Comédien et écrivain, Robert Lalonde vient de publier, aux Éditions du Boréal, un sixième roman intitulé Que vais-je devenir jusqu’à ce que je meure? De leur côté, les Éditions Québec Amérique publient un essai sur L’Homophobie: un comportement hétérosexuel contre nature. Chacun à leur façon, ces deux ouvrages traitent de la différence.
Robert Lalonde raconte, à la première personne, une brève tranche de «sa» vie de pensionnaire au collège dans les années 1960. Il a 13 ans et il lance en l’air ses soucis, ses désirs, pour aussitôt les rattraper et les renvoyer dans le ciel. «C’était une manie, une espèce de supplice que je m’imposais pour tenter de me délivrer de la nervosité qui me fatiguait.» Le jeune collégien traverse l’adolescence, une période bête et inconsolable qui «veut mettre le feu à tout, y compris à elle-même».
Adolescent dans les années 60, le protagoniste devine bien qu’il héberge une âme tourmentée, sans doute indocile. Il se compare à James Dean, héros de La Fureur de vivre (1955). Il rencontre Nelson, un des grands, qui l’invite à parler un peu, «peut-être de ta fureur de vivre à toi…» Le jeune est attiré vers Nelson, pas physiquement, du moins pas comme il est attaché à un garçon de sa classe. Nelson lui enseigne qu’il doit aimer la vie et non pas le sens de la vie. «Aimer ton existence sans raisonner. Tu es trop pressé de te sauver, alors que t’es pas vraiment perdu…»
Le titre du roman de Robert Lalonde provient d’un vers de Victor Hugo. Et cela semble tout désigné car le jeune collégien est un écrivain en herbe. Son attention dévie sans cesse. À partir d’une mince cicatrice sur la nuque de François, le camarade assis devant lui, de la toux rauque de Jacques derrière lui, du reniflement obstiné de Claude à son côté, il élabore une fantasmagorie qui le bouleverse. C’est la révélation. «Je serai poète, je n’aurai pas le choix. Je suis outarde, ciel et vent beaucoup plus facilement que je ne suis apprenti homme, étudiant le grec, le latin et la soumission.» Dès lors, ses doigts agrippent le crayon comme l’assassin son couteau.
Que vais-je devenir jusqu’à ce que je meure? est un très beau roman qui illustre, dans des mots finement ciselés, que «le désespoir est une maladie qu’on attrape souvent au sortir de l’enfance». Robert Lalonde démontre clairement qu’on peut en guérir. Sa brillante carrière en demeure une preuve éclatante.