Un roman à 24 voix sur Samuel de Champlain

En octobre 2015, dans le train Halifax-Toronto

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Publié 02/12/2014 par Janine Messadié

Dix auteurs franco-ontariens figurent parmi ceux qui participeront à l’automne 2015 aux 24 heures du roman, un projet d’écriture collaborative réunissant 24 écrivains professionnels de langue française dont la mission sera d’écrire en 24 heures, une histoire à plusieurs voix sur les aventures de l’explorateur Samuel de Champlain, à bord du train l’Océan de Via Rail sur le trajet Halifax-Toronto.

Imaginé par Anne Forrest-Wilson, directrice de l’organisme L’écriture en mouvement, le programme a été dévoilé mercredi dernier à la résidence du consul général de France à Toronto, Jean-Francois Casabonne Masonnave, en présence de plusieurs personnalités dont la ministre déléguée aux Affaires francophones de l’Ontario, Madeleine Meilleur.

Dans cette aventure, on retrouvera entre autres Daniel Marchildon, Vittorio Frigerio, Mireille Messier et Daniel Soha, présents à cette soirée; trois auteurs québécois; deux Amérindiens; deux Acadiens et sept auteurs français, dont Hervé Le Tellier, présent également via Skype.

Interculturalité, rencontre de points de vue différents sur un même sujet, canalisation d’idées, échanges… ces 24 heures du roman proposent aux auteurs de sortir de leur mode de pensée habituel, d’harmoniser leurs connaissances individuelles, pour créer une œuvre collective commune.

«J’avais conçu un projet semblable en France avec la SNCF en 1996, mais la genèse du projet vient de loin», confie Anne Forrest Wilson. «J’étais à Londres en 1992 et j’assistais à un concours d’écriture. Se dégageait du lieu une telle intensité, une telle joie dans l’acte d’écrire, cela m’a fascinée… émerveillée! Et ça m’est restée… L’écriture est une gymnastique formidable qui libère l’esprit.»

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«Avec Les 24 heures du roman», poursuit-elle, «j’ai eu envie de revivre cette intensité à travers l’écriture collaborative…la collaboration étant très souvent porteuse de qualité et ici, elle va refléter la richesse inouïe de la langue française.»

Chaque auteur s’engage donc à être disponible du 20 au 24 octobre 2015, et devra respecter un horaire très précis dans un cadre strict et bien défini.

Pour faire naître les premiers échanges et donner du sens à la démarche collaborative, 48 heures avant de monter en train, les auteurs se réuniront deux jours à Moncton au Nouveau-Brunswick pour y dresser le canevas de l’œuvre, notamment l’intrigue et les 24 personnages.

Le 23 octobre 2015, 24 minutes avant d’embarquer sur le train à destination de Toronto, chaque auteur tirera au sort le personnage qui va se trouver au cœur de la nouvelle qu’il devra écrire. Il aura ensuite 12 heures (de midi à minuit) pour pondre 12 pages, avant de remettre son texte aux correcteurs.

Littérature sous contrainte

Faire ainsi travailler 24 auteurs aux nationalités, parcours de vie et styles différents pour écrire un roman collectif, s’inspire de l’Oulipo, l’ouvroir de littérature potentielle, fondé en 1960 en France par le mathématicien François Le Lionnais et l’écrivain Raymond Queneau, et que nous fait découvrir, du même coup, cette femme dynamique et inspirante qu’est Anne Forrest-Wilson.

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«L’Oulipo réunit des écrivains et des mathématiciens, qui se donnent des règles du jeu pour écrire des textes que l’on appelle la «littérature sous contrainte», précise Anne Forrest-Wilson.

Les contraintes peuvent être très variées: on peut interdire l’usage d’une voyelle, (comme George Perec dans son roman La Disparition, sans aucun «e»); combiner les proverbes pour en créer de nouveaux; ou encore se restreindre à n’utiliser que les lettres du nom de celui ou de celle à qui l’on destine son texte.»

Ici, la contrainte est d’écrire dans un train, en 24 heures chrono, un roman à 24 voix. D’ailleurs, sur les sept écrivains français qui vont participer au projet, six sont de l’Oulipo.

«Nous allons organiser des ateliers de l’Oulipo, avec les départements d’études françaises des universités, à Ottawa, Toronto, Montréal, Moncton et Halifax. L’Alliance française de Toronto sera aussi de la partie», ajoute Anne Forrest-Wilson.

Ces ateliers seront proposés dans la semaine du 9 au 13 février 2015, en prélude à un concours d’écriture qui imposera le même genre de contrainte, sans toutefois les paysages en mouvement entre Halifax et Toronto.

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Woodstock littéraire

Daniel Soha, qui ne connaissait pas l’Oulipo, se dit enchanté de vivre cette expérience de la littérature sous contrainte. «J’ai tout de suite été séduit par ce projet», dit-il, «par amour pour la difficulté, car les vrais artistes travaillent mieux sous la contrainte. Quand on est seul, on a toute la liberté du monde. Là, il y aura une étape de plus dans la difficulté, parce qu’on sera avec d’autres auteurs, d’autres styles d’écriture et de langage…»

«Vous savez les auteurs sont des êtres ombrageux, capricieux, qui ont leurs humeurs, qui sont un peu diva…on va devoir faire le ménage de tout ça et voir comment on va coopérer… pour créer une dynamique de travail propice à l’implication de chacun.»

L’auteure jeunesse Mireille Messier était aux anges lorsqu’elle a appris qu’elle avait été retenue pour vivre ce voyage fantastique. «Je suis restée bouche bée… C’est une expérience qui me fait déjà vibrer et qui ouvre tellement de portes et de possibilités. Écrire sous la contrainte est quelque chose qui me motive. J’espère choisir un personnage adolescent, proche de mon univers d’auteure, parce que j’écris pour la jeunesse, mais je reste ouverte à toutes les expériences. Les 24 heures du roman, c’est presque le Woodstock des auteurs… ce sera un périple fabuleux!»

Le projet d’écriture collaborative sur Samuel de Champlain, qui s’inscrit dans le cadre des célébrations pour souligner le 400e anniversaire de la présence francophone en Ontario en 2015, a été accueilli avec beaucoup d’enthousiasme par plusieurs partenaires, notamment l’Association des auteures et auteurs de l’Ontario français (AAOF), Via Rail et le Café Balzac.

Tous ont chaudement applaudi Les 24 heures du roman de Anne Forrest-Wilson, qui fera également l’objet d’un documentaire permettant ainsi de joindre un très large public de lecteurs francophones et francophiles afin de les mener à une meilleure connaissance des diverses cultures francophones, de leur influence, ainsi que des spécificités et affinités de chacune.

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Pour découvrir tous les auteurs et en savoir plus sur Les 24 heures du roman: www.ecriture-en-mouvement.com

Auteur

  • Janine Messadié

    Communicatrice d'une grande polyvalence. 30 ans de journalisme et de présence sur les ondes de Radio-Canada et diverses stations privées de radio et de télévision du Québec et de l’Ontario français. Écrit depuis toujours...

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