Macron lance une stratégie pour mieux «apprendre, communiquer et créer» en français

Langue d’émotion, de combat, d’intranquilité...

Emmanuel Macron
Le président Emmanuel Macron à l'Académie française le 20 mars.
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Publié 20/03/2018 par François Bergeron

Le président Emmanuel Macron réunira annuellement un Conseil national de la francophonie pour évaluer la mise en oeuvre d’une nouvelle stratégie pour mieux «apprendre, communiquer et créer» en français, annoncée le 20 mars dans un discours «fondateur» à l’Académie française.

On savait depuis l’été dernier qu’il planchait sur une «stratégie internationale pour la langue française et le plurilinguisme». Avec sa Représentante personnelle pour la Francophonie Leila Slimani, il a lancé une consultation citoyenne qui a permis de recueillir plus de 5000 idées, débattues en février à Paris par 500 intellectuels.

L’enjeu est de faire du français, déjà la 5e langue la plus parlée sur la planète, en passe de devenir la 4e et même la 3e, «l’une des grandes langues-monde de demain et un atout dans la mondialisation».

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LIVE | Notre ambition pour la langue française et le plurilinguisme.

Posted by Élysée – Présidence de la République française on Tuesday, March 20, 2018

«Signal fort»

«Le signal envoyé est très fort», commente le Québécois Jean-Benoît Nadeau, auteur de plusieurs livres sur la langue française, qui faisait partie des 500 intellectuels en question. Il a même pu rencontrer le président français en comité restreint à l’Élysée. «Les francophones du Canada ont de quoi se réjouir», déclare-t-il.

Le changement de cap est clair pour le spécialiste de la langue française: «Macron veut une francophonie décentrée, plurielle, où la francophonie n’est plus une périphérie de la France. C’est un discours libérateur», estime Jean-benoît Nadeau.

Pour Denis Desgagné, président-directeur général du Centre de la francophonie des Amériques, l’ouverture affichée par Macron est de bon augure. «La francophonie canadienne a des savoirs et des expériences qui peuvent bénéficier au plus grand nombre. La France n’est pas seule», explique-t-il.

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francophonie
Denis Desgagné, du Centre de la francophonie des Amériques.

Enseignement

Le premier terrain de la stratégie française sera celui de l’école et de l’université, la France s’engageant à «soutenir les systèmes éducatifs des pays francophones, en particulier en Afrique», où le président promet aussi de soutenir les langues africaines.

Le réseau des lycées français dans les pays européens et ailleurs dans le monde serait également mis à contribution et épaulé, surtout s’il participe à une «filière bilingue francophone». Car le président Macron aimerait que tous les pays encouragent le plurilinguisme et «l’enseignement d’au moins deux langues étrangères».

Médias

La mission «communication» de la stratégie vise à faire du français une langue «vivante et influente, réellement utilisée», en renforçant sa présence dans l’Internet et les grands médias, l’économie et la diplomatie.

Le drapeau de l’OIF

Culture

Souhaitant que le français soit «plus que jamais une langue de création, dans laquelle se pense et s’invente le monde de demain», le président propose de «décloisonner» les espaces culturels francophones et «faire circuler les artistes et les oeuvres» de chacun des pays francophones vers les autres.

Ici, ce sont les Alliances françaises – à la fois écoles de français langue seconde et centres culturels comme à Toronto – qui sont identifiées comme les «têtes de pont».

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«Notre diplomatie culturelle sera invitée à créer des dispositifs culturels mobiles – bibliobus, ciné-caravanes, débats itinérants, expositions locales, ateliers de quartiers – pour toucher de nouveaux publics, aller vers ceux qui ne viennent pas à nous.»

On veut aider à faire connaître la littérature, le cinéma, le théâtre, la danse, les arts visuels du monde francophone, dans les pays francophones comme dans les autres, notamment dans les écoles et les universités.

Multiples intervenants

Le président Macron a promis la création en France d’organismes comme un «Laboratoire de la Francophonie» ou encore une «Maison des étudiants de la francophonie», ainsi que d’organiser des «États généraux de l’édition en français», «Concours international d’éloquence en français», «Prix de la traduction» et autres «Saisons des cultures africaines»…

Le président français a affiché une «ouverture inédite» en annonçant la création d’une «Académie francophone» qui mettra en relation les académies de différents pays d’expression française, commente Denis Desgagné. «C’est nécessaire si on s’intéresse vraiment à la francophonie plurielle. Il faut épouser ces valeurs et avoir une éthique sociale en accord.»

Jean-Benoît Nadeau juge l’idée bonne et s’appuie sur l’exemple des hispanophones qui comptent «23 académies dans 22 pays de langue espagnole, qui se concertent à l’Académie royale à Madrid».

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Plusieurs instances sont interpellées: l’Institut français («opérateur-pivot»), l’Agence pour l’Enseignement français à l’étranger, France Média Monde, l’Agence française de développement, le Centre International d’Études pédagogiques, et bien sûr les autres pays francophones, l’Organisation internationale de la francophonie, l’Agence universitaire de la francophonie, TV5monde, le réseau des Alliances françaises «et toutes les associations actives en matière de promotion du français et du plurilinguisme».

Mais si les efforts de ces organismes s’éparpillaient entre les ministères de l’Éducation, de la Culture et des Affaires étrangères, c’est le Quai d’Orsay qui sera désormais aux commandes. «Les organismes ne recevront plus de signaux contradictoires, ce qui améliorera l’efficacité sur le terrain», relève Jean-Benoît Nadeau.

Francophonie
Emmanuel Macron et Jean-Benoit Nadeau.

«Francophonie-projet»

Pour Jean-Benoît Nadeau, l’avenir se fera autour de la notion de «francophonie-projet». «La francophonie n’est pas une fatalité qui s’imposerait aux pays. C’est quelque chose à bâtir, quelque chose qu’on doit vouloir», analyse-t-il.

Et même si la francophonie n’est pas très populaire avec les Français, d’après le Québécois, elle l’est pour le reste du monde: «Le plus important, c’est que la France y adhère».

Le français est une langue «d’émotion, de combat, d’intranquilité», a-t-il évoqué à l’Académie, réputée temple de la rigueur, quand ce n’est pas la rigidité, face à une langue qui continue pourtant d’évoluer en France et encore davantage dans les autres pays francophones.

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«On aura beau écrire des dictionnaires», a confirmé Emmanuel Macron, «on sera toujours condamné à les refaire.»


– avec des ajouts et des propos recueillis par Lucas Pilleri (Francopresse)

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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