisque le mot oiseau lui-même est une dérivation populaire remontant au plus ancien Moyen-Âge du latin avicellus, petit oiseau. On aura le féminin oiselle, femelle d’un oiseau, qui a pris ensuite le sens de jeune fille naïve, une oie blanche. Le mot oiseau entre au sens figuré dans de nombreuses expressions françaises: un oiseau de malheur, un sale oiseau, un oiseau rare, ou agonit quelqu’un d’injures en lui donnant des noms d’oiseaux, les pauvres: bécasse, butor, autruche, grue, vieille chouette, etc.

Et pourtant ces noms, comme d’autres, ont une signification bien particulière et ne déshonorent pas les oiseaux qui les portent. Si la chouette tire son nom du chuintement des cris de l’oiseau qui résonnent dans la nuit, on n’oubliera pas que chez les Grecs, elle était l’animal préféré de la déesse Athéna, déesse de la sagesse, des sciences et des arts. Le butor, un oiseau qui s’apparente au héron, tire directement son nom du latin. «Selon Pline, le cri du butor imite le mugissement des bœufs, d’où son nom latin de buto», qui finira par donner butor en français. Déjà chez Molière, notent les auteurs, dans L’école des femmes, butor désigne un personnage grossier et peu intelligent. Buffon défendra l’oiseau: «Malgré l’espèce d’insulte attachée à son nom, le butor est moins stupide que le héron…»

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La grue, qui dénomme la grue du Canada ou la grue blanche d’Amérique, à la survie fragile, tire son nom du grec, geranos, qui désignait aussi un engin de levage. «Une des caractéristiques de la grue est son bec conique, mi-long et bien droit. Or, il se trouve qu’une famille de plantes à fleurs présente un fruit présentant une excroissance ayant en plus petit cette forme de bec.» Les Grecs l’avaient remarqué et donné à la plante le diminutif de geranos, soit geranion, repris au XVe siècle par les botanistes sous le nom de géranium. Géranium se rattache donc à la grue comme celui du pélargonium à la cigogne, pelargos en grec, également pour un fruit en forme de bec de cigogne.

Mais la grue a inspiré l’expression «faire le pied de grue», du fait que l’oiseau peut se tenir droit, longtemps, sur une seule patte, pour désigner le fait d’attendre longtemps, debout. D’où le nom de grue attribué autrefois aux prostituées attendant un client. Mais, l’expression a laissé des traces inattendues. «Les traits successifs reliant les individus sur un arbre généalogique ont fait penser aux empreintes en forme de petites fourches à trois doigts que laissent les pattes de la grue sur le sol.» L’anglais a emprunté l’ancien français pie de grue en 1410 sous les formes «pee de Grewe», «pedegrewe» ou «pedegru», du fait de l’analogie visuelle entre la trace du pied de cet oiseau et les trois traits utilisés dans les registres officiels anglais pour indiquer les ramifications d’un arbre généalogique, et le mot, comme souvent, est repassé dans la langue française vers 1828, sous la forme pedigree (parfois pedigrés) pour désigner l’appartenance d’un animal à une généalogie officiellement reconnue.

Le journal officiel du gouvernement du Canada s’appelle la Gazette du Canada. Nous voilà bien loin des oiseaux et pourtant. Gazette désignait autrefois un journal et le mot dérive de l’italien, du nom d’une pièce de monnaie de 2 sous, sur laquelle figurait une petite pie (gazzetta) servant à acheter une feuille de nouvelles, qui aurait finalement donné son nom à un journal du XVIIe siècle, la Gazzetta Veneta, «la petite pie vénitienne» avec peut-être une allusion au bavardage de la pie, qui jacasse sans cesse.

Ces quelques exemples donnent une idée des découvertes que l’on peut faire dans ce livre, tout aussi divertissant qu’instructif, qui comporte également des indications sur le comportement des oiseaux, des renseignements d’ordre historique, des comparaisons entre diverses langues. Plusieurs index s’y trouvent, qui facilitent des recherches. Et l’on n’oubliera pas, au passage, que le mot avion dérive du latin avis, oiseau: l’ancien et le moderne se rejoignent.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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