Louis Malle en version docu

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 01/05/2007 par Yann Buxeda

«Quand vous venez d’ailleurs, vous voyez des choses que ceux qui sont plus familiers avec l’environnement ne remarquent plus.» Jamais Louis Malle n’a su décrire avec tant de pertinence une situation que lorsqu’il l’avait vécu en tant qu’observateur. Qu’il s’agisse d’événements, de lieux ou de vies, il s’est distingué par la justesse de ses documentaires, sans pour autant délaisser la fiction, part principale de son oeuvre. Un travail journalistique aujourd’hui présenté par la Cinémathèque Ontario, du 4 au 12 avril.

Décédé il y a un peu plus de dix ans, Louis Malle a laissé derrière lui l’image d’un cinéaste atypique et controversé mais au talent indéniable. Avec Au revoir les enfants, il signait en 1987 un film qui marquait l’apogée de sa carrière, en revenant sur les cendres encore fraîches d’un thème qui l’avait poussé à l’exil quinze ans plus tôt: l’occupation durant la Seconde guerre mondiale.

S’il a occupé une place importante au sein du paysage cinématographique français en tant que réalisateur de films de fiction, on oublie souvent que Louis Malle a mené en parallèle une carrière de documentariste. Une autre facette du personnage à laquelle voulait rendre hommage la cinémathèque Ontario, en projetant ses huit documentaires au sein d’une rétrospective.

En point d’orgue sera évidemment projeté Le monde du silence (1956, diffusé le mercredi 9 mai à 18h30), qui avait à l’époque recu la palme d’or du Festival de Cannes et l’Oscar du meilleur documentaire. Réalisé en binôme avec l’emblématique Jacques-Yves Cousteau, il avait révélé les talents d’un jeune cinéaste qui étudiait encore à l’Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC).

Après cette première expérience, le Nordiste s’était essayé à la fiction à plusieurs reprises, collaborant notament par quatre fois avec l’actrice Jeanne Moreau. Déjà à l’époque il s’était distingué de la jeune école, en s’écartant des sentiers tracés par les meneurs de la Nouvelle Vague, pourtant plus qu’en vogue à la fin des années 50.

Publicité

Au début des années soixante, il retrouve le documentaire avec Vive le Tour (1962, diffusé le vendredi 11 mai à 18h30), un court-métrage de 18 minutes sur la compétition cycliste éponyme, puis Touiste encore (1967).

Mais c’est à la toute fin des années 60 que sa carrière prend un véritable tournant, puisque Louis Malle accouche d’une oeuvre documentaire d’une grande maturité: Calcutta, l’Inde fantôme (1969, diffusé dimanche 6 mai à 12h). Pendant plus de 6h30, le réalisateur français y dépeint un carnet de voyage qui illustre avec vigueur la pauvreté des paysans locaux.

Malgré une certaine hésitation, il revient finalement à la fiction, en réalisant Le Souffle au coeur (1971), dont le scénario incestueux provoque un premier tollé national. Il revient donc au documentaire, avec Humain, trop humain (1973, diffusé vendredi 11 mai à 18h30) et Place de la République (1973, diffusé le vendredi 4 mai à 20h45), mais n’a pas pour autant renoncé à la fiction.

En 1974, Lacombe Lucien va provoquer un second soulevement en s’attaquant à un tabou: la collaboration. Son film y présente un jeune homme désoeuvré qui bénéficie de la collaboration pour attraper l’ascenseur social. Comme à son habitude, il n’est pas question de jugement positif ni de diabolisation du sujet. Une non-prise de position qui lui attire les foudres de la presse et du public, qui l’accusent de n’avoir pas vécu assez durement la guerre – Louis Malle est issu d’une famille de la grande bourgeoisie dont le grand père a fait fortune dans le sucre. Face à la polémique, il décide de s’expatrier aux États-Unis.

Débute pour lui une période américaine de laquelle il accouchera de huit films de fiction, mais aussi de deux documentaires: God’s country (1985, diffusé le samedi 12 mai à 18h30) qui traite de la situation des travailleurs américains de la ville de Glencoe, puis And the Pursuit of Happiness (1986), qui permettra au spectateur de retrouver ces mêmes travailleurs dix ans plus tard.

Publicité

Dix années à l’étranger qui lui inspireront son plus grand succès de fiction, avec la sortie d’Au revoir les enfants (1987), un drame sur l’occupation qui reprendra curieusement deux éléments essentiels de ses précédents longs-métrages: le concept du collabo malgré lui et celui de la relation mère-fils basée sur l’inceste. La critique y verra cette fois une oeuvre empreinte de génie et le film sera récompensé à plusieurs reprises, notamment par plusieurs Césars.

Louis Malle ne retouchera jamais au documentaire, s’essayant encore à trois reprises à la fiction, avant que sa carrière ne prenne fin en 1994, un an avant sa mort. «Je préfère quand le spectateur sort avec des questions plutôt qu’avec des réponses», s’amusait-il quelques années plus tôt. Et si ses films ont sans conteste suivi cette voie, le documentaire selon Louis Malle restera un modèle de description, au mépris parfois de ces fameuses questions en suspens.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur