Scone : la pierre angulaire de la monarchie britannique

pierre de Scone
La pierre de Scone ou «pierre du destin». Photo: Historic Environment Scotland
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Publié 30/04/2023 par Marc Poirier

Lorsque le 6 mai 2023, le roi Charles III sera couronné, ce sera l’occasion de renouer avec une tradition du Moyen Âge. Le monarque s’assoira sur une chaise antique avec, sous le siège, une pierre encore plus ancienne. Il s’agit de la «pierre de Scone», aussi appelée «pierre du destin».

Ce bloc est empreint de symbolisme et entouré de mythes qui remontent à plus de 3 000 ans.

Toute cette affaire date du jour où le roi d’Angleterre Édouard 1er a carrément volé la pierre de Scone. Ce genre de choses arrive.

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Comme ses prédécesseurs royaux de longue date, Charles III sera couronné sur la pierre de Scone. Photo: Wikimedia Commons, Attribution 2,0 Generic

Une pierre de grès jaune

Quelques détails plus ou moins importants ici: la pierre est faite de grès jaune. Elle mesure environ 67 cm de long sur 27 cm de large et 42 cm d’épaisseur.

Curieusement, c’est à peu près la taille d’un épagneul… Cavalier King Charles, un chien nommé en honneur du roi Charles II, qui vouait presque un culte envers cette race de chien. Bref, c’était le corgi du XVIIe siècle.

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Édouard 1er était surnommé Longshanks ou «longues jambes» (il faisait 1,90 m). Les cinéphiles qui ont vu le film Braveheart savent que le héros William Wallace lutte héroïquement pour empêcher ce roi d’Angleterre d’envahir l’Écosse.

Divulgâchons gaiement: à la fin, William Wallace est capturé, pendu, éviscéré et écartelé. Bref, il meurt.

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Le roi anglais Édouard 1er s’est approprié la pierre de Scone en Écosse pour la faire transporter à Londres. Photo: Wikimedia Commons, domaine public

Édouard 1er rapporte la pierre à Londres

Après quelques années de guerre, l’Écosse obtient son indépendance de l’Angleterre, puis la perd et la regagne jusqu’à ce que le roi Jacques VI d’Écosse unisse les deux royaumes en devenant aussi roi d’Angleterre après la mort d’Elizabeth 1re, celle qui avait fait tuer sa mère, la reine Marie Stuart. La belle époque.

Donc, avant son petit différend avec Wallace, Édouard 1er, grâce sans doute à sa haute stature, avait réussi en 1296 à «enjamber» la frontière écossaise et à envahir le pays.

L’occupation est temporaire, mais Édouard — nous y voilà — parvient à dérober la pierre de Scone et à l’apporter à Londres. On lui jette la première vous savez quoi? C’était peut-être le plus grand des voleurs. Oui, mais pas un gentleman. Demandez à Wallace.

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La tant convoitée pierre du destin est installée à l’abbaye de Westminster, où étaient couronnés les souverains anglais depuis Guillaume le Conquérant. Notre, hum, bon roi Édouard fait construire sur mesure un trône, qu’on appellera «chaise du couronnement» afin d’y insérer la fameuse pierre sous le siège.

C’est sur ce trône d’Édouard 1er, avec la pierre de Scone en prime, que seront couronnés tous les souverains anglais et britanniques qui suivront.

Mais pourquoi désirait-on tant ce petit bloc de roche pas plus gros qu’un épagneul pour ne plus s’en passer? Encore une fois, la réponse est dans le rétroviseur.

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La chaise de couronnement avec la pierre de Scone. Photo: Wikimedia Commons, domaine public, entre 1875 et 1885.

Un bloc vieux comme Hérode

Avant d’être dérobée, la pierre était conservée à l’abbaye de Scone (d’où son nom), où les anciens rois écossais étaient couronnés. D’ailleurs, le scone, ce petit… truc difficile à définir (ni gâteau, ni biscuit, ni pain – cake?) pourrait avoir été baptisé du nom de l’endroit.

