Visite de Jean-Pierre Raffarin à Toronto

L’ancien premier ministre français vient «travailler des idées neuves» au Canada

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Publié 28/02/2006 par Alexandre Guetta

«Le Canada est ma seconde patrie!» Effet d’annonce ou réel attachement au pays? Toujours est-il que l’ex-premier ministre français Jean-Pierre Raffarin était présent lundi dernier au Collège Glendon de l’Université York à l’initiative de la fondation Vari et du Consulat Général de France, pour y donner une conférence.

M. Raffarin, actuellement sénateur de la Vienne (Poitou-Charentes), s’est attardé sur des enjeux de politique internationale donnant ainsi son point de vue sur des situations telles que la montée «inquiétante» de l’islamisme radical. Il a tenté de répondre à des questions qui occupent une place cruciale dans les hautes sphères politiques actuelles. Peut-on freiner la progression de l’islamisme radical et de quelle manière cela est-il possible? Quel rôle doit jouer l’Europe, la France et le Canada pour enrayer une machine terroriste de plus en plus menaçante?

Partant de trois évènements d’actualité que sont la victoire du Hamas en Palestine, le dossier du nucléaire iranien et les réactions concernant les caricatures danoises au Moyen-Orient, il a insisté sur le caractère difficilement maîtrisable de l’islamisme radical actuel et plus encore du terrorisme.

L’esprit de nuance français

S’appuyant sur le principe que «la grande majorité des musulmans sont des personnes raisonnables», il a expliqué au demeurant que la France prônait un «esprit de nuance» sur les sujets jugés sensibles.

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Un esprit de nuance qui peut parfois avoir tendance à agacer. Lorsque la France s’est dite opposée à l’intervention militaire en Irak de 2003 au grand dam de la coalition menée par Washington, sa position est apparue éclairée à la vue des évènements survenus par la suite. Mais lorsque le Quai d’Orsay approuve l’attitude de Moscou qui invite le Hamas, (organisation reconnue comme terroriste par l’Union européenne entre autres) après sa victoire aux élections palestiniennes, la communauté internationale a de quoi se questionner sur l’attitude de Paris.

L’invitation de Moscou avait au contraire inquiété les États-Unis qui avaient demandé des «éclaircissements» tandis qu’Israël s’indignait, allant même jusqu’à qualifier l’attitude du Kremlin de «coup de couteau dans le dos»…

Interrogé par L’Express peu après la conférence à propos de cet «esprit de nuance» spécifiquement français, M. Raffarin s’explique: «La France veut éviter que l’on ne généralise l’ensemble des conflits. Elle veut éviter les positions manichéennes de ‘’bien contre le mal’’» taclant ainsi implicitement les fameux «axes du bien et du mal» si chers à l’administration Bush.

«Nous voulons éviter à tout prix que l’Occident soit perçu par des millions d’individus comme l’expression du mal», a-t-il continué avant de finir: «en ce qui concerne le mouvement Hamas, il faut pouvoir être ferme sur le fond mais aussi être dans une attitude qui n’oblige pas le Hamas à se raidir davantage. Sans perdre un degré contre la mobilisation contre le terrorisme, il faut permettre aux différents acteurs de pouvoir évoluer dans la bonne direction.»

Il a en outre expliqué pendant sa conférence que «l’islamisme, sous toutes ses formes, était une réaction à la modernité.» Selon lui, l’Europe a un rôle prépondérant à jouer pour réduire les risques de terrorisme: «L’Europe peut être la réponse au ‘’choc des civilisations’’(…). Il existe une majorité silencieuse à qui il faut donner la parole. Elle ne casse pas d’école, elle ne revendique pas d’appartenance exclusive et elle ne fait pas la Une des médias» faisant à cette occasion référence aux émeutes qui ont secoué la France à l’automne 2005.

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«Il ne faut pas stigmatiser les jeunes de banlieues»

9 193 véhicules incendiés, 2 921 interpellations, 56 membres des forces de l’ordre blessés: tels sont les chiffres effarants des émeutes d’octobre et novembre dernier qui avaient touché une grande partie de la France.

Selon M. Raffarin, «il est important de rappeler que ces émeutes ont avant tout été un conflit social et non un conflit religieux comme certains médias étrangers ont voulu l’interpréter. (…) Autre chose essentielle à mes yeux: il ne faut pas stigmatiser les jeunes de banlieues. L’attitude de la stigmatisation ne mène à rien. Il ne faut pas avoir un comportement raide mais un comportement responsable en traitant l’individu en tant que responsable et non pas en tant que membre d’un collectif, dans ce cas présent, les jeunes de banlieues.»

La Chine: menace ou opportunité pour l’Europe?

«Aujourd’hui la Chine est la quatrième puissance mondiale en termes économiques. La question n’est plus de savoir si la Chine va dépasser ou non les États-Unis mais plutôt de savoir ‘’quand’’ la Chine va-t-elle dépasser la superpuissance américaine.» C’est ainsi que M. Raffarin a souligné l’importance grandissante que prend la République populaire de Chine sur l’échiquier du commerce international.

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Il a aussi noté le paradoxe du pays qui voit son économie et sa croissance fleurir de manière exponentielle tandis que l’environnement politique chinois apparaît des plus totalitaires.

Il a prôné que l’Europe devait établir «un partenariat privilégié» avec la Chine pour deux raisons essentielles: «D’une part pour éviter que les relations mondiales ne soient basées sur une bilatéralité entre les États-Unis et la Chine laissant de côté l’Europe et les autres partenaires commerciaux (…) et d’autre part pour aider la Chine à entrer de manière pacifique dans le cercle des grandes puissances mondiales.» L’ancien chef du gouvernement français s’est dit inquiet d’une éventuelle montée du «nationalisme exacerbé qui pourrait constituer à terme, un danger pour l’Occident».

M. Raffarin a conclu son intervention en rappelant le rôle essentiel du Canada et du Québec: «vous êtes aux avant-postes de la transformation du monde: votre fraternité avec l’Europe, votre proximité avec les États-Unis, vos liens anciens avec l’Asie et la Chine, votre aptitude à la réforme, votre modèle efficace de vivre ensemble font de vous des “vigies du monde nouveau”.»

Pour une première visite à Toronto, celui qui fut à la tête du gouvernement français de mai 2002 à mai 2005 est apparu comme un ardent promoteur de l’amitié franco-canadienne. Il a d’ailleurs rendu un hommage appuyé au pays hôte en expliquant que selon lui «le Canada est un pays qui a su conjuguer le pragmatisme américain et l’humanisme européen.»

Après avoir visité la Ville-Reine, M. Raffarin s’est ensuite rendu à Montréal où il a rencontré un autre ancien premier ministre français en la personne d’Alain Juppé, professeur à l’Université de Montréal. Il s’est ensuite dirigé vers Québec avant de s’envoler vers la France.

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La France où il devrait refaire surface sur le devant de la scène politique peu avant les élections présidentielles de 2007. Selon toutes vraisemblances, il donnera son avis quant au meilleur candidat possible de la droite française pour cette échéance électorale. Une course à l’Elysée au sein même de l’UMP qui voit de plus en plus clairement se profiler un duel entre le tumultueux ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy et l’actuel premier ministre, Dominique de Villepin.

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