Zone: la jeunesse au temps de la Grande Noirceur

Auteur québécois précurseur du renouveau théâtral, Marcel Dubé s’est véritablement imposé sur la scène artistique avec Zone, une pièce qui met en lumière les années sombres du Québec. Une bande de jeunes vit de larcins et de contrebande de cigarettes, mais derrière la pauvreté et la perte de repères des personnages, Marcel Dubé a écrit ici une histoire d’amour, qui est en fait la véritable histoire de Zone.

Comment mettre en scène une pièce vieille de 60 ans, qui est «pas assez loin et encore trop proche», selon les mots de Jean-Stéphane Roy, sans la trahir? C’était là le défi du metteur en scène Jean-Stéphane Roy, qui a donc tenté de dépoussiérer l’œuvre de l’icône Marcel Dubé.

«Je ne voulais pas la placer dans les années 50, mais je ne voulais pas non plus la situer maintenant. On se retrouve donc à la moitié!»

Zone, qui a vu le jour le 23 janvier 1953, lors du Festival Dramatique de l’Ouest du Québec, sera donc présentée dans une version renouvelée au Théâtre français de Toronto du 1er au 12 février, avant de partir en tournée en Ontario. «C’est vraiment le début de la dramaturgie au Canada français. C’est un appel au secours des Canadiens français, toute la pièce repose sur le fait que tout va mal», explique Jean-Stéphane Roy.

La pauvreté, la condition de la jeunesse québécoise et les perspectives inexistantes d’avenir dressent le décor noir de la pièce de Dubé.

Si le Québec s’est finalement sorti de cette «Grande noirceur», il n’aime pas trop regarder en arrière pour voir d’où il vient. «Cette pièce ne fonctionne plus au Québec, mais cela marche encore au Canada français, car la situation est restée la même. Ce que dit Dubé, ça n’a pas changé pour nous», avance le metteur en scène.

Si Jean-Stéphane Roy a choisi de mettre l’accent sur le côté hors la loi, Robin des bois de la gang de jeunes, il indique que la plupart du temps Zone est interprétée à travers le prisme du gang de rue. « C’est quand même une histoire d’amour. Le fond social n’est pas un trampoline.»

Selon lui, Zone est également remplie de références bibliques. «Dubé a créé un Christ, Tarzan, le chef de la bande. Le Christ du Canada français. Quand tu lis la pièce, tu découvres tout ça. Passe-partout (un personnage de la pièce) est plusieurs fois comparé à Judas»

Jean-Stéphane Roy attire également l’attention du public sur le phrasé des dialogues, qui ne ressemble plus au parler d’aujourd’hui.

La mise en scène reste fidèle au contexte de l’écriture de Marcel Dubé et ne tombe pas dans la critique de la période en question, sans quoi «on perd le côté dramatique de la pièce», assure le metteur en scène.

La mise en scène de la pièce a déjà fait ses preuves en remportant le prix principal à Contact ontarois l’an passé. Plus de 80 spectacles seront organisés à travers l’Ontario après les performances au Théâtre français de Toronto.

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