Le Lia Fàil — nom de la pierre en gaélique — était auparavant sur l’île d’Iona, près de la côte ouest du pays du biscuit sablé (qui, d’ailleurs, a curieusement une allure ressemblant à notre pierre).

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Et avant? C’est ici où le mythe rencontre la légende, où l’Histoire laisse place aux fables.

Selon la tradition, la pierre de Scone tire ses origines d’une histoire biblique qui remonte à entre 1 800 et 1 500 années avant notre ère (pour dire vrai, on ne le sait pas vraiment). Vieux comme Hérode indeed!

C’est à cette époque très antique que vivait Jacob, l’un des trois patriarches de l’Ancien Testament avec son père Isaac et son grand-père Abraham. Un jour, Jacob s’endort, sa tête reposant sur une… pierre, d’où le surnom d’«oreiller de Jacob» qu’on donne parfois à la fameuse roche.

Pendant son sommeil, Jacob voit en songe une échelle qui monte jusqu’au ciel, et sur laquelle des anges montent et descendent. Voilà pour la partie biblique.

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La «chaise du couronnement» sert de trône pour le couronnement des souverains anglais et britanniques depuis le début du XIVe siècle. On peut apercevoir la «pierre de Scone» sous le siège. Photo: Wikimedia Commons, domaine public

Égypte, Sicile, Espagne, Irlande…

De là, la pierre de Jacob emprunte différents chemins selon les légendes.

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L’une d’elles veut que l’objet désormais sacré ait abouti en Égypte et, de là, ait été transporté en Sicile, puis en Espagne et enfin en Irlande.

On aurait installé la pierre sur la mythique colline de Tara, où les anciens rois irlandais étaient acclamés. Puis, un souverain irlandais, Fergus Mor, l’aurait apportée en Écosse. Allez savoir pourquoi! Jacob le sait peut-être.

Selon un autre récit, une princesse égyptienne nommée Scota, descendante de Moïse, aurait transporté la pierre dans un pays à qui elle a donné son nom: Scotland (Écosse).

Mais depuis, les géologues ont prouvé que la pierre provenait d’une carrière de la région de Scone et non de la Judée… Quand la science vient gâcher une belle histoire.

Et c’est pas fini…

Retour vers le futur : après avoir reposé tranquillement pendant des centaines d’années à Londres, la pierre vivra quelques péripéties.

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Le Canada a un peu de pierre de Scone dans son histoire.

Lors du bombardement allemand de Londres pendant la Seconde Guerre mondiale, la pierre a été retirée et cachée dans un endroit tenu secret.

Craignant le pire, les responsables de la pierre ont envoyé au Canada des plans indiquant son emplacement au premier ministre canadien de l’époque, William Lyon Mackenzie King, ainsi qu’au lieutenant-gouverneur de l’Ontario. Très «tripatif».

La château d’Édimbourg. Photo: Aurélie Resch, l-express.ca

Et ça continue…

En 1950, aux petites heures du jour de Noël, quatre étudiants écossais nationalistes, avec à leur tête un certain Ian Hamilton, réussissent à pénétrer dans l’abbaye de Westminster et dérobent la pierre pour la ramener à son ancienne patrie.

Mais trois mois plus tard, la pierre au curieux destin est ramenée à Londres. Les étudiants ne seront pas poursuivis.

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Toutefois, en 1996, 700 ans précisément après le larcin d’Édouard 1er, justice est enfin faite: la pierre de Scone est formellement remise à l’Écosse.

Elle trône depuis dans la «salle de la couronne» au château d’Édimbourg. L’Écosse, bon prince, a accepté de la «prêter» à la famille royale et de l’expédier à Londres pour le couronnement de ce bon vieux roi Charles.

Qui sait cependant ce qui pourrait se passer pendant le trajet? Si jamais, par malheur, quelque chose devait arriver à la pierre avant le couronnement, pas de panique! Un épagneul Cavalier King Charles pourrait très bien faire l’affaire.

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