Vague de dépression, d’anxiété et de stress post-traumatique en vue

L’après-CoViD-19

Se promener dans la nature est une manière de prendre soin de soi-même selon la professeure de psychologie Nafissa Ismail. Photo: Martin Vorel, LibreShot
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Publié 30/05/2020 par Frédéric Cammarano

Que l’on pense aux étudiants et aux professeurs qui ont dû s’adapter aux cours virtuels, aux entrepreneurs qui ont dû fermer leur entreprise pendant deux mois, aux employés qui ont dû demander la prestation d’urgence du gouvernement fédéral ou aux travailleurs de première ligne qui doivent soigner les malades, la pandémie est devenue source de stress pour bien des Canadiens.

Selon certains experts, la santé mentale pourrait elle aussi faire les frais de la pandémie, entraînant dépression, anxiété et stress post-traumatique. Cette vague a peut-être même déjà commencé.

La directrice générale de la filiale montréalaise de l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM), Geneviève Fecteau, constate que les lignes d’aide reçoivent plus d’appels qu’en temps normal.

Geneviève Fecteau

Bons services d’aide

Mme Fecteau se dit ravie de voir le gouvernement fédéral lutter pour la santé mentale en investissant dans des organismes communautaires et en réduisant le stress financier en offrant une prestation aux étudiants qui ne peuvent pas trouver d’emploi, aux employés licenciés et aux contractuels sans revenus.

Mais elle croit que le gouvernement devrait accorder les mêmes sommes en santé mentale qu’en santé physique, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle.

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Professeure de psychologie de l’Université d’Ottawa, Nafissa Ismail croit que les gouvernements provinciaux ont bien réagi en créant des lignes d’aide et en facilitant l’accès aux psychologues.

«Selon ce que j’entends, ce sont de très, très bons services qui sont faciles d’accès», dit-elle en soulignant qu’avant la pandémie de CoViD-19, la santé mentale était souvent laissée de côté par les gouvernements.

Nafissa Ismail

L’ampleur de la vague

Pour l’instant, il est difficile de prédire l’ampleur que prendra cette vague. Il n’existe aucun modèle ni aucune situation antérieure suffisamment semblable selon Mme Ismail.

Elle estime que tous sont susceptibles de souffrir de stress post-traumatique, d’anxiété et de dépression et que l’environnement de chacun jouera un rôle déterminant.

«Tout le monde est train de vivre ça avec beaucoup de stress, beaucoup d’anxiété. Ce n’est peut-être pas agréable, mais il y a certaines personnes que finalement ça arrange. Ils sont très contents de travailler de la maison puis tout va très bien. C’est pour ça que je dis que l’environnement va vraiment venir jouer un rôle important.»

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Entrepreneurs à risque

Selon Geneviève Fecteau, certains groupes sont plus à risque que d’autres, notamment les entrepreneurs.

«Ils portaient sur leurs épaules beaucoup de poids, la survie de leur entreprise. Bien souvent, ce sont des projets qui sont l’aboutissement d’une vie entière. Ce sont des rêves ou des passions qui peuvent venir s’effacer du jour au lendemain.»

Mme Fecteau précise que les travailleurs de première ligne demeurent les plus susceptibles de souffrir de stress post-traumatique. Ils ont travaillé de longues heures et peuvent s’être sentis impuissants de guérir certains malades.

Mélinda Prince

À l’université

Pandémie de CoViD-19, cours en ligne, sécurité alimentaire des étudiants: la liste des tâches de la présidente de la Fédération des étudiantes et étudiants du Campus universitaire de Moncton (FÉÉCUM), Mélinda Prince, n’a cessé de s’allonger en mars et en avril. De plus, l’étudiante devait terminer ses propres travaux universitaires, un stress parmi tant d’autres.

Après avoir transféré les cours sur le Web à la mi-mars, l’université a permis à ses étudiants d’obtenir les crédits pour les cours entamés sans avoir à terminer les derniers travaux et sans recevoir de note. Cette option, qui apparaît sur le relevé de notes des étudiants comme «critère de succès ou d’insuccès», Mme Prince l’a prise.

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«Que l’université nous ait donné cette option-là, ça a vraiment été une belle chose pour les étudiants. Ça a vraiment aidé à alléger le fardeau, le stress en temps de pandémie», témoigne la présidente de la FÉÉCUM.

Déménagement

Pour bien des étudiants dans de nombreuses universités canadiennes, l’annonce des cours virtuels signifiait non seulement un nouveau lieu d’apprentissage, mais aussi un déménagement. Bien des universités demandaient aux étudiants vivant en résidence de déménager si c’était possible pour éviter de créer un nouveau foyer de contamination.

Plusieurs établissements postsecondaires au pays ont permis aux étudiants d’obtenir les crédits de leurs cours sans avoir à terminer les derniers travaux. Mme Prince croit que cette décision a aidé bien des étudiants qui ont dû déménager à s’adapter à leur nouvelle routine sans pour autant se préoccuper de leurs résultats universitaires.

À l’Université de Moncton, plusieurs étudiants restés dans la région ont aussi eu recours à la banque alimentaire et au service de santé psychologique.

Les professeurs eux aussi ont dû s’adapter à ce virage virtuel brusque. «Pour les professeurs, ça nous manque. Ce n’est pas du tout la même dynamique du tout, du tout. On aime avoir nos étudiants autour de nous. On aime pouvoir leur parler face à face. La rétroaction qu’ils nous offrent avec leur visage quand on est en train d’enseigner, c’est extrêmement important», indique la professeure Nafissa Ismail de l’Université d’Ottawa.

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Certains groupes, comme les entrepreneurs et les travailleurs de première ligne, sont particulièrement à risque. Photo: Pikwizard

S’aider soi-même

Statistique Canada révélait le 12 mai que la majorité des Canadiens auraient pris soin de leur santé mentale pendant le confinement. Par exemple, neuf Canadiens sur dix auraient parlé à un proche et six sur dix auraient fait de l’exercice.

Mme Ismail trouve encourageant que les Canadiens aient pris soin d’eux-mêmes. Elle affirme que c’est dans ce but que les autorités ont pris la décision d’ouvrir les parcs.

«On sait que ça aide énormément la santé mentale de prendre des marches dans la nature, d’être parmi les arbres, le bruit des oiseaux. Tout ça nous aide à nous calmer», indique-t-elle.

Une autre courbe à aplatir

Selon Geneviève Fecteau, de l’ACSM, il est important qu’une personne prenne soin d’elle-même, mais la bonne santé mentale ne se résume pas qu’à ça.

«Il y a tellement d’éléments qui viennent jouer, autant dans ce qui peut se passer dans notre vie que dans l’environnement. Je trouve ça très lourd de mettre la responsabilité sur une personne, de dire : “elle prend soin d’elle-même donc elle va être en bonne santé mentale”.»

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Il est essentiel que les services de santé mentale soient accessibles et financés adéquatement pour pouvoir aplatir la courbe de cette nouvelle vague, selon Mme Fecteau.

«Ce ne sera pas une hécatombe. On a tout ce qu’il faut pour passer au travers.»

Auteur

  • Frédéric Cammarano

    Journaliste à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec le réseau de l'Association de la presse francophone.

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