Le drapeau arc-en-ciel est connu mondialement comme symbole de la communauté LGBT, mais plus de 80 ans après les camps de concentration, le triangle rose demeure trop souvent méconnu. Avec son essai intitulé Marqués du triangle rose, le Torontois Ken Setterington, va certainement aider à faire connaître les oubliés de la terreur nazie, c’est-à-dire les prisonniers homosexuels.
Dans les camps de concentration, chaque personne portait, cousu à sa veste, un triangle dont la couleur indiquait le motif de sa détention: rouge (politique), vert (criminel), noir (antisocial), jaune (juifs), violet (témoin de Jéhovah), brun (romanichel), rose (homosexuel). À travers un mélange de recherches historiques, de témoignages et de récits individuels, Ken Setterington relate une page d’histoire qui est tout sauf rose.
Préoccupation nationale
Dès 1871, le paragraphe 175 du code pénal allemand rend criminels les actes sexuels entre hommes, mais il n’est presque pas appliqué avant 1928 lorsque Hitler déclare «quiconque pense à l’amour homosexuel est notre ennemi». Or, dix ans auparavant, «plus que n’importe où ailleurs dans le monde, Berlin était un milieu de vie excitant pour un homme gai».
Qu’est-ce qui change tout d’un coup? C’est la création d’une «race supérieure» composée d’Aryens forts, d’hommes et de femmes capables de se reproduire. Les homosexuels ne sont évidemment pas de cette race. En 1935, le paragraphe 175 est révisé pour inclure non seulement les actes mais également «une intention ou une pensée homosexuelle».
Sous Hitler, «la sexualité n’était pas chose privée, mais un sujet de grande préoccupation nationale». Durant les six années avant la Seconde Guerre mondiale, le nombre de condamnations pour homosexualité en Allemagne passe de 853 par année (1933) à 8 562 (1938). Dans les camps de concentration, un détenu homosexuel était souvent appelé le 175e, en référence au paragraphe 175 du Code pénal.