De l’extrait de méduse pour aider votre cerveau?

Explications nébuleuses du supplément Prevagen

méduse
Une collection colorée de méduses à l'aquarium Ripley de Toronto. Photo: archives l-express.ca
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Publié 14/06/2019 par Agence Science-Presse

Quel lien y a-t-il entre une protéine de méduse et la santé de votre cerveau? Un supplément alimentaire qui est censé, selon ses promoteurs, stimuler votre mémoire, votre concentration et votre capacité de raisonnement, en plus de retarder les effets du vieillissement.

Mais on a un petit doute.

Une affaire de calcium

Prevagen est un supplément alimentaire dont l’ingrédient «actif» est censé être une protéine appelée «apoaequorine», prélevée sur des méduses.

Les explications du fabricant sur ce qui permet de l’associer à notre mémoire sont plutôt floues, mais tournent autour du calcium: en gros, chez la méduse, cette protéine s’attache au calcium, et c’est ce qui procure à l’animal sa fameuse fluorescence.

Or, les protéines qui se lient au calcium jouent un rôle crucial dans le bon fonctionnement de notre cerveau. Prevagen fait donc valoir qu’un supplément à base d’apoaequorine serait bénéfique.

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Extrapolation douteuse

Nos neurones ont effectivement besoin de calcium pour bien fonctionner. Ce calcium ne doit être ni trop abondant ni trop rare. Nos protéines qui se lient au calcium nous protègent contre ces excès.

Mais elles se raréfient avec l’âge, ce qui mène à un surplus de calcium dit «non-lié» qui peut endommager nos neurones et donc, nuire à notre mémoire et à notre cognition.

Les biologistes savent que la protéine de méduse en question contient une séquence d’acides aminés très semblable à celle des protéines qui se lient au calcium dans notre corps. De plus, en laboratoire, lorsque des cellules sont mises en contact avec cette protéine, elles acquièrent une meilleure résistance aux dommages.

Ces résultats ont mené à l’idée que l’apoaequorine pourrait protéger nos neurones des conséquences du vieillissement.

Barrières naturelles

Le raisonnement a du sens lorsqu’on parle de lames de microscopes en laboratoire. Mais lorsqu’il s’agit d’ingérer cette protéine dans une pilule, on doit s’assurer que la protéine survive à notre système digestif, qu’elle soit absorbée dans notre sang et qu’elle traverse la barrière hémato-encéphalique qui protège notre cerveau des agents infectieux et autres molécules indésirables.

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Puisque nous savons que les protéines sont décomposées lors de la digestion, les chances que celles-ci demeurent intactes et se rendent au cerveau sont donc négligeables.

Prevagen a-t-elle fait ces tests? La compagnie Quincy Bioscience, qui distribue Prevagen, proclame que oui. Elle nous présente, avec tambour et trompette, un essai clinique interne contrôlé via placebo, qui démontre une amélioration de la mémoire après 90 jours.

Alors qu’en fait, en bout de ligne, le groupe ayant reçu le placebo a performé tout aussi bien que le groupe expérimental.

Pas évalué par la FDA

De plus, au-delà de ce test effectué par la compagnie elle-même, il ne semble pas y avoir de publications révisées par les pairs qui puissent attester de l’efficacité et de l’absence de risques de Prevagen.

Ce qui n’empêche pas Quincy Bioscience de proclamer qu’il a été cliniquement démontré que son produit améliore la mémoire et les capacités cognitives.

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Quoiqu’une clause en petits caractères accompagnant les publicités précise que: «Ces déclarations n’ont pas été évaluées par la Food and Drug Administration. Ce produit n’est pas prévu pour le diagnostic, le traitement, la guérison ou la prévention de toute maladie.»

Essai clinique négatif

Ce n’est pas tout. Les données présentées par la compagnie concernant la sûreté du produit semblent elles-mêmes démontrer que le produit ne peut pas fonctionner.

Leur essai clinique conclut en effet: «La présente étude s’est penchée sur le potentiel allergène de la protéine purifiée. (Les résultats) révèlent que la protéine n’est pas un allergène connu et ne risque pas de provoquer une réaction croisée avec des allergènes connus. L’apoaequorine est facilement digérée par la pepsine. (…) Ces données ne laissent pas la porte ouverte à des préoccupations supplémentaires en matière de sûreté qui seraient dues à une stabilité inhabituelle de la protéine suivant son ingestion.»

Autrement dit, la compagnie admet, dans cet extrait, que la protéine est décomposée lors de la digestion et n’entre pas dans le cerveau.

Effets indésirables et plaintes

Pire encore, dans un avertissement envoyé à la compagnie en 2012, la Food and Drug Administration des États-Unis écrivait que «notre inspection a trouvé des traces de plus de 1 000 événements indésirables et de plaintes rapportées à votre firme entre mai 2008 et décembre 2011».

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Des «événements indésirables» aussi divers que des convulsions, des AVC, une aggravation des symptômes de la sclérose en plaques, des douleurs à la poitrine, des tremblements, des évanouissements et, étrangement, un dérangement de la mémoire et de la confusion.

Un poursuite contre la compagnie a d’ailleurs été lancée en 2017 aux États-Unis par la Commission fédérale du commerce (FTC) pour fausse représentation et études «non concluantes». Un juge a d’abord rejeté cette poursuite, mais une cour d’appel a tranché en faveur de la FTC en février 2019.

Dans la foulée de ce dernier jugement, des consommateurs ont déposé un recours collectif faisant valoir que «Prevagen est un produit à but unique: son seul prétendu avantage est d’améliorer la fonction cérébrale et la mémoire — ce qu’il ne fait pas.»

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