Vlaminck: l’anarchie en peinture

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Publié 18/11/2008 par Gabriel Racle

En cette année 2008, on peut commémorer le 50e anniversaire du décès de Maurice de Vlaminck, peintre français, mort à 82 ans, le 11 octobre 1958, et qui a marqué l’art pictural d’une touche flamboyante, ou pour reprendre ce qu’exprime une critique d’art: «Vlaminck c’est la gestualité éloquente, la fulgurance chromatique, un crachin de pigments étalé au couteau même. Une palette turbulente et truculente où frémit encore la couleur pure, comme domptée dans une orchestration de vermillons flamboyants ou de bleus de Prusse.» (Paloma Blanchet-Hidalgo, EVENE)

Maurice de Vlaminck est né à Paris le 4 avril 1876. C’est l’aîné d’une famille flamande de cinq enfants, dont le père était violoniste et la mère pianiste. Il s’intéresse à la musique, mais aussi à la peinture. Il quitte sa famille et travaille comme mécanicien et devient aussi coureur cycliste.

Mais, la maladie, une fièvre typhoïde, le contraint à arrêter cette activité vers 20 ans. Il donnera alors des leçons de violon pour gagner sa vie. Le 18 juillet 1900, lors d’une permission au cours de son service militaire, il fait la connaissance de Derain dans le train qui les ramène vers Chatou, où ils habitent.

Matisse et van Gogh

André Derain, plus jeune de quatre ans que Vlaminck, s’adonne déjà à la peinture et a fait la connaissance de Matisse. Tous deux s’entendent pour travailler ensemble dans un restaurant désaffecté En 1901, ils découvrent Van Gogh, qui les bouleverse, dans une exposition rétrospective.

C’est à cette occasion que Denain présente Matisse à Vlaminck. Ce trio d’artistes va s’illustrer en particulier lors de l’exposition du troisième salon d’automne à Paris. Le président de la République refuse de l’inaugurer, à cause d’une salle qui réunit des tableaux de ces trois artistes et de quelques autres, jugés inacceptables par les critiques. On parle de «bariolages informes», de «brosses en délire», «de mélange de cire à bouteille et de plumes de perroquet».

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Un buste de femme du genre florentin, placé au centre de la salle, fait écrire à un critique d’art, Louis Vauxcelles, faisant, sans doute par dérision, référence au plus grand des sculpteurs toscans qui précèdent Michel-Ange: «C’est Donatello parmi les fauves». La formule connaît un tel succès que la salle est bientôt baptisée «la cage aux fauves» et les artistes qui y ont exposé sont qualifiés, comme leur peinture, de «fauvistes». Ainsi est né le nom de ce mouvement pictural, le fauvisme, dans lequel se retrouve Vlaminck.

La couleur libérée

Les peintres qui s’y rencontrent n’ont ni manifeste, ni théorie, mais veulent réinventer l’art de peindre en se fondant sur la couleur. «S’il est une caractéristique commune à tous ces peintres (auxquels il faut ajouter Dufy et le hollandais Van Dongen), c’est bien l’utilisation d’une couleur libérée, explosive, violente.

Tous sont directement marqués par la génération précédente. Ils tirent les leçons de Van Gogh dont ils retiennent l’acidité chromatique et la vigueur du coup de pinceau. Ils s’inspirent aussi de Gauguin, auquel ils empruntent l’ombre colorée, et de Seurat, à qui ils doivent la touche divisée et la valeur constructive de la toile laissée vierge.» (Le Fauvisme, RMN)

Anarchiste

Esprit contestataire, Vlaminck se passionne alors pour les idées anarchistes et donne même quelques articles au Libertaire, journal de l’Union des anarchistes. «Ce que je m’aurais pu faire dans la société qu’en jetant une bombe – ce qui m’aurait conduit à l’échafaud – j’ai tenté de le réaliser dans la peinture, en employant de pures couleurs sortant de leur tube. J’ai satisfait ainsi à ma volonté de détruire, de désobéir, afin de recréer un monde sensible, vivant et libéré», écrit-il dans Désobéir, en 1936 (Vlaminck est aussi l’auteur, seul ou en collaboration, de près de 20 ouvrages)

Et pour ce faire: «Je haussais tous les tons, je transposais dans une orchestration de couleurs pures tous les sentiments qui m’étaient perceptibles. J’étais un barbare tendre et plein de violences.» (Tournant dangereux, 1929)

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50e anniversaire

C’est ce qui ressort avec éclat de l’exposition organisée par le musée du Luxembourg à Paris pour célébrer ce 50e anniversaire et dont les éditions Skira en présente le catalogue dans un livre merveilleux: Vlaminck. Un instinct fauve, Paris, Skira, 2008, 24 cm x 28 cm, 223 p. (distribué au Canada par les éditions Flammarion, à Montréal).

L’ouvrage présente des œuvres de la période fauve de Vlaminck réalisées entre 1900 et 1915. Des textes illustrés donnent un aperçu sur les réalisations du peintre: Les paysages: une transposition flamboyante, Vlaminck et le rêve d’un portrait, Natures mortes, La cordée fauve VlaminckDerain, suivis de 85 pages de reproductions de tableaux en pleine page et en splendides couleurs: Le Verger aux vermillons incendiaires, Le Remorqueur aux bleus éclatants, La Fille du Roi mort, des natures mortes, etc. Et suivent, après un texte explicatif, 18 pages reproduisant des cramiques étincelantes réalisées elles aussi par Vlaminck

À qui veut découvrir le fauvisme ou la période fauve de Vlaminck ou qui le connaissant veut s’en délecter, cet ouvrage apporte une réponse pleine d’éclats de couleurs, avec en complément des objets de la collection d’art africain auquel Vlaminck s’intéressait aussi.

Éloignement et solitude

Profondément marqué par la guerre de 1914-18, Vlaminck divorce, se remarie, se renferme sur lui-même, s’éloigne de Paris, s’enfonce dans la solitude, «une des plus grandes vérités de ce monde… je suis heureux tout seul, dans le vent, dans la pluie, dans les éléments, avec ma pipe».

Et il ajoute: «Si tu es peintre, ne regarde que toi-même.» Il continuera de peindre, car «la peinture est, et demeure pour lui un langage physique, un langage des émotions, un langage de la vie dans son élan vital contre la mort» (Le Monde des Arts), d’écrire et d’exposer ses œuvres, jusqu’à son décès. Même s’il a changé brutalement de ton, il reste cependant une figure majeure du fauvisme, et il a, lui aussi, ouvert la voie à l’expressionnisme, un autre courant pictural important du XXe siècle.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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