Il fut un temps où le nom de Jos Montferrand revenait dans toutes les conversations des Canayens soumis à une autorité extérieure, politique ou religieuse. Aux yeux des gens nés pour un petit pain, l’étonnante force physique du géant Montferrand personnifiait les valeurs de son temps. Il était un héros tout désigné. C’était dans la première moitié du XIXe siècle.
Au fil des ans, les exploits de Jos Montferrand sont tombés dans l’oubli. Gilles Vigneault l’a fait renaître, brièvement, dans une chanson avec ces paroles: «Le cul su’l’bord du cap Diamant, les pieds dans l’eau du Saint-Laurent / J’ai jasé un p.tit bout d’temps avec le grand Jos Montferrand…» Qui était ce légendaire Canayen? La réponse nous est donnée par Mathieu-Robert Sauvé dans un récit biographique intitulé Jos Montferrand: le géant des rivières et publié dans la collection «Les Grandes Figures» chez XYZ éditeur.
Récit biographique à lire en deux temps. La première partie, de loin la plus longue, regorge de scènes fictives proches de la réalité. La seconde partie (dernier chapitre) met les pendules à l’heure, puis présente une chronologie détaillée de la vie de Jos Montferrand (1802-1864).
Bûcheron, draveur, pagayeur, Jos Montferrand affiche une taille imposante pour son époque. Il est une masse de muscles et un batailleur d’une force et d’une résistance incroyables. Il se rend souvent en Outaouais (Bytown/Ottawa et Wrightsville/Hull/Gatineau). C’est là que commence le récit avec un chapitre intitulé «Seul contre cent cinquante». Jos doit affronter des Irlandais sur le pont qui enjambe la rivière des Outaouais. Il fait face à une meute de Shiners (déformation du mot «chaîneur», métier surtout pratiqué par les Irlandais). Voici comment l’auteur décrit une des nombreuses prouesses de Jos Montferrand.
«Alors [qu’un Shiner] s’apprête à lui assener un nouveau coup, Jos plonge à ses chevilles et les empoigne avec énergie. Cela lui évite la charge des deux costauds qui reprenaient leurs esprits. En un souffle, il est sur ses pieds et tient l’implorant, tête en bas. Enragé, il le fait tourner autour de lui et, avec cette massue humaine, frappe violemment le nouvel arrivage. Hurlant comme un animal, Jos parvient à avancer au milieu du désordre et à se frayer un chemin entre ses assaillants.»