Voyage de rêve à Detroit

Mon cadeau de la fête des Pères, c’était d’amener mon papa à Detroit, une vraie destination d’hommes. Detroit, ville de l’automobile et ville de grandes équipes sportives.

Le plus beau cadeau que donne un père à son garçon, c’est le premier match de sport professionnel, ou la première ballade en voiture seul à seul, ou la première conversation sur le comportement des femmes. Ces moments d’intimité à la fois filiale et virile demeurent inscrits à jamais dans la tête des petits hommes en devenir. Les pères tirent un plaisir énorme à faire découvrir le monde à leurs garçons. Et les garçons devenus grands peuvent rendrent la pareille à leur père.

Detroit, dans les années 1950, rivalisait avec le Canadien avec ses puissants Red Wings de Ted Lindsay et Gordie Howe. Detroit, c’était de là que venaient toutes les voitures désirables. Et mon père aimait le hockey et il adorait la mécanique. Et il a eu 20 ans dans les années 1950.

Musée Henry Ford

Je l’ai donc amené voir le Henry Ford Museum, le plus grand musée d’automobiles et d’objets mécaniques au monde. De la limousine fatale de John Kennedy à une locomotive démesurée, mon père avait les yeux écarquillés.

Nous sommes allés à Detroit en train, comme les équipes de hockey du bon vieux temps, et nous avons fait une mini escale à Toronto pour visiter le Temple de la renommée du hockey, à deux pas de la gare.

Au dernier soir de notre voyage à Detroit, alors que nous regardions un match de baseball opposant les mythiques Yankees de New York aux Tigers de Detroit (les dates du voyage étaient choisies de manière à voir les Yankees), Papa me dit simplement: «je suis content d’être ici». Ce fut la seule expression de joie de quatre jours dont il parlera pourtant pour toujours. Les hommes de sa génération parlent peu, mais ils aiment beaucoup.

Quand un père fait voyager un garçon, le petit voit tout son avenir à travers ce qu’il admire: une capsule spatiale le fait rêver qu’il sera astronaute, une station-service qu’il sera mécanicien et une belle voiture qu’il sera riche et qu’il roulera en décapotable rouge.

Pour le père qui voyage avec son garçon devenu adulte, c’est le contraire: le père revoit toute sa jeunesse, la station-service des années 1940 lui rappelle ses jeunes années, la vieille voiture lui rappelle sa première crevaison… et son propre père.

Tout se fait à l’envers. À la cafétéria du musée, j’insistais pour que Papa mange ses légumes. Et je redevenais aussi un jeune fils, j’avalais du macaroni au fromage accompagné d’un verre de lait, un menu d’enfant que je n’avais pas choisi depuis 30 ans.

Tout se fait à l’envers, mais l’esprit est le même: faire vivre au sang de notre sang, de l’autre génération, de bonnes expériences dont il se souviendra toujours. Le sport, l’automobile, ce ne sont que les prétextes et les dénominateurs communs de l’amitié entre un père et son fils.

Zoo de Detroit

Nous sommes aussi allés au grand Zoo de Detroit. L’attraction de l’été est la nouvelle aire d’observation des kangourous. Jadis, quand je suis revenu d’Australie, Papa était fasciné par la description des kangourous. Il en avait parlé plusieurs fois; cette fois, il les voyait, c’était un mini film dans ma tête, un mini «Un Zoo le Jour».

Adulte, je suis devenu reporter touristique, j’ai vu le monde entier, alors que mon père a travaillé d’arrache-pied pour faire vivre et élever cinq enfants. Il a travaillé le soir, les week-ends, subi toutes les pressions de sa profession, pour que nous puissions réaliser nos rêves. Alors aujourd’hui, je le remercie, et s’il a vécu un petit rêve grâce à moi, ce n’est pas vraiment un retour d’ascenseur; ce n’est qu’une remontée d’un étage du gratte-ciel de ce qu’il nous a donné.

Merci Papa. J’étais content d’être là, avec toi, moi aussi.