Plusieurs historiens ont tendance à décrire la Révolution tranquille comme une volonté politique qui réforme, puis décrète de nouvelles structures étatiques à partir de 1960. Cette approche voit l’histoire du Québec moderne comme un simple processus en vertu duquel une institution religieuse (l’Église catholique) est supplantée par un appareil gouvernemental (État québécois). L’historien Michael Gauvreau est d’un tout autre avis.
Professeur d’histoire à l’Université McMaster (Hamilton), Michael Gauvreau est un spécialiste de l’histoire culturelle et religieuse du Canada. Il a mérité le prestigieux prix Sir John A. MacDonald décerné par la Société historique du Canada pour The Catholic Origins of Quebec’s Quiet Revolution, 1931-1970. La traduction de cet ouvrage magistral vient de paraître aux Éditions Fides et s’intitule Les origines catholiques de la Révolution tranquille.
C’est en se penchant sur l’histoire du Québec des années 1930-1970 et en l’examinant sous une loupe culturelle, plutôt que strictement politique, que Gauvreau a remarqué le rôle central du catholicisme: «une grande part, en effet, du ferment culturel et social, et même de la rhétorique identifiée par les historiens comme propre à la Révolution tranquille, s’inscrit dans des luttes entre des groupes sociaux défendant des visions souvent contrastées du catholicisme».
Selon l’auteur, la Révolution tranquille commence dès les an-nées de la Dépression; elle débute avec la multiplication des mouvements d’Action catholique: Jeunesse étudiante catholique, Jeunesse ouvrière catholique, Jeunesse indépendante catholique, etc. C’est dans cet éventail de courants catholiques qu’un appel au changement se fait sentir, se fait entendre, se fait agissant.
Contrairement aux historiens qui l’ont précédé, Gauvreau évite le piège d’affirmer que l’Église catholique québécoise des années 1930-1960 était a priori traditionnelle, immuable, coupée des gens ordinaires, doctrinaires et foncièrement hiérarchique. L’auteur démontre plutôt que le pouvoir social et culturel de l’Église «n’était ni monolithique ni monopolisé par le clergé, mais éclaté et sujet à un constant recalibrage et à une négociation de tous les instants».