Covid en Ontario : vers des choix déchirants aux soins intensifs?

Choisir le patient qui a les meilleures chances de survie

Les statistiques de la covid en Ontario ces 30 derniers jours (à gauche) et depuis un an (à droite): en bleu les cas recensés quotidiennement, en jaune les hospitalisations (ligne noire: les cas aux soins intensifs), en gris les décès.
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Publié 11/04/2021 par Émilie Gougeon-Pelletier

C’est un scénario cauchemardesque que le gouvernement Ford craint depuis le début de la pandémie: l’Ontario pourrait bientôt avoir à déclencher le protocole de triage dans les unités de soins intensifs de la province.

D’ici la fin du mois d’avril, l’Ontario devrait compter 800 patients de la covid en unités de soins intensifs, selon les experts de la santé publique. On a rarement dépassé 400 pendant toute la pandémie, mais on a atteint 500 la semaine dernière, puis 600 dimanche

2000 lits de soins intensifs

L’Ontario compte environ 2000 lits de soins intensifs. En temps normal et pas en contexte de pandémie, les patients occupent généralement entre 1200 et 1400 de ces lits.

Cette semaine, la ministre de la Santé Christine Elliott a dû répondre à des questions face à la possibilité que le gouvernement soit obligé d’adopter une ordonnance pour indemniser les médecins de soins intensifs de toute responsabilité dans l’éventualité où ils doivent prendre des décisions de triage difficiles.

Prioriser les meilleures chances de survie

Ces décisions pourraient inclure le choix de prodiguer des soins à un patient qui a de meilleures chances de survivre au détriment d’un autre, face à la potentielle saturation des unités de soins intensifs causée par la covid.

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«Nous n’avons encore rien finalisé de tout cela, parce que nous travaillons vraiment pour nous assurer que nous puissions accueillir les personnes qui sont en soins intensifs.»

Ainsi, le gouvernement Ford espère pouvoir assurer que les médecins de soins intensifs n’aient pas à devoir choisir entre deux patients en fonction de leurs chances de survie respectives. «Nous voulons nous assurer que toute personne qui arrive à l’hôpital, que ce soit en raison de la covid pour toute autre raison, puisse être soignée. »

Investissements dans les soins intensifs?

Le gouvernement Ford répète qu’il a investi beaucoup d’argent pour renforcer la capacité des unités de soins intensifs.

«Pour assurer que chaque individu reçoive des soins de la plus haute qualité dans un hôpital, nous investissons 1,8 milliard $ additionnels dans le secteur hospitalier en 2021-22, portant le total de nos investissements dans ce secteur à 5,1 milliards $ depuis le début de la pandémie», a rappelé le bureau de la ministre de la Santé.

Par ailleurs, le ministère réitère avoir ajouté plus de 500 lits de soins intensifs aux hôpitaux des régions à taux de transmission élevé, et qu’il érigera au début du mois d’avril des unités de santé mobiles, «si un soutien de capacité supplémentaire est nécessaire».

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Pas suffisant

Or, selon l’Association des hôpitaux de l’Ontario, plus de lits ajoutés en soins intensifs ne régleront pas le problème à court terme de l’imminent «point de saturation» des installations existantes.

Médecin en unités de soins intensifs à l’hôpital Michael Garron de Toronto, le Dr Michael Warner partage sur les réseaux sociaux ses inquiétudes face au nombre grimpant de patients en soins intensifs.

Celui-ci a publié en ligne une copie du formulaire de triage distribué par le gouvernement, montrant que la probabilité estimée de décès des patients dans un délai d’un an malgré l’obtention de soins détermine si oui ou non ils ont la priorité pour un lit dans différents scénarios de triage.

Impact psychologique sur les médecins

Le Dr Warner craint qu’il puisse bientôt avoir à utiliser ce formulaire pour ses patients, et s’inquiète aussi de l’impact que le triage pourrait avoir sur les médecins, qui sont ceux qui devront expliquer les décisions aux patients et aux familles.

Rappelons que l’Ontario a déjà été confronté à d’importantes critiques lors de sa dernière tentative de mise en œuvre d’un protocole de triage en soins intensifs.

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En mars 2020, au début de la pandémie, le ministère de la Santé s’était rétracté peu de temps après avoir envoyé un tel protocole à la suite de vives critiques d’organisations de défense des droits de la personne.

Soins intensifs : l’approche à trois niveaux

Selon le document partagé par le Dr Warner, le triage comprend une approche à trois niveaux :

Premier niveau: les patients qui ont plus de 20% de chances de survivre 12 mois après le début de la maladie doivent être classés par ordre de priorité

Deuxième niveau: les patients qui ont plus de 50% de chances de survivre 12 mois après le début de la maladie doivent être classés par ordre de priorité

Troisième niveau: les patients qui ont plus de 70% de chances de survivre 12 mois après le début de la maladie doivent être classés par ordre de priorité.

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Des chirurgies annulées

À compter de lundi, la plupart des hôpitaux de la province devront réduire le nombre de chirurgies électives et les activités non urgentes en raison des quantités records de patients atteints de la covid dans les unités de soins intensifs.

Le PDG de Santé Ontario, Matthew Anderson, a envoyé une note de service à cet effet, jeudi, aux PDG des hôpitaux et aux fournisseurs de soins primaires.

Celui-ci a déclaré que la réduction de ces chirurgies est nécessaire pour assurer la capacité dans les unités de soins intensifs et pour éviter que les médecins soient obligés d’enclencher un protocole de triage.

«Rester positif»

Malgré tout, Doug Ford souligne qu’il faut «rester positif», et que «nous sommes loin devant d’autres endroits dans le monde grâce aux Ontariens».

De passage devant la caméra vendredi, quelques heures après avoir reçu sa première dose du vaccin d’AstraZeneca, le premier ministre Ford a convenu qu’il faut que la population se fasse vacciner dès que c’est possible afin «d’alléger la charge des unités de soins intensifs».

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