Urgence climatique et urgence électorale

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Le premier ministre Justin Trudeau, le ministre des Finances Bill Morneau, la ministre de l'Environnement et du changement climatique Catherine McKenna.
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Publié 25/06/2019 par François Bergeron

Il y a deux ans, dans une longue conversation sur les changements climatiques dans ma page Facebook, un de mes amis est intervenu en demandant: «C’est quoi cette obsession?»

Sceptique de nature (c’est peut-être pour ça que je suis journaliste), les nouvelles sensationnelles, a fortiori les prédictions d’apocalypses, me paraissent toujours hautement suspectes.

Et depuis plus de 20 ans que je m’informe assidûment sur cet enjeu qui s’incruste dans les médias et les débats politiques, le catastrophisme climatique continue de me paraître très exagéré. «La fausse nouvelle la plus tenace du 21e siècle», ai-je déjà écrit.

Environnement et climat

Beaucoup de gens confondent environnement et climat. Comme nous avons un impact important sur l’environnement (pollution de l’air et de l’eau, épuisement des ressources, réduction des habitats naturels, etc.), ils s’imaginent que nous devons avoir le même impact sur le climat (la météo sur le long terme), ce qui n’est pas le cas.

Notre ajout de CO2 dans l’atmosphère est réel, mais ça reste un gaz rare, non toxique, dont l’effet sur les températures et les événements climatiques est probablement très faible (il y a de vifs débats là-dessus). En outre, le bilan du léger réchauffement observé depuis la révolution industrielle n’est pas que négatif.

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Contrairement à ce que prétend la propagande alarmiste relayée par trop de médias paresseux, de groupes d’intérêts opportunistes et de mouvements politiques qui carburent aux mauvaises nouvelles, il n’y a pas de consensus scientifique sur les tenants et les aboutissants des changements climatiques, sauf pour reconnaître qu’il faudra toujours s’y adapter.

Décarboniser

Considérant à quel point notre propérité est encore intimement liée aux énergies fossiles, c’est «décarboniser» rapidement nos économies qui aurait des résultats catastrophiques et, de ce fait, qui est utopique.

Malheureusement, c’est autour de cette chimère qu’on organise des sommets internationaux. Pas pour pour se pencher sur la vraie pollution, les déchets industriels et urbains, le plastique dans les océans, la biodiversité…

Depuis cette conversation sur Facebook il y a deux ans, mon ami, qui n’écoute que Radio-Canada et ne lit que La Presse, a corrigé son déficit d’attention sur la «crise» climatique. Il partage maintenant régulièrement les états d’âme des chroniqueurs les plus pessimistes. Il s’inquiète du sort des morses et des ours polaires. Il s’enthousiasme des apparitions de la petite Greta Thunberg à Davos, au Parlement britannique ou aux côtés d’Arnold Schwarzenegger…

Aujourd’hui, ce n’est plus moi l’obsédé, c’est lui!

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La cheffe du Parti vert Elizabeth May et son député Paul Manly.

Enjeu électoral

Mon ami est un de ces «électeurs moyens» – bien intentionnés, raisonnables, centristes – ciblés par nos partis politiques en vue du scrutin fédéral du 21 octobre.

Pour la première fois, l’écologie sera un thème majeur d’une campagne électorale canadienne. La semaine dernière, Libéraux, Néo-Démocrates, Bloquistes et Verts ont voté à la Chambre des Communes une motion proclamant «l’urgence climatique», une de ces initiatives «citoyennes» symboliques qui papillonnent de juridiction en juridiction. L’opposition conservatrice a voté contre, parce que «sans substance».

Coïncidence malheureuse pour Justin Trudeau: il donnait quelques heures plus tard le feu vert à l’expansion du pipeline Trans Mountain reliant Edmonton au port de Burnaby en Colombie-Britannique: un projet de 7,4 milliards $ s’ajoutant aux 4,5 milliards $ déboursés l’an dernier pour acheter à Kinder Morgan cet oléoduc englué dans les actions juridiques et les inactions politiques.

Le projet permettra de tripler la capacité du pipeline, de 300 000 à 890 000 barils de pétrole par jour, à destination des marchés asiatiques.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh.

Contradictions sur le climat

Évidemment, les écolos voient rouge. «C’est aussi logique que de tenter d’éteindre un feu avec un lance-flammes», a dit un porte-parole de Greenpeace.

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Même le nouveau candidat libéral montréalais Steven Guilbeault, militant écologiste bien connu qui conseillait Justin Trudeau depuis quelques mois, ne défendra pas Trans Mountain. Il vante toutefois le bilan environnemental des Libéraux: électrification des transports, tarification du carbone, réduction du plastique, tramway à Québec, investissements dans les infrastructures vertes, prolongement d’une ligne du métro à Montréal…

Les Libéraux assurent que leurs politiques énergétique et climatique sont complémentaires, puisque la richesse créée par l’exportation du pétrole albertain servirait à faciliter la transition écologique.

Climat : noyer le poisson

Et c’est le jour suivant que le chef conservateur Andrew Scheer dévoilait sa plateforme sur l’environnement et le climat, attendue depuis des mois.

M. Scheer jure croire lui aussi que les changements climatiques représentent l’un des plus grands défis de notre temps… Et que l’ajout de CO2 joue un rôle majeur. Mais il s’oppose à la «taxe carbone» du gouvernement. Pour nombre d’observateurs et d’experts, c’est la quadrature du cercle.

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Le chef du Parti conservateur, Andrew Scheer

Le Vrai plan pour protéger notre environnement du Parti conservateur prône «des technologies vertes, pas des taxes» qui permettraient au Canada d’atteindre les cibles de réduction des gaz à effet de serre calculées sous Stephen Harper et reprises par les Libéraux en 2015.

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Les Conservateurs promettent d’aider les entreprises à développer ces technologies. Mais aussi de leur imposer des normes d’émissions de GES. «Nous croyons aux incitatifs, pas aux taxes», a répété M. Scheer.

Ces bonnes paroles seront-elles suffisantes pour noyer le poisson? Il s’agit de faire croire aux électeurs que tous les partis politiques (sauf celui de Maxime Bernier) se préoccupent des changements climatiques, et qu’on peut donc voter, la conscience tranquille, en fonction d’autres enjeux.

C’est le pari des Conservateurs, mais aussi des Libéraux qui veulent rester crédibles face aux Néo-Démocrates et aux Verts.

Le leadership et l’honnêteté intellectuelle, ce sera peut-être pour une prochaine fois… ou plus jamais.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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