Soirée électorale trop québécoise à Radio-Canada: ménager la chèvre et le chou

Au début de la soirée à Radio-Canada.
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Publié 11/12/2019 par Réjean Grenier

Selon Le projet Voltaire, «une personne qui tente de ménager la chèvre et le chou est… perçue comme cherchant à satisfaire des intérêts ou des protagonistes opposés».

C’est ce qu’a fait de main de maitre l’ombudsman de Radio-Canada, Guy Gendron, dans sa décision concernant l’émission spéciale de la soirée électorale du 21 octobre dernier.

Plainte d’une téléspectatrice d’Ottawa

Dès le lendemain du scrutin, Aude Rahmani, d’Ottawa logeait une plainte contre l’émission, dénonçant, entre autres, «le parti pris éditorial québécocentriste».

Elle écrivait: «Accent mis sur les résultats des circonscriptions québécoises en termes de nombre de vues et de temps d’antenne», et «traitement pauvre ou quasi inexistant des résultats des circonscriptions des autres provinces et territoires».

Elle affirmait qu’étant donné son statut national, Radio-Canada se devait «d’informer avec la même attention et le même respect les spectateurs francophones à la grandeur du pays sur tous les résultats, et d’en faire une analyse province par province, territoire par territoire».

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CBC plus «national»

Avant de poursuivre, permettez-moi d’avouer que je n’ai pas regardé cette émission. J’ai compris il y a longtemps que, pour avoir une vision vraiment nationale, il faut écouter CBC.

Lors de la soirée du 21 octobre, j’ai donc syntonisé CBC et j’ai pitonné, à quelques occasions, pour m’apercevoir que Radio-Canada me parlait encore du Québec. J’ai donc regardé les résultats en anglais. C’est malheureux, mais c’est ainsi.

À la fin de la soirée à CBC.

La plainte de Mme Rahmani ayant été envoyée à la direction de l’information du diffuseur national, c’est un des directeurs du service de l’Information qui lui a répondu. Et comme de raison, il se dit fier de l’émission même si «tout n’était pas parfait».

Il défend le québécocentrisme en expliquant que les changements électoraux causés par la remontée spectaculaire du Bloc Québécois nécessitaient une plus grande analyse.

Rapport de l’ombudsman

Insatisfaite de ce blabla institutionnel, Mme Rahmani a demandé à l’ombudsman de Radio-Canada d’examiner sa plainte. Et c’est là qu’intervient l’ex-journaliste devenu ombudsman, Guy Gendron.

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Guy Gendron

Son rapport de 10 pages est d’une grande méticulosité et super bien écrit. Il présente d’abord le mandat de Radio-Canada. Il passe ensuite à l’analyse de la plainte pour continuer en décortiquant l’émission.

Il entre dans tous les détails: le nombre de minutes consacrées aux circonscriptions québécoises versus les circonscriptions des autres régions, les moyens techniques utilisés, la provenance des analystes, la différence de diffusion entre les chaines ICI Radio-Canada Télé et RDI, le respect des normes journalistiques.

Tape sur les doigts

Dans ce rapport, Gendron glisse bien quelques commentaires pertinents au sujet du québécocentrisme des émissions réseau de Radio-Canada.

Mais dans l’ensemble, il donne tantôt raison au diffuseur (l’analyse soutenue de la remontée du Bloc), tantôt à la plaignante (les premiers résultats provenant des autres provinces n’apparaissent qu’une heure après la fermeture des bureaux de scrutins dans ces régions).

Après avoir ainsi ménagé la chèvre et le chou pendant 8 pages, sa conclusion de 5 lignes indique cependant que «l’émission spéciale […] aurait pu mieux servir le mandat du diffuseur public qui lui demande de refléter la diversité et de présenter des informations pertinentes à tous les citoyens.»

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Ayoye, la grosse tape sur les doigts!

Exaspération

Une tape qui ne correspond évidemment pas à l’exaspération que vivent les francophones en milieu minoritaire. Les émissions réseau de Radio-Canada ne nous desservent plus depuis plus de 30 ans et ça prend plus qu’une tape sur les doigts pour que ça change.

Comme je l’écrivais dans un de mes éditoriaux au journal Le Voyageur, il est temps de poursuivre Radio-Canada.

Auteur

  • Réjean Grenier

    Journaliste et éditorialiste depuis plus de 40 ans. Il a été propriétaire d’un journal et d’un magazine dans le Nord de l'Ontario. Avide lecteur, il a présenté une chronique littéraire sur les ondes de Radio-Canada pendant cinq saisons.

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