Heures supplémentaires et solitude sur le campus virtuel de l’Université d’Ottawa

Dans les universités cet automne, le nerf de la guerre virtuelle est la taille des groupes.
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Publié 15/10/2020 par Inès Lombardo

Fin septembre, l’Université d’Ottawa annonçait à son personnel et ses étudiants que son trimestre d’hiver 2021 se tiendra principalement à distance, «à quelques exceptions près».

Depuis, l’administration, les enseignants et les étudiants se replongent déjà dans l’univers virtuel, devenu un quotidien qu’ils commencent tant bien que mal à apprivoiser.

L’université recevra jusqu’à 5 000 étudiants et membres du personnel cet automne et au trimestre hivernal, au lieu des dizaines de milliers de personnes que le campus accueille chaque jour en temps normal.

Ce chiffre représente les personnes qui, à différents moments, ont ou auront à venir sur le campus dans le cadre de leur travail ou de leurs études.

Les profs doivent s’adapter

Charles Darveau, professeur agrégé en biologie, constate qu’«au printemps, tout a déboulé rapidement. Il y a eu plus de réaction que de planification. Cet automne, les cours relèvent davantage de l’ajustement.»

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S’adapter fait désormais partie du quotidien de Reda El Mouktarid, étudiant en 3e année de sciences sociales. Comme 95% de ses camarades, Zoom et Brightspace (la plateforme interne de l’université) sont les outils qu’il utilise pour 100% de ses cours.

Anne-Françoise Debruche

«Je m’attendais à ce retour au virtuel, vu la session printemps-été, assure-t-il. Là où je n’étais pas sûr, c’était comment les professeurs allaient s’y prendre. La méthode est reliée à la matière enseignée et chaque professeur est unique.»

En effet, certains enregistrent leur session de la semaine, tandis que d’autres suggèrent fortement aux étudiants de suivre le cours en ligne en temps réel. Mais ce qui les différencie surtout, c’est la manière dont ils gèrent des centaines d’élèves.

Groupes et sous-groupes

Anne-Françoise Debruche est professeure agrégée de droit civil. Elle prend notamment en charge un groupe de 160 étudiants, deux fois une heure par semaine.

Une tâche devenue informatique et ardue, qu’elle tente de faciliter en divisant ses étudiants en quatre à huit sous-groupes selon l’exercice. Sa méthode permet à chacun de rester accroché et de répondre à ses questions en fin de cours.

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Charles Darveau dresse un constat similaire: «Cet hiver, ce seront les mêmes outils et la même approche que ceux que nous adoptons en ce moment. La seule différence, c’est la taille des groupes, car Zoom limite la capacité d’interaction. Dans les cours magistraux, l’attention est un défi. Il faut créer des vignettes pour créer des cours asynchrones (préenregistrés) et réduire la longueur des cours.»

L’enjeu qui en découle est le peu d’interaction, qui augmente dès que les groupes sont plus petits. «Dès lors, je demande à un étudiant de mener la discussion, précise Charles Darveau. Ça permet aussi de les familiariser avec la notion de travail d’équipe.»

Un exercice plus difficile pour les personnes timides, comme Tewateronhiakhwa Nelson, étudiante en 2e année de droit. «Je suis une personne introvertie, alors ce retour au virtuel ne me gêne pas. Mais il est vrai qu’en classe, on est forcés de discuter avec nos camarades, d’avoir un minimum de lien social. À travers Zoom parfois, personne ne dit rien.»

Plus de solitude, mais plus de débrouillardise

La jeune femme explique toutefois qu’en classe l’an dernier, elle avait tendance à vouloir noter tout ce que son professeur expliquait, jusqu’au moindre détail. Une technique qui lui posait souci et la stressait pendant les cours.

Depuis les leçons virtuelles, elle a appris à noter uniquement les choses les plus importantes. Un changement certainement expliqué par une pression moindre devant Zoom qu’en classe et une petite dose supplémentaire de confiance en soi.

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Selon Anne-Françoise Debruche, le virtuel a aussi rendu les étudiants «plus autonomes. Dès qu’ils ont un souci, que ce soit d’ordre technique ou universitaire, ils se débrouillent plus qu’avant.»

Elle note que la transmission de la matière n’est pas affectée par le virtuel. Les outils dont ils disposent suffisent: en plus de Zoom et Brightspace, une réserve électronique de documents constituée par la bibliothèque de l’université facilite l’accès aux données.

Tewateronhiakhwa Nelson suit tous ses cours à son bureau, devenu un véritable lieu de vie virtuel. Photo: courtoisie

Un meilleur suivi par courriel

Le suivi par courriel avec leurs professeurs en pousse certains à oser questionner directement. De fait, les étudiants sont autant, voire mieux suivis depuis le retour aux écrans.

Deux grands défis accompagnent ces quelques notes positives: la multiplication des heures par les professeurs et la solitude. Dans le premier cas, les enseignants doivent gérer, en plus de leurs cours, les données informatiques (notes, suivi de groupes ou individuel, etc.).

Dans le second cas, Anne-Françoise Debruche note que «nos sens ne sont pas touchés derrière notre écran, contrairement aux salles de classe».

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«Je pense aussi aux premières années, pour qui le virtuel sera le premier contact avec l’université… C’est d’autant plus important pour eux, car ils nouent les premiers contacts d’un futur réseau professionnel et apprennent à adopter un comportement de travail. Et via Zoom, c’est compliqué.»

Elle souligne elle-même avoir été «habituée à voir mes collègues, discuter avec eux entre deux cours. En virtuel, j’ai la chance de co-enseigner, mais ce n’est pas le cas de tous. Heureusement, de voir les progrès des élèves et leurs retours positifs reste un soutien qui, je pense, nous donne envie de continuer.»

Des «exceptions» présentes sur le campus

Selon la gestionnaire des relations médias Isabelle Mailloux-Pulkinghorn, qui a répondu à nos questions au nom du bureau du recteur et vice-chancelier de l’Université d’Ottawa Jacques Frémont, ces 5 000 exceptions qui échapperont en partie à leurs écrans sont des étudiants dont les cours requièrent une composante en présentiel, comme des stages en milieu hospitalier ou du travail en laboratoire.

S’ajoutent à cela des membres de la communauté universitaire qui, par exemple, doivent travailler en présentiel dans un laboratoire avec de l’équipement de pointe.

Les mesures émanant des directives sanitaires des autorités en santé publique (port du masque obligatoire, distanciation physique, mesures d’entretien et de nettoyage augmentées, etc.) sont appliquées pour ces personnes sur le campus.

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«L’Université demeure pleinement fonctionnelle malgré l’apprentissage à distance, assure le bureau du recteur. Tous les services d’appui au succès scolaire de nos étudiants sont accessibles.»

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