Une nouvelle souche du virus plus contagieuse?

Il y aurait une «nouvelle variante» du SRAS-CoV2 plus contagieuse que la précédente, selon une recherche du laboratoire national de Los Alamos, aux États-Unis. Sauf que ce n’est pas tout à fait ce que dit la recherche en question.
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Publié 09/05/2020 par Pascal Lapointe

Il y aurait une «nouvelle variante» du SRAS-CoV2, et celle-ci serait plus contagieuse que la précédente, selon une recherche du laboratoire national de Los Alamos, aux États-Unis. L’information, inquiétante à souhait, s’est propagée comme un virus sur les réseaux sociaux mardi. Mais ce n’est pas tout à fait ce que dit la recherche en question.

Le choc est venu d’un article du Los Angeles Times mardi matin: «un coronavirus mutant a émergé, plus contagieux que l’original», a-t-on pu lire comme titre, avant que celui-ci ne soit mis au conditionnel dans l’édition en ligne.

Derrière cet article, il y a bel et bien une recherche, parue le 30 avril, et qui a effectivement identifié 14 mutations survenues depuis janvier chez ce virus, dont une en particulier, D614G, est devenue dominante dans les «versions» du virus qui se sont répandues en février en Europe puis en Amérique du Nord.

Les bémols

Il y a toutefois six bémols.

• Il s’agit d’un «pré-papier», c’est-à-dire une recherche déposée à seules fins de partager l’information auprès des collègues, et qui n’a donc pas encore été révisée par d’autres chercheurs.

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• Tout virus subit continuellement des mutations. Contrairement à l’image qu’en renvoie la science-fiction, «mutation» n’est pas synonyme de danger. Et jusqu’ici, la recherche tendait plutôt à conclure que, si le coronavirus responsable de la CoViD-19 montre effectivement plusieurs mutations, peu d’entre elles semblent susceptibles de créer des souches aux propriétés différentes.

• Les chercheurs n’affirment pas que cette mutation rend le virus plus contagieux. Une mutation peut certes avoir cet effet, mais elle peut aussi avoir un effet qui n’a rien à voir avec la contagion, ou pas d’effet du tout. Les chercheurs, dans ce cas-ci, pointent un «signal» qui, à leurs yeux, mérite d’être davantage examiné, mais reconnaissent qu’il est trop tôt pour en conclure quoi que ce soit.

• Sa domination pourrait être le résultat d’un coup de chance. À première vue, le fait que cette «variante» soit devenue dominante en Europe depuis février jouerait en faveur du fait que la mutation procurerait un «avantage évolutif».

À l’instar de l’animal qui peut courir plus vite que ses congénères, et qui transmet cet «avantage» à ses descendants. Mais il peut aussi s’agir d’un coup de chance, ce que la génétique des populations appelle « l’effet fondateur»: par exemple, il aurait suffi qu’un plus grand nombre de virus porteurs de cette mutation soient les premiers à entrer en Europe pour qu’ils prennent le dessus sur les autres.

Et pour ce qui est des États-Unis, les analyses génétiques ont révélé que le gros de la transmission est venu d’Europe.

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• S’il était plus contagieux, les statistiques devraient le révéler. Cette mutation semble avoir été présente chez près de 100% des virus décodés dans le nord de l’Italie, où l’épidémie a fait très mal. Mais sur l’ensemble des données régionales actuellement disponibles, on ne remarque pas pour l’instant de corrélation entre la prévalence de cette variante et le taux d’hospitalisation.

• En au moins un endroit, les virus avec ou sans cette mutation reculent à parts égales. L’État de Washington, sur la côte du Pacifique, a connu ses premiers cas de coronavirus avant le reste des États-Unis et une partie provenait de Chine. Au fil des semaines, la variante «européenne» a également fait son chemin.

Mais, écrivent les chercheurs de Los Alamos, les données génétiques accumulées, en particulier depuis qu’on a dépassé le sommet de la courbe dans cet État, révèlent un recul à parts égales des deux versions du virus. Autrement dit, la «mutante» (en bleu dans le graphique ci-dessous*) ne semble pas en mesure de s’imposer.

Verdict: incertain

Comme tout pré-papier, il nécessite d’autres recherches. Mais l’état des connaissances, pour l’instant, empêche de conclure prématurément qu’on a mis le doigt sur un dangereux mutant.

Auteur

  • Pascal Lapointe

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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