Wexit : la sécession gagne-t-elle du terrain dans l’Ouest?

Alberta et Saskatchewan: les deux provinces pétrolières du Canada.
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Publié 03/03/2020 par Lucas Pilleri

Wexit Canada est désormais reconnu par Élections Canada en vue des prochaines élections fédérales. Le parti séparatiste prévoit présenter une centaine de candidats dans les quatre provinces de l’Ouest.

Pour le politologue Daniel Béland, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en politiques publiques à l’Université de la Saskatchewan de 2008 à 2018, le mouvement reflète avant tout un grand sentiment d’insatisfaction.

Sur la plateforme du parti, on retrouve une baisse des taxes, l’adoption d’une monnaie commune aux provinces de l’Ouest, une déclaration universelle d’indépendance du Canada, une sécession du Commonwealth, la ratification d’une constitution propre au nouveau pays, et un certain rapprochement avec les États-Unis.

La sortie du pays pourrait se faire une province à la fois, ou toutes les provinces de l’Ouest ensemble.

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Un tiers en Alberta, un quart en Saskatchewan

Ces mesures font leur chemin auprès d’un nombre croissant d’électeurs. «Dans les sondages, on voit que le soutien au Wexit est relativement élevé en Saskatchewan», observe Daniel Béland, devenu directeur de l’Institut d’études canadiennes de l’Université McGill en 2019.

D’après un sondage Ipsos datant de novembre dernier, le sentiment séparatiste a atteint des sommets historiques en Alberta et en Saskatchewan. Si près de 60% des répondants à travers le Canada s’accordent pour dire que le pays est plus divisé que jamais, ce chiffre bondit à près de 80% dans les deux provinces pétrolières.

Un tiers des personnes sondées en Alberta et un quart en Saskatchewan pensent même que leur province s’en sortirait mieux en se séparant du reste du pays. En 2001, seuls 13% des Saskatchewanais partageaient ce point de vue.

Le prof Daniel Béland.

Vote protestataire

Ces sentiments se traduiront-ils néanmoins dans les urnes? Daniel Béland ne le croit pas. «S’il y avait un référendum demain matin, les gens réfléchiraient et le non à l’indépendance l’emporterait très facilement», avance le politologue.

L’universitaire y voit plutôt un vote protestataire, «le symptôme d’un mal profond, l’idée que les provinces de l’Ouest ne sont pas bien traitées par le fédéral».

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Pour lui, le scénario du Wexit reste une idée saugrenue pour chacune des provinces prises isolément. Même ensemble, l’Alberta et la Saskatchewan n’auraient «pas d’accès à la mer, avec un gros problème pour exporter les ressources naturelles. Il faudrait déjà un leader connu, charismatique.»

Le lac Louise en Alberta.

Un vieux sentiment d’aliénation 

La montée du séparatisme n’est pas un phénomène nouveau, souligne l’universitaire: «Ça a déjà existé au début des années 1980. Des gens soutenaient l’indépendance de l’Alberta et des provinces de l’Ouest, à l’époque dans le contexte du programme national de l’énergie. Il y a des ingrédients à ce qu’on appelle l’aliénation de l’Ouest.»

Parmi ces ingrédients, une situation économique qui se détériore depuis l’effondrement des prix du pétrole en 2014. «Le boom économique en Saskatchewan s’est terminé il y a 5 ans, note le politologue. Il y a aujourd’hui des frustrations politiques avec le gouvernement libéral en place. Le Wexit est très lié à l’économie. On brandit la menace de l’indépendance pour obtenir des choses d’Ottawa.»

D’autant plus que le cœur des Prairies penche fortement à droite: lors des élections fédérales de 2019, 47 des 48 sièges en Alberta et Saskatchewan ont été remportés par des Conservateurs aux dernières élections fédérales.

«Il y a une frustration que le gouvernement fédéral ne représente pas les gens de l’Ouest. Le mouvement semble fondé sur l’aspect partisan et économique, très à droite, avec une réduction d’impôts, limiter le rôle de l’État, une vision libertarienne de l’économie», observe le politologue.

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Division des Conservateurs

Les Conservateurs jouent un rôle crucial dans l’aventure du Wexit, car ce sont eux qui ont le plus à y perdre et à y gagner. «Le Wexit pourrait attirer plus de gens si les électeurs de droite sont insatisfaits du Parti conservateur. Avec 10-15% des voix au Wexit, c’est assez pour lui faire mal», analyse Daniel Béland.

Auteur

  • Lucas Pilleri

    L’Initiative de journalisme local est financée par le gouvernement du Canada et gérée par l'Association de la presse francophone.

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