Vaclav Havel est mort

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Publié 18/12/2011 par Bill Kole et Karel Janicek (The Associated Press)

à 07h39 HNE, le 18 décembre 2011.

PRAGUE – Son nom symbolisait à lui seul la chute du Rideau de fer. Les Tchèques ont perdu dimanche leur ancien président, Vaclav Havel, mort à l’âge de 75 ans. Icône de la « Révolution de velours » pacifique, ce dramaturge iconoclaste avait été la figure de proue de la dissidence contre le régime communiste qu’il contribua à faire chuter en 1989.

Vaclav Havel s’est éteint dimanche matin dans sa maison de campagne dans le nord de la République tchèque, selon son assistante Sabina Tancecova. De santé fragile, ancien fumeur invétéré, il était sujet à des problèmes respiratoires chroniques, datant de ses années de prison dans les geôles communistes.

Premier président démocratiquement élu de la Tchécoslovaquie après la chute du régime communiste, en 1989, Vaclav Havel avait été réélu en 1993 à la tête de la République tchèque, désormais séparée de la Slovaquie, après avoir assisté impuissant à la scission du pays en deux Etats.

Il avait quitté le pouvoir en 2003, quelques mois seulement avant que son pays ne rejoigne l’Union européenne, un processus auquel il a largement contribué.

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Il avait alors salué l’événement en exhortant ses compatriotes à être « des citoyens de l’Europe pleins de confiance ». Ils étaient désormais membres d’un bloc « qui n’est pas le résultat de guerres, qui ne s’appuie pas sur la domination violente de certains sur d’autres, mais qui est né, évolue, se renforce et s’élargit par la libre volonté de nations européennes ».

« Je suis un homme très peu sûr de moi, je suis presque névrosé, je panique, j’ai souvent peur, je doute de moi et comme si j’étais masochiste, je ne cesse de me culpabiliser et de me maudire. En même temps, on me considère comme un homme sûr de lui et de ce qu’il a fait, admirablement équilibré, judicieux, persévérant, pragmatique et défendant avec réalisme ses opinions », écrivait-il dans son livre-bilan, « A vrai dire », paru en France en 2007 (Ed. de l’Aube).

Né le 5 octobre 1936 à Prague, Vaclav Havel s’était réellement fait connaître dans son pays et à l’étranger après la répression du Printemps de Prague en 1968, qui vit les chars soviétiques mater en Tchécoslovaquie « l’aventurisme » politique d’Alexandre Dubcek.

Ses oeuvres furent alors systématiquement interdites mais le dissident ne devait jamais cesser d’écrire des pièces comme « Audience » (1975) et « Largo Desolato » (1984) à l’humour un rien désespéré. Il fut aussi l’auteur de textes qui le firent comparer à Andreï Sakharov, auteur comme lui d’analyses aussi incisives qu’éloquentes sur les ravages du système communiste sur la société et les individus.

« Un spectre hante l’Europe de l’Est: le spectre de ce que l’Occident appelle ‘la dissidence' », écrivait-il ainsi dans l’un de ses plus grands essais, « Le pouvoir des sans-pouvoir » en 1978. Il reprenait là, en le détournant, le célèbre « spectre du communisme » hantant l’Europe de Karl Marx.

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Sa famille avait été en partie ruinée par les grandes nationalisations de 1948 et le jeune Vaclav n’avait pu suivre une scolarité normale. Il fut contraint de suivre les cours du soir, tout en travaillant dans une brasserie et en entrant dans le théâtre par la petite porte, comme machiniste.

Après sa première pièce (« Memorandum » en 1965) et sa participation au Printemps de Prague, l’écrivain dissident voit ses écrits interdits et se lance plus avant dans la lutte politique en janvier 1977 avec sa signature de la Charte 77, un manifeste pour les droits de l’Homme lancé en compagnie du philosophe Jan Patocka, mort peu après.

De 1977 à 1989, il est arrêté à de nombreuses reprises et passe au total cinq ans en prison. De ses séjours dans les geôles tchécoslovaques, il écrit de poignantes lettres à sa femme (« Lettres à Olga »), son mentor et sa meilleure amie.

Devenu le symbole de la résistance au régime, qu’il qualifie d' »Absurdistan », il jouit d’une grande popularité auprès de ses concitoyens. Il est emprisonné une dernière fois en janvier 1989 pour « hooliganisme » mais le régime le relâche au bout de quatre mois sous la pression de l’opinion.

L’écroulement du Mur de Berlin le 9 novembre de la même année va donner le coup de grâce à un régime très contesté: la répression brutale d’une manifestation d’étudiants tchèques, huit jours plus tard, lance la fameuse « Révolution de velours ».

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Prenant part aux manifestations contre le régime, sur la place Venceslas de Prague, Vaclav Havel lance le 23 novembre 1989 d’une voix éraillée par la fatigue: « Nous ne reviendrons jamais au vieux système du régime totalitaire ». Le 10 décembre, les mouvements démocratiques réunis dans le Forum Civique proposent sa candidature à la présidence de la Tchécoslovaquie. Le 29 décembre, il est élu à l’unanimité par le Parlement.

Homme de morale et de conviction, Havel commence immédiatement à mettre en oeuvre sa devise révolutionnaire « la vérité et l’amour doivent l’emporter sur le mensonge et la haine », inspirée par le mot de Masaryk, « la vérité doit l’emporter ».

Alors qu’il s’initie aux finesses de la diplomatie, il s’affiche en compagnie de personnages hauts en couleurs. Parmi les premiers invités au Château de Prague, la résidence présidentielle, figurent les Rolling Stones, Frank Zappa et Lou Reed.

En juillet 1992, il démissionne, considérant la rupture apparemment inéluctable de la fédération tchécoslovaque comme un échec personnel. Mais, jouissant d’une popularité encore au zénith, en 1993 il est élu par le Parlement président de la nouvelle République tchèque, amputée de la Slovaquie.

Ce mandat est notamment marqué par l’entrée en 1995 du pays dans le « club des riches » de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) puis en 1999 par l’intégration dans l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique nord).

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En décembre 1996, 11 mois après la mort de sa première femme, Olga Havlova, emportée par un cancer, il subit l’ablation d’un tiers de son poumon droit en raison d’une tumeur maligne. Un an plus tard, il se remarie avec Dagmar Veskrnova, une actrice de théâtre de presque vingt ans sa cadette.

En 2008, il était revenu à sa première passion, la scène, en publiant une nouvelle pièce, « Partir », sur l’abandon du pouvoir, dont il avait fait un film, son premier en tant que réalisateur, sorti cette année.

Vaclav Havel aura affirmé jusqu’au bout la profession de foi qui tout au long de sa vie a guidé son action. « Il n’y aura jamais de paradis sur Terre (…), mais un homme doit se battre pour ses convictions », a-t-il dit. « La pire chose est de dire que rien ne peut être changé et d’arrêter la lutte ».

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