Né à Montréal mais élevé en Afrique, Didier Leclair vit à Toronto depuis la fin des années 1980. Après Toronto, je t’aime (2000) et Ce pays qui est le mien (2003), il nous offre Un passage vers l’Occident, roman qui dépeint la condition humaine dans une Afrique se cherchant au- delà de la modernité.
Le roman est composé de 63 courts chapitres, dont l’un est constitué d’un seul paragraphe de 49 lignes. Ce rythme saccadé convient au récit d’une vie mouvementée, celle d’une jeune Africaine qui rêve d’un meilleur avenir. Dès la première page, le lecteur est plongé dans la nuit, dans la mer agitée. Un passeur conduit des clandestins africains dans un petit bateau de pêche qui tente de traverser le détroit de Gibraltar sans être intercepté par les garde-côtes.
C’est là que se joue le face à face entre l’Europe occidentale capable de nourrir sa population et l’Afrique «incapable de subvenir aux nécessités élémentaires de la majorité de ses habitants». En 15 pages, l’auteur décrit la traversée illégale du détroit de Gibraltar, ce bras de mer qui s’avère un bras de fer. Il y a naufrage. Une des rares femmes à bord échoue sur le sable espagnol. Angélique, qui n’a pas encore 30 ans, est sauve.
Après ces 15 premières pages, le roman fait un retour en arrière qui va durer 170 pages. Le lecteur est transporté au Congo, à Kinshasa, dans l’enfer qu’Angélique cherche à fuir. Le roman ne précise pas l’époque exacte de l’action, mais on sait que c’est juste après 1997 puisque Mobutu a été chassé du pouvoir.
Angélique mène une vie qui n’a rien d’angélique, bien au contraire. Sa mère est surnommée Sidonie mais «elle interdit à tous ses enfants de prononcer ce prénom car, à Kinshasa, on l’utilisait pour désigner les femmes porteuses du virus du sida». Le romancier décrit la ville de Kinshasa qui est loin d’être l’Eldorado d’une certaine époque. Il nous montre une ville qui est passée des édifices luxueux «à ce qu’on peut qualifier d’immondices à ciel ouvert»,
Excellente danseuse, Angélique est une femme d’apparence séduisante. Elle dégage «une énergie naturelle qu’il [est] difficile d’ignorer». À Kinshasa, la jeune femme découvre les affres de la vie adulte. La plume de Didier Leclair est suave lorsqu’il décrit l’Angélique en mutation: «Peu à peu, son rire perdit les échos de l’adolescence et son visage se mua en celui d’une adulte revenue de la face cachée de la vie et hantée par les démons qui s’y trouvent.»