En 1972, Jacques Ferron publie Le Saint-Élias, un roman dans lequel il propose un portrait moins sombre de la culture catholique du Canada français, nuançant ainsi la vision d’une Église obscurantiste et rétrograde que proposent certains artisans de la Révolution tranquille. Le professeur Jacques Cardinal, de l’Université de Montréal, analyse l’impact de ce roman sur le récit de la survivance canadienne-française dans un essai intitulé La part du diable. Le Saint-Élias de Jacques Ferron.
Le Saint-Élias raconte une liaison adultère entre le vicaire Armour Lupien et Marguerite Cossette, épouse d’un gros cultivateur, propriétaire du pont péager de la rivière Batiscan et armateur du navire Le Saint-Élias. Ce roman a été qualifié de livre de l’extrême détresse et de l’extrême tendresse.
Quand Le Saint-Élias paraît, la Révolution tranquille est bien amorcée et elle ébranle déjà une culture fortement identifiée au pouvoir d’une Église catholique devenue omniprésente, une Église qui jusqu’à maintenant prônait «l’exaltation de la vocation agricole et de la vie rurale, gage de la sauvegarde des valeurs chrétiennes».
On retient souvent de la Révolution tranquille une sorte de réaménagement de la mémoire collective, qui consiste à faire «le procès d’une Église au discours dogmatique et autocratique».
Or, selon Jacques Cardinal, Le Saint-Élias de Ferron propose une autre lecture du catholicisme au Canada français, «une lecture de l’Évangile empreinte de miséricorde, de tolérance et de pragmatisme».