400 ans d’histoire en 40 minutes dans le Vieux Port de Québec

Le Moulin à images de Robert Lepage

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 02/09/2008 par Paul-François Sylvestre

Parmi toutes les activités célébrant le 400e anniversaire de Québec, l’événement le plus couru demeure probablement Le Moulin à images. Non pas parce que cette activité est gratuite, mais plutôt parce qu’elle est le produit d’un artiste né à Québec et connu mondialement: Robert Lepage. Beau temps, mauvais temps, le spectacle est présenté tous les soirs à 22 heures, jusqu’au 7 septembre.

Le Moulin à images est un document visuel et sonore – pas de mots, juste des sons – projeté sur les 81 silos à grains du port de Québec. Trente mètres de haut et six cents mètres de long, ces silos deviennent le plus vaste site de projections géantes jamais exploité. Pendant 40 minutes, ils se transforment en narrateur et deviennent, à travers un récit saccadé, le témoin privilégié des 400 ans d’histoire de la ville de Québec.

L’équipe de Robert Lepage a travaillé pendant près de trois ans sur cet audacieux projet audio-visuel qui représentait un important défi technique. Il a nécessité, en effet, l’utilisation de 27 projecteurs vidéo, de 238 appareils d’éclairage et de 329 haut-parleurs.

Le Moulin à image se veut une mosaïque animée qui, passant avec les époques de la gravure à la peinture, puis à la photo et à la vidéo, dresse un portrait impressionniste de l’identité de Québec au fil du temps. L’œuvre est structurée en quatre mouvements correspondant non seulement à quatre siècles d’histoire mais aussi à quatre voix de communication.

Il y a d’abord le chemin d’eau, âge de l’exploration et de la découverte; puis le chemin de terre, temps du défrichage et de l’appropriation du sol; ensuite le chemin de fer, moment de l’éclosion industrielle; et, enfin, le chemin d’air, période du développement des communications et des moyens de déplacement.

Publicité

Selon Robert Lepage, «il a fallu beaucoup d’humilité dans ce projet parce que ce n’est pas le créateur qui décide tout. Oui, on fait des choix, on est responsable. Mais c’est beaucoup l’objet qu’on est en train de créer qui nous dit quoi faire.»

Certaines images qui semblent très intéressantes ne passent pas le test. D’autres, plus banales, plus simples habillent les silos comme un gant. Directeur d’Ex Machina, Robert Lepage avoue qu’il a laissé la machine lui dire: «Moi, je ne la prends pas cette image-là! Elle est bien belle, bien intéressante, mais elle ne dira pas ce que tu veux qu’elle dise.» C’est comme quand on essaie un costume et qu’on se dit: je pense que je ne devrais pas porter ça!

Tel que mentionné plus tôt, les images défilent à un rythme saccadé. On voit, par exemple, un train qui se fraie un passage (ère industrielle) et des édifices qui surgissent à chaque tour de roue (urbanisation). Il ne faut que quelques images, bien choisies, pour évoquer la revanche des berceaux, l’emprise des communautés religieuses ou l’automatisation dans les usines.

Des clins d’œil sont faits à certaines personnalités – le cardinal Rodrigue Villeneuve, la chanteuse Alys Roby – à certains événements – effondrement d’une partie du pont de Québec, samedi de la matraque – ou à certains souvenirs tels que les Enquêtes Jobidon.

Le Moulin à images est un spectacle effervescent. Tout bouge sans arrêt. Les silos deviennent des pieux, des balles, des cigares, des cigarettes, des éprouvettes. Les baleines, les voiliers, les voitures, les trains, les militaires traversent tour à tour l’écran géant. Les séquences s’enchaînent avec ingéniosité; ainsi les manifestants du «samedi de la matraque» se transforment subitement en batailleurs sur glace.

Publicité

On ne s’ennuie jamais car on est constamment bombardés de stimuli politiques, économiques, culturels, religieux et sportifs. On ne saisit évidemment pas toutes les nuances du premier coup (surtout si on n’est pas de Québec) et il faut sans doute revisiter Le Moulin à images pour en apprécier toute sa portée. Je ne serais pas surpris qu’on ajoute des représentations après le 24 août, surtout si Dame Nature se met de la partie.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